Rencontre avec Laurent Sabatucci, directeur associé chez Eol
Le marché de l'immobilier logistique s'envole en Hauts-de-France
S’il y a des secteurs qui sont à la peine, ce n’est pas le cas de l’immobilier logistique dont le marché s’est littéralement envolé, d’après le spécialiste de l’immobilier pour la logistique et l’industrie Eol. Les Hauts-de-France battent même un record inédit, avec 1 070 000 m² de surfaces placées, soit un tiers du marché national.
La croissance du secteur est telle qu’Eol la qualifie même de record historique : 2021 est la meilleure année depuis l’avènement de ce marché à la fin des années 90, avec une hausse de 34% comparé à 2020 et de 12% par rapport à 2019. Plus de 3 700 000 m² ont ainsi fait l'objet de transactions l’an dernier en France – des bâtiments ICPE* de plus de 10 000 m².
À eux seuls, les Hauts-de-France représentent 28% du marché (contre 15 à 20% habituellement), près de 3 500 emplois en 2021 ont été créés grâce au secteur, qui a généré un investissement privé de plus de 500 millions d’euros.
Les Hauts-de-France, région "logistique friendly"
Pour Laurent Sabatucci, directeur associé chez Eol, c’est le résultat d’une forte volonté politique, depuis quelques années, d’une «acceptation de la logistique» et d’une stratégie "logistique friendly", dont l’illustration parfaite s’est traduite par la plateforme multimodale de Dourges, Delta3, «le meilleur exemple de ce qu’il faut faire en termes d’aménagement».
Les projets logistiques bien pensés ont essaimé dans la région, sur des axes forts, sans impacts négatifs sur la population. «Les Hauts-de-France avaient anticipé des solutions d’implantation et ont pu accueillir de gigantesques projets que les autres régions ne pouvaient pas porter.»
Ce qui va permettre entre autres d’accueillir le centre de distribution Seb (plus de 100 000 m²) dans la zone d’activités de Bully-les-Mines sur une parcelle de 26 hectares, avec à la clé la création de 350 emplois l’an prochain et 500 à l’horizon 2025. Et a rendu possible la construction de la plateforme logistique clés en main de La Redoute dans la e-Valley de Cambrai - 110 000 m² extensibles à 150 000 m² - qui devrait voir à l'horizon 2025 transiter 4,4 millions de colis par an et employer 250 personnes. «Une surface record» pour Eol, qui conçoit et suit en général des projets de 25 000 m², et a assuré pour ce projet l'assistance technique.
Artificialisation des sols et besoins de foncier, une équation difficile à résoudre...
«On manque, je pense, en France de projets industriels structurants pour les territoires si on veut retrouver un certain dynamisme économique, qui existe déjà dans les Hauts-de-France», observe Laurent Sabatucci.
Corollaires de cette fulgurante croissance : l’accélération de la raréfaction des terrains dédiés à la logistique, avec une pénurie des terrains de plus de cinq hectares libres sur les principaux pôles logistiques de l’Hexagone, une flambée des prix - multipliés par trois dans certains secteurs - et une hausse des coûts de construction et des loyers.
«La loi climat et résilience prévoit zéro artificialisation nette en 2050, ce qui veut dire que dans les dix prochaines années, il va falloir diviser par deux ce qui a été artificialisé au cours de la dernière décennie», pointe le directeur associé d’Eol, qui imagine difficilement comment les collectivités vont procéder pour y parvenir, d’autant que les besoins de logements et d’équipements publics augmentent et que les friches disponibles se trouvent en général dans des zones urbaines denses, donc inutilisables pour redéployer un site industriel ou logistique. «Sans oublier que c’est le secteur qui génère le plus d’emplois et de revenus pour les collectivités, qui perçoivent les taxes foncières», souligne Laurent Sabatucci.
«Le taux d’artificialisation de la France avoisine les 9%, c’est beaucoup moins que dans les autres pays européens. Chaque année, en moyenne, un millième de la surface du territoire est artificialisé, et les projets industriels et logistiques représentent de 1 à 2% de cette artificialisation», rappelle Laurent Sabatucci qui juge cette problématique «fondamentale» à l’heure où la réindustrialisation est sur les lèvres de la plupart des politiques.
Pour le directeur associé d’Eol, les projets vont continuer à fleurir au cours des 18 prochains mois parce que initiés il y a quelques années déjà. C’est le cas notamment dans la région, qui va générer environ 700 000 m² de bâtiments dans les deux/trois ans, entre Cambrai, Dunkerque, Amiens et Beauvais, soit environ la moitié des opérations qui vont être développées sur le territoire national : «En France, 1 300 000 m² de bâtiments industriels et logistiques vont sortir de terre, précise Laurent Sabatucci. Ce sera, je pense, la dernière grosse vague, faute de foncier.»
*Installation classée pour la protection de l’environnement.