Le pain du partage
À 45 ans, Laurence Rouyer aurait pu se contenter d’une vie bien tranquille entre sa famille et son travail dans une association de solidarité internationale. Mais c’était sans compter sur le tempérament de feu de ce petit bout de femme. En 2013, elle a décidé de tout envoyer balader ou presque. Si elle a gardé mari et enfants, elle a choisi de prendre un virage professionnel à 360° pour devenir… boulangère !
Laurence Rouyer a un parcours atypique. Elle le sait et en sourit ! Il y bientôt cinq ans, elle a décidé de changer de vie pour retrouver ses racines, celles qui l’ont vue naître puis grandir à Germiny, petit village, tout petit même, proche du Saintois. C’est là qu’elle a décidé de devenir boulangère, comme pour rendre hommage à son père paysan qui a passé sa vie à cultiver le blé.
De la fac à l’Afrique
Pourtant, rien ne la destinait à se retrouver un jour les mains dans la farine ! Laurence Rouyer a une scolarité très classique. Après un baccalauréat, elle choisit d’intégrer la fac d’économie de Nancy. Très vite elle se rend compte de l’erreur de casting. «Je n’étais pas vraiment en adéquation avec les autres ni avec les cours et les théories» souligne-t-elle en riant. Et pour cause, la micro et la macro économie lui semblent à 10 000 lieues de ses idées et de son mode de vie. Elle a déjà dans un coin de sa tête des envies de partages, de solidarité, pas vraiment conforment avec le monde des golden boys ! Quoi qu’il en soit, elle va jusqu’au bout et décroche une maîtrise puis un DESS spécialisé dans les pays en voie de développement avec un mémoire sur le marché céréalier en Afrique de l’Ouest. Son diplôme en poche, elle ne trouve pas de travail pour autant. «Je me suis retrouvée sur le marché de l’emploi au pire moment ! C’est simple, diplôme ou pas, il n’y avait pas de boulot» se souvient-t-elle. Sans se décourager (ça ne fait pas partie du personnage…), Laurence fait du bénévolat pour l’Association de Solidarité Internationale dont le projet est de développer l’agriculture en Afrique et en Amérique du Sud. Elle finit par y décrocher un emploi. Ses missions la conduisent à Madagascar, au Rwanda et en Colombie. «J’ai rencontré des gens merveilleux». Mais visiblement, cela ne suffit plus. La passion s’effrite petit à petit et il manque à un moment cette petite flamme qui fait avancer. Après dix-sept ans de collaboration, Laurence dit stop. Elle a le courage que beaucoup n’ont pas et remet sa vie en cause.
Retour à l’école !
Laurence se lance alors un incroyable défi : devenir boulanger ou plutôt boulangère comme elle tient à le préciser. Elle n’a alors pas d’autre solution, elle doit apprendre le métier. Sans trop se poser de question, elle s’inscrit au CEPAL à Laxou pour passer un CAP de boulanger. Les choses se compliquent un peu au moment de trouver un apprentissage. La profession n’est pas encore prête à se féminiser. Un boulanger va même jusqu’à lui raccrocher au nez après lui avoir lancé un «une femme, ce n’est pas au fournil». Mais Laurence s’accroche et entame même les démarches pour construire son four à pain car elle n’envisage pas un autre mode de cuisson. Elle réquisitionne alors le sous-sol de la maison de sa mère puis lance un financement participatif. C’est une réussite ! En 2015, elle se lance toute seule et crée La P’tite Laur’reine du Pain. Aujourd’hui, elle en est à quatre cuissons par semaine. Du mercredi au vendredi, ces journées ressemblent à un marathon. Entre deux fournées, elle livre son pain à ses clients avant de se poser un peu au marché d’Haroué. Sa petite entreprise est une réussite. Laurence en est fière même si elle sait qu’il lui reste encore… du pain sur la planche.