«Le maire doit accomplir des petits miracles du quotidien»

Rendez-vous incontournable des élus du Nord et des présidents d'intercommunalité, le 68ème congrès des Maires a lieu le jeudi 26 septembre à Douai. Bernard Gérard, son président depuis octobre 2023, revient sur l'actualité chargée des communes, entre risques climatiques et instabilités financières.

"Dans tous les cas, les maires ne sont jamais seuls". ©Lena Heleta
"Dans tous les cas, les maires ne sont jamais seuls". ©Lena Heleta

Amandine Pinot. Maire de Marcq-en-Baroeul depuis 2001, vous avez été élu président de l'Association des Maires du Nord en octobre 2023. Quelles sont les grandes lignes de votre mandat ?

Bernard Gérard. Je dirais qu'il se résume autour de trois mots : former, informer et accompagner. Nous devons accompagner les maires dans toute la complexité législative actuelle. À l'Association des Maires du Nord, nous comptons 612 communes membres (sur les 648 que compte le Département, ndlr) ainsi que 14 EPCI (sur 17). Mais surtout – et c'est ce que j'aime dans cette fonction –, le Département du Nord, c'est une pluralité de communes : elles peuvent être rurales, urbaines, petites, moyennes ou grandes... C'est aussi ce qui fait la spécifité et la richesse de la France.

Notre mission à l'AMN, c'est aussi la formation. Sur ce volet, nous avons refondu l'ensemble de notre catalogue : aujourd'hui, ce sont 19 formations sur des thèmes très variés, allant de la reprise des sépultures funéraires à la gestion de fait et prise illégale d'intérêts, en passant par le dispositif d’accueil des gens du voyage, la prise de parole en public ou encore les réseaux sociaux et l’élu employeur.

Parlez-nous du congrès, qui se déroule le 26 septembre à Gayant Expo à Douai.

Nous aurons deux tables rondes durant la journée. La première, sur «L'école dans la commune de demain : comment anticiper la baisse des effectifs dans nos écoles ? Quel impact immobilier ? Comment maintenir une offre scolaire ?». Les fermetures de classe sont une vraie angoisse pour les maires aujourd'hui et une problématique de taille : comment développer sa commune et la rendre attractive pour que de nouveaux habitants s'y installent, tout en devant appliquer la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) ? Lorsque le maire investit et reçoit des subventions pour construire, la loi ZAN l'en empêche, c'est un vrai casse-tête.

Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Baroeul, est président de l'Association des Maires du Nord depuis octobre 2023. ©Lena Heleta


Évidemment, on comprend les enjeux climatiques, mais il faut savoir où positionner le curseur. Dans de nombreux pays, c'est indicatif et non coercitif... C'est ce petit miracle du quotidien que le maire doit essayer de réussir : bien sûr que nous voulons une ville attractive avec des services pour les citoyens, mais malheureusement aujourd'hui, nous faisons face à de nombreux recours lorsqu'il s'agit de construire...

Le second thème du congrès, c'est «Climat et résilience : comment (ré)agir face aux inondations». Les inondations ont été un bouleversement considérable, notamment dans le Pas-de-Calais. Nous allons donc faire intervenir des assureurs mais aussi des personnes du SDIS. Sur cet aspect, nous pouvons les accompagner sur la gestion des dossiers, qui peuvent se faire en collaboration avec les intercommunalités, le Département ou la Région.

Quel est le moral des maires ?

Être maire, c'est un dévouement, encore plus dans une période difficile et inquiétante. C'est un mandat à nul autre pareil. Mais c'est aussi sans répit, pour soi et pour sa famille, il ne faut pas l'oublier. C'est une fonction-passion et il peut y avoir du découragement. Je pense aux maires élus en 2020, qui ont dû s'installer en pleine période Covid, sans pouvoir rencontrer leurs administrés ou travailler physiquement avec leurs équipes. Malheureusement, un certain nombre d'élus ne vont pas se représenter. Entre 2020 et début 2024, il y a eu 1 300 démissions de maires en France... Pourtant, la commune reste un socle formidable pour la démocratie. Mais aujourd'hui il faut avouer que les sujets sont compliqués et en tant que maire, on ne comprend pas toujours où on veut nous emmener...

«La commune reste un socle formidable pour la démocratie»

Ces dernières années, de nombreuses mairies ont subi des cyberattaques (Gravelines en avril 2024, et l'an dernier, la Mairie de Lille). Est-ce l'une des causes de vulnérabilités des collectivités locales ?

C'est un thème que nous avons pris à bras le corps et c'était d'ailleurs celui qui a animé notre congrès de 2023. Nous avons eu de nombreux contacts avec des partenaires comme Orange et La Poste afin de développer des outils spécifiques.

Les communes sont menacées quelque soient leur taille et les plus petites le sont encore plus car elles n'ont pas la possibilité d'avoir les services dédiés. Les pirates le savent : les petites communes sont en lien avec les intercommunalités qui elles, le sont avec l'Etat. Les maires ont conscience de l'ampleur du phénomène mais ne savent pas toujours comme s'y prendre ou comment répondre à l'attaque. Il faut aussi penser à des plans de continuité de services et là encore, l'AMN est là pour les accompagner.

Dans la publication des attributions individuelles de dotation globale de fonctionnement (DGF) du Gouvernement, 18% des communes subiraient une baisse de DGF cette année, que le Gouvernement estime «limitée» pour près de trois quarts des communes concernées. Qu'en pensez-vous ?

La dotation globale de fonctionnement ne fait que baisser. À titre d'exemple, en 10 ans, sur ma ville de Marcq-en-Baroeul, j'ai perdu 30 M€. Les communes sont des variables d'ajustement ! Et avec la suppression de la taxe d'habitation, nous n'avons plus d'autonomie fiscale. Quant à la DMTO (Droits de Mutation à Titres Onéreux), que nous percevions sur les ventes immobilières, c'est un véritable drame avec la chute de la construction immobilière. Si nous n'avons plus de charges de fonctionnement, on a moins d'autofinancement et donc, moins de possibilité d'investir.

Nous avons une chance dans le Département : celle de travailler avec l'ensemble des services de l'État : des réunions ont été instaurées par mes prédécesseurs avec le Préfet et ses différents services (la DDTM, l'ARS, le DASEN...). C'est une occasion pour les maires de pouvoir avoir des réponses à leurs questions. Dans tous les cas, les maires ne sont jamais seuls.