Implantée à Boulogne-sur-Mer

Le modèle JC David : entre tradition et qualité

L’entreprise de fumage et de salaison boulonnaise JC David fête ses 100 ans en 2022. Quatre générations se suivent et font perdurer une tradition professionnelle. Rencontre et visite du site avec son dirigeant, quatre ans après sa reprise.

Philippe Fromantin, directeur général de JC David, dans les caves du site de Capécure. © Aletheia Press/MR
Philippe Fromantin, directeur général de JC David, dans les caves du site de Capécure. © Aletheia Press/MR

C’est l’année du siècle pour JC David. Voilà 100 ans que Marcelle David fondait l’entreprise de salaison et de fumage boulonnaise. Transmis au fils Jean-Claude qui marque de son nom la tradition de sa mère. Depuis, l’entreprise s’est fait un nom au national et un peu à l’export (5 % du chiffre d’affaires) : «il y a tant à faire en France» sourit le directeur général Philippe Fromantin. «Ici, on a besoin de temps pour travailler. Un fumage, c’est entre 18 et 24 heures. Ça dépend de beaucoup de choses, du temps, de ce que disent les maître-fumeurs. C’est du subtil» explique-t-il. Dans les caves du site de Capécure, les braises consument les copeaux qui sommeillent sous la sciure. De grandes armoires de bois - «des coresses» - abrite les filets de poissons.

«On veut de la fumée, pas des flammes. On fait nous-même nos copeaux (de chêne) et on surveille l’hydrométrie de l’environnement» détaille le dirigeant. Dans les salles de salages, où l’on y met 3 à 4 tonnes de poissons, les harengs et les haddocks paissent dans les bains ; 3 % de sel pour le hareng doux, 7 % pour les autres, et ça, pendant une année. Pour le saumon, on prend du sel de Guérande. « Soit une dizaine de tonnes de Hareng par an. Le poisson descend de Norvège et il est pêché en ce moment » ponctue Philippe Fromantin. Les 40 coresses sont mitonnées par 3 cheminées et quelques courants d’air.

Les bains de salaison ont une capacité de 3 à 4 tonnes. © Aletheia Press/MR

De la croissance en dépit des turbulences

JC David traverse les turbulences de toute entreprise depuis le Covid. « En fort retrait en 2020 et un rebond en 2021, 2022 s’annonce plus calme » répond le dirigeant. Avec 12,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, contre 10 millions en 2018, et 70 salariés, le modèle tourne en dépit de la conjoncture. Le prix des matières premières a connu des hausses de 50 à 100 % selon les poissons et crustacés (la pêche russe étant boycottée par l’Union Européenne depuis la guerre en Ukraine). 

Pour l’énergie, l’impact est limité à 3 % du coût-produit malgré une hausse attendue à 5. Pour autant, l’entreprise mise sur d’autres outils de performance. Notamment en ressource humaine. JC David dispose d’une palette de métiers traditionnels dans la salaison et le fumage : maître-fumeurs, fileuses, fileteurs, trancheurs, cuisiniers, ballotineuses (qui roulent les filets)..

«Nos collaborateurs se forment entre eux. Au fur et à mesurer que les gens acquièrent des compétences et donc de la polyvalence, on prime» sourit le directeur. Dans les salles comme au sous-sol, pas de machine, «tout se fait à la main». Incongrue, la PME n’a pas de commerciaux : «on est bons sur nos produits où on ne vend pas» tranche Philippe Fromantin.

L’équation Compétences - Primes

JC David vend ses produits à des restaurateurs pour un tiers, un autre tiers chez les poissonniers et le dernier dans la grande distribution. Essentiellement Grand Frais et Monoprix. L’entreprise a également un magasin d’usine, autre source de revenus. Et il en faut pour absorber le coût total du travail de métiers en forte tension : la convention collective a revalorisé 3 fois les salaires en 2022… Il est un dicton dans le monde de la pêche boulonnaise : «Il y a des années, il y avait tellement de harengs qu’on pouvait marcher sur l’eau. Ça donnera du boulot toute l’année ». Aujourd’hui, la denrée est bien plus rare, mais il lui reste l’excellence.