Le Soissonnais et le Valois avancent vers un destin commun
Situés à moins d'une centaine de kilomètres de la région parisienne, les territoires du Soissonnais et du Valois s'associent depuis 2019 dans un PETR (Pôle d'équilibre territorial et rural). Partageant une vison commune du territoire qui doit devenir une destination industrielle, culturelle et touristique, les élus s'associent dans un travail commun. Parmi eux, Alain Crémont, président de GrandSoissons Agglomération et Alexandre de Montesquiou, président de la Communauté de communes Retz-en-Valois, racontent cette ambition pour leur territoire.
La Gazette de Picardie : Quelles sont les particularités de ce PETR Soissonnais Valois ?
Alain Crémont : Il se compose de quatre EPCI (Établissement public de coopération intercommunale), Retz-en- Valois, Val de l'Aisne, Oulchy-le-Château et GrandSoissons Agglomération, ce sont 164 communes pour 107 000 habitants. C'est ce qui représente le bassin de vie et ce qu'on appelle aussi l'arrondissement. Il faut rappeler aussi que c'est un projet qui a déjà été imaginé il y a une trentaine d'années, qui s'appelait le Pays Soissonnais à l'époque de l'association Cetril, où un cluster autour du logiciel libre avait été développé. Cela avait participé à la volonté politique de créer ce pays du Soissonnais puis le projet n'a jamais été réalisé.
Nous sommes passés d'un club d'EPCI à une collectivité de demain qui sera le bassin de vie en conservant les singularités de l'ensemble de nos territoires et ce que nous avons en commun : comme le rail avec la ligne Paris-Laon ou encore la route avec la RN2 pour laquelle nous nous sommes battus pour qu'elle soit rénovée à 2x2 voies, elle l'est presque entièrement. Nous nous connaissons depuis un certain nombre d'années avec Alexandre de Montesquiou, ainsi qu'avec autres présidents, alors nous avons souhaité travailler ensemble.
Alexandre de Montesquiou : Les choses se sont faites assez naturellement et le PETR, ce n'est pas une collectivité en plus mais un libre choix de s'unir et travailler ensemble. Nous y étions poussés à l'époque par la préfecture mais cela s'est fait simplement parce que nous avions déjà l'habitude de nous voir et de partager des projets et une vision commune. Nous préférons parler du Pays du Soissonnais et du Valois qui incarne la réunion de ces collectivités.
Alain Crémont : Au-delà de ce Pays qui est un socle fort, c'est aussi la vision que nous avons, Alexandre et moi, de se rapprocher du Valois, dans l'Oise, pour ce qui est de Retz-en-Valois et puis du côté de GrandSoissons, je considère que nous avons un destin commun avec le sud de l'Aisne. Nous avons des choses en commun avec Château-Thierry notamment à travers la gestion commune de leur hôpital et de celui de Soissons comme hôpital pivot. Ce que nous avons déjà réalisé et on nous avait dit que ce serait impossible, c'est la fusion des offices de tourisme qui vient d'avoir lieu au 1er janvier 2025. Retz-en-Valois et GrandSoissons ont emmené tout le monde puisque les autres communautés de communes n'avaient pas la compétence spécifique tourisme, nous avons créé un Epic (Établissement public à caractère industriel et commercial) du Soissonnais et du Valois en charge de développer une stratégie touristique commune.
Il s'agit de la première pierre de ce Pays ?
Alain Crémont : C'est l'une des premières pierres avec l'écriture du Scot (Schéma de cohérence territoriale) en ce moment qui sera la feuille de route politique du territoire. C'est aussi un projet Leader qui est un programme européen de développement rural. Nous avons aussi monté une équipe structurée autour du projet Soissonnais Valois. Et puis, avec le projet Territoires d'industrie, là aussi nous mettons nos forces en commun. Le projet demain sera, à l'instar de l'Epic Tourisme, de créer une agence de développement économique en commun pour l'ensemble du territoire.
Le projet est d'être plus fort ensemble et de tirer partie de la proximité avec la région parisienne ?
Alexandre de Montesquiou : Il y a un axe assez cohérent pour nous, c'est l'axe nord, ce qui n'empêche pas que nous, Retz-en- Valois, travaillons avec le pays du Valois côté Crépy mais aussi le Compiégnois et GrandSoissons travaille avec Château- Thierry. Nous aimerions d'ailleurs mettre en 2x2 voies la D1 qui relie Soissons à Château-Thierry. Nous partageons la même ambition de faire de ce territoire une destination non seulement touristique mais industrielle. De montrer que ce territoire qui a souffert d'une désindustrialisation est capable de faire revenir des industries et de donner envie aux habitants du territoire de travailler dans ces entreprises, alors qu'aujourd'hui l'image de l'industrie reste encore assez négative. Grâce à la Cité internationale de la langue française, nous avons par exemple réussi à redonner du lustre à des métiers d'artisans d'art, c'est un savoir-faire à ne pas perdre et qui est important pour la vitalité de nos communes.
Peu de communautés de communes travaillent ainsi ensemble et arrivent à dépasser les clivages, comment y arrivez-vous ?
Alain Crémont : Il n'y a pas de divergences de vue entre nous et puis nous avons l'un et l'autre une expérience de chef d'entreprise et dans le monde de l'entreprise, on ne se pose pas ces questions. Quand on a un destin commun, qu'on veut exister demain, attirer de nouvelles entreprises et de nouvelles populations, il faut travailler ensemble et il ne faut pas qu'il y ait de barrières. La Cité internationale de la langue française, qui est à Villers-Cotterêts, a un impact fort si on sait en profiter, pour le Soissonnais. Indépendamment du fait qu'on a beaucoup d'estime l'un pour l'autre, ce qui est important, c'est qu'il y a cette vision commune.
Alexandre de Montesquiou : Ce qu'il faut savoir, c'est si on veut privilégier le territoire ou autre chose, et nous avons choisi le territoire. La chance que nous avons eue est d'avoir cette Cité internationale, il faut en profiter. Quand on a un gros coup de pouce comme on ne l'a jamais eu sur notre territoire, il faut saisir l'opportunité. Un peu comme les Bretons qui ont toujours su mettre de côté leurs divergences politiques pour attirer des entreprises par exemple autour de Rennes, c'est ce que nous voulons faire. Nous parlions de la RN2, il n'est pas normal que la mise à 2x2 voies ait été réalisée seulement au cours de la décennie précédente. Notre motivation est là, qu'on tourne la page de la guerre de 1914, de la désindustrialisation et qu'on montre aux franciliens qu'à 100 km de chez eux, ils ont ici un territoire riche à tous points de vue : de ses paysages, de ses entreprises de qualité, de ses lieux de culture comme la Cité de la langue et la Cité de la musique et de la danse à Soissons où des groupes prestigieux viennent enregistrer leurs albums.
Alain Crémont : Depuis que j'ai été élu [ndlr : en 2014], je n'ai eu de cesse de vouloir rendre les habitants fiers du territoire sur lequel ils sont. Il y a eu une perte de 7 000 emplois industriels dans les années 2000 à Soissons, les gens étaient dans l'expectative et il y a parfois eu un manque d'ambition des élus, par pudeur.
Quelle est votre vision du territoire pour les prochaines années ?
Alain Crémont : Nous posons un acte en commun, c'est la métropolisation du territoire. Nous sommes à proximité de pôles économique forts, l’Île-de-France et en particulier l'aéroport Roissy-Charles-de- Gaulle. L'idée est de savoir comment raccrocher autour de cette grande métropole un territoire essentiellement rural comme le nôtre. Nous avons encore du foncier par rapport à d'autres même s'il va falloir travailler intelligemment pour requalifier des friches et éviter de trop artificialiser les sols, et nous voulons aller chercher des centres de recherche positionnés autour de Roissy pour leur dire de venir travailler chez nous et accueillir des unités de production. Nous voulons être un territoire qui produit et qui soit accessible directement à Roissy avec le projet de raccordement ferroviaire, la virgule Soissons-Roissy, que nous menons avec l’État et la SNCF. Nous capitalisons aussi sur l'économie résidentielle, c'est-à-dire d'attirer de nouveaux résidents en profitant aussi du télétravail puisque nous sommes dans un département qui a fait de gros efforts avec les collectivités pour que la fibre soit partout. Le territoire est maillé au niveau numérique. Et le tourisme doit se développer grâce à nos paysages, notre bâti ancien et notre patrimoine historique et naturel. Un certain nombre de projets de gîtes se développe.
Alexandre de Montesquiou : Il faut développer une palette de services pour les familles en particulier, plaire aux enfants comme aux parents, qui viennent à la Cité de la langue et qui peuvent avoir l'envie de revenir. C'est un challenge à relever. Il faut aussi embarquer les habitants du territoire dans cette aventure, leur dire il y a un avenir ici, les transports se modernisent, le cadre de vie est attrayant, les entreprises sont là et arrivent encore.
Quelle sont les ambitions pour le développement économique et la réindustrialisation ?
Alain Crémont : Si je me suis engagé en politique, c'est pour le développement économique. Le dispositif Territoires d'industrie pour lequel GrandSoissons Agglomération aurait eu du mal à obtenir l'agrément seul, sans le Valois, marque une volonté forte d'accueillir les entreprises industrielles. Les porteurs de projet ne regardent pas simplement le foncier disponible mais les services autour, comme un centre hospitalier de qualité, des infrastructures de transport, des équipements sportifs comme nous les avons, l'attractivité du centre-ville et la rénovation des berges de la rivière Aisne au milieu de la ville y participent. Ce sont autant d'atouts importants. Tout comme le fait d'avoir ici des formations en lien avec les métiers industriels. Nous avons aussi pour vocation de poursuivre les efforts sur l'agroalimentaire et de reconstituer du foncier à proximité de Sermoise, où se trouvent la RN31 et la rivière. Cela est en cours de validation avec la région. Nous avons dans ce secteur une terre avec de grands acteurs du domaine : Tereos, Vico, Roquette. Nous voulons associer le monde agricole et le monde industriel sur ces questions.
Alexandre de Montesquiou : Nous sommes assez proactifs puisque nous participons à des salons pour promouvoir le territoire auprès des porteurs de projets. Nous travaillons aussi auprès de nos étudiants pour qu'ils soient ambassadeurs du territoire. Et nous accueillons les porteurs de projet en réunissant autour de la table l'ensemble des acteurs y compris les services de l’État. Le programme Territoire d'industrie sert aussi à unifier les acteurs entre eux, les proviseurs et les entreprises pour anticiper les besoins de formation et que tout le monde se connaisse.
La création d'un cluster matériaux bio-sourcés en projet
Le Soissonnais-Valois travaille sur la création d'un cluster de matériaux bio et géosourcés pour le bâtiment durable. Une idée émise il y a plusieurs années par la préfecture de l'Aisne, reprise à son compte par le territoire. En parallèle, une meilleure intégration de la filière bois est à l'étude. «Nous avons lancé une étude sur la filière bois puisque nous avons plus de 200 entreprises de l'amont à l'aval, de ceux qui plantent à ceux qui vendent des meubles, de l'artisanat à la palette et aux grandes entreprises qui pourraient mettre en oeuvre des projets ensemble», décrit Alexandre de Montesquiou. Le bois est en effet très présent dans l'Aisne, s'exporte et le Valois est traversé par la forêt de Retz, labellisée forêt d’exception en 2022, devenant alors la 15e forêt française à obtenir cette distinction.
En chiffres
- 107 400 habitants en Soissonnais-Valois.
- 180 établissements industriels employeurs.
- 3 910 emplois salariés dans l'industrie manufacturière.