Le rôle de l’entreprise dans la cité conforté

Quatre cents chefs d’entreprise étaient au rendez-vous donné par le Medef pour débattre, et échanger avec les acteurs de la cité, du modèle économique et social dont ils ne veulent pas être que de simples contributeurs.

4 bis = Trois mandataires ont été mis à l’honneur, Yvon Le Cocq, Roger Eimann et Madeleine Baillet au titre des Medef respectivement Lille Métropole, Douaisis et Flandre Audomarois, représentés par leurs présidents, Frédéric Motte, Michel Hermand et Thibault Delepoulle.
4 bis = Trois mandataires ont été mis à l’honneur, Yvon Le Cocq, Roger Eimann et Madeleine Baillet au titre des Medef respectivement Lille Métropole, Douaisis et Flandre Audomarois, représentés par leurs présidents, Frédéric Motte, Michel Hermand et Thibault Delepoulle.
D.R.

De gauche à droite étaient à la tribune Patrick Kanner, Isabelle Parize, Pierre Mathiot, Pierre-Mathieu Duhamel, Frédéric Motte, Mgr Laurent Ulrich, Carole Couvert et Jean-Pierre Letartre.

«300 milliards de prélèvements obligatoires : entreprises, que fait-on de votre argent ?». Organisée par le Medef Grand-Lille − né il y a un an du rapprochement des Medef territoriaux Douaisis, Flandre-Audomarois et Métropole, pour cause de nécessaires mutualisations de moyens et émergence d’une dynamique collective sur le territoire −, le 2 juillet 2014 à la Cité des échanges à Marcq-en-Barœul, l’Université des entrepreneurs et des mandataires 2014 n’avait pas pour finalité de remettre en cause la contribution financière des entreprises au financement des politiques publiques, mais de réfléchir à l’avenir du modèle social français et de construire des passerelles entre les différents acteurs qui y contribuent, qu’ils soient issus de la société civile, de l’enseignement, des syndicats, de l’Eglise, des collectivités…

Finalité entrepreneuriale. Les responsables du Medef Grand-Lille avaient souhaité donné à cette troisième édition de cette Université une finalité plus entrepreneuriale que précédemment, convaincus que «l’entreprise est sensible aux problématiques de la cité et que, réciproquement, la cité l’est à celles de l’entreprise». Pari réussi pour ce dialogue engagé qui a réuni quelque 400 chefs d’entreprise et un parterre d’intervenants «grands témoins» riche de diversité sociétale : Carole Couvert, présidente de la CFE CGC, Pierre-Mathieu Duhamel, président du groupe de travail «Efficience de la dépense publique » au sein de l’Institut Montaigne, Patrick Kanner, président du conseil général du Nord, Isabelle Parize, présidente du directoire de Nocibé, Jean-Pierre Letartre, PDG d’EY France et président du pôle «France 2020» du Medef national, Pierre Mathiot, directeur de Sciences-Po Lille, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille.

Entre difficultés et réussites. «Les problématiques de l’entreprise nous concernent tous, dans une société qui est en proie à des difficultés. L’entreprise demeure plus que jamais un acteur de la cohésion sociale. Nous ne sommes pas opposés au fait de payer des impôts. Quand on paye des impôts, c’est le reflet d’une économie saine», a plaidé Frédéric Motte dès l’ouverture de cette Université, avant d’inviter les chefs d’entreprise à réfléchir au travers de six ateliers sur leur financement économique et social pour les collectivités, l’énergie, la formation professionnelle, la justice, le logement et la protection sociale. Autant d’occasions de s’expliquer par exemple dans l’atelier «Entreprise et collectivités locales» sur la méfiance, voire la défiance, entre acteurs politiques et économiques, mais aussi de découvrir la réalité du travail de l’autre et d’évoquer des réussites d’échanges et de partenariats, sans se cacher quelques réalités parfois vécues difficilement ici dans le monde du transport de voyageurs, là en matière de marchés publics qui ne profitent pas ou guère aux petites entreprises… Avec, au final, le sentiment que chaque acteur «est pris à la gorge, les collectivités parce qu’elles sont sous perfusion financière et dépendantes d’un service public qui répond statut quand on lui parle mission», les entreprises parce que «la variable d’ajustement public, c’est l’investissement», mais aussi qu’ «il n’y a plus de temps à perdre», que «le temps est à la confiance» pour peu que la fonction publique évolue et devienne «audacieuse, libérée»…

Appel à un nouveau contrat social. Puis vint le temps de la séance plénière de clôture où, après un temps rapide de mise à l’honneur de trois mandataires (Roger Eimann, Yvon Le Cocq et Madeleine Baillet), et deux heures durant, les grands témoins ont traité du sujet prégnant par son actualité, à quelques heures de la Conférence sociale des 7 et 8 juillet : l’avenir du modèle social français. Une séance de clôture qui a trouvé son articulation autour d’interventions filmées de Jean-Paul Delevoye, président du CESE, appelant notamment à «réfléchir à un contrat d’investissement social qui respecte le besoin de compétitivité des entreprises et réponde aux nouveaux besoins sociaux pour rendre plus efficace l’économie». «Nous sommes aujourd’hui dans une fatigue des entrepreneurs et dans une très grande inquiétude de la société. Ces deux facteurs sont anxiogènes… Il faut retrouver le sens de l’optimisme, le réenchantement du futur et faire en sorte que, par une solidarité de proximité, on passe du contrat social à une vitalité sociale.»

Urgence à réformer. Il ne s’est trouvé personne pour réfuter l’urgence à réformer. La chef d’entreprise Isabelle Parize («on a les syndicats qu’on mérite») et la syndicaliste Carole Couvert («parler coconstruction ne nous fait pas peur») enclines à se poser la question du dialogue social. Patrick Kanner, patron «d’une boutique de 20 000 collaborateurs», pour qui «il n’y a pas de solidarité sans création au préalable de richesses, qui doit non seulement être permise, mais favorisée», qui reconnaît que «nous n’avons plus les moyens de la générosité des 30 Glorieuses», que «nous sommes arrivés au bout d’un système économique qui nous amène à un mur et à un risque d’éclatement de la société» et plaide pour «un changement de paradigme», pour que «la recette et la dépense publiques soient justes» et pour la recréation du lien fiscal territorial. Pierre-Mathieu Duhamel qui, évoquant la réduction nécessaire de la dépense publique, parle de «grands efforts de désintoxication», d’«action résolue sur cinq ans, voire sur deux législatures», d’«immense effort de pédagogie». Pierre Mathiot pour qui «on va en chantant vers le mur», en craignant tout haut : «la seule chose qu’on n’a pas essayé, le FN»… 

En bon pasteur et en auteur du livre L’espérance ne déçoit pas, Mgr Laurent Ulrich n’a pas manqué de noter que, «dans le monde de l’entreprise, il y a des désirs de créer, d’inventer du désir qui ne soit pas seulement de la production, encore que ce soit bien nécessaire, mais aussi de la relation». A l’entreprise, «belle communauté», il demande de redéfinir des objectifs de vie sociale, d’ausculter et de jauger l’utilisation du profit, notamment par la pratique du discernement.

D.R.

Les présidents du Medef Grand-Lille, de gauche à droite, Thibault Delepoulle (Flandre-Audomarois), Arnaud Lefort (Grand-Lille), Frédéric Motte (Lille Métropole et Nord-Pas-de-Calais) et Michel Hermand (Douaisis).

Cette Université d’été n’est pas une fin en soi, mais bien une étape dans la réflexion du Medef. «Il est possible d’éviter le mur, de refaire une France qui reparte de l’avant», même s’il «y a du boulot et urgence», a indiqué Jean-Pierre Letartre en animateur du projet «France 2020, France qui gagne». «J’ai envie de croire que nous sommes dans le temps de l’entreprise», a conclu Frédéric Motte, satisfait d’avoir participé à la remise de l’entreprise au cœur de la cité.