Le Guichet unique des entreprises devient véritablement unique
Le gouvernement a décidé de mettre fin, à compter du 1er janvier 2025, à la procédure de continuité mise en place pour pallier les dysfonctionnements du Guichet unique des entreprises. État des lieux à l’aube de cette nouvelle étape pour le dispositif.
Prévu
par la loi pour la croissance et la transformation des entreprises,
ou loi PACTE, le Guichet unique vise à simplifier la vie des
entreprises en centralisant toutes les formalités de déclaration
(création, modification, radiation, dépôt d’actes) sur une seule
et même plateforme, selon le principe du «dites-le-nous
une fois», afin d’éviter de
fournir plusieurs fois les mêmes informations. Confié à l’Institut
national de la propriété industrielle (INPI), le dispositif inclut
la création d’un Registre national des entreprises (RNE)
pour regrouper toutes les informations des entreprises dans une seule
et même base de données. Il s’inscrit dans le cadre plus général
de la politique d’open data, avec la mise à disposition gratuite
de toutes les données centralisées dans le
RNE,
ainsi que celles concernant
la propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles).
Une
porte d’entrée unique vers les différents organismes validateurs
Ouvert
aux seuls professionnels des formalités dans un premier temps, le
Guichet unique a été rendu obligatoire pour tous les déclarants en
janvier 2023. Toutes les déclarations effectuées sur la plateforme
sont transmises aux différentes autorités de validation qui
continuent d’assurer leur mission comme auparavant. Si la demande
n’est pas validée, l’organisme validateur émet une
«réclamation» et le déclarant dispose alors de 15
jours pour la corriger ou la compléter. Si le déclarant n’effectue
pas ou n’arrive pas à effectuer la régularisation dans le délai
imparti, l’organisme validateur émet alors un «refus».
Le dispositif a ainsi conduit à la dématérialisation des
procédures de
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formulaires Cerfa,
et toutes les formalités effectuées via le Guichet unique viennent
alimenter le RNE.
Nouvelle
étape avec la fin de la procédure de continuité
Les
nombreux dysfonctionnements rencontrés par
les déclarants
dès l’ouverture de la plateforme ont conduit à la mise en place
d’une procédure de continuité. Celle-ci prévoyait qu’en cas de
blocage du Guichet unique, les formalités devaient être effectuées
sur la plateforme historique, Infogreffe. C’est cette procédure,
initialement prévue jusque fin 2023, avant d’être reconduite
jusque fin 2024, que le gouvernement a décidé de supprimer le 31
décembre 2024. Annoncée fin novembre par le ministre de l’Économie
Antoine Armand, lors du Salon Impact PME,
la décision a été confirmée 15
jours plus tard par un communiqué du ministère. Seules
les déclarations transmises via la procédure de continuité avant
fin décembre 2024 pourront être régularisées via Infogreffe avant
le 31 janvier 2025.
Du
côté de l’INPI,
« nous
sommes prêts »
La
plateforme sera-t-elle pleinement opérationnelle ? «Nous
sommes prêts»,
a assuré le directeur de l’action économique d’INPI France,
François-Xavier de Beaufort,
lors d’un webinaire organisé par l’Institut, le 19 décembre
dernier. «Près
de 90% de l’ensemble des formalités des entreprises sont déjà
réalisées sur le Guichet unique.»
Plus de 4 millions de formalités ont été traitées via la
plateforme en 2024, «avec
une forte montée en puissance au cours des trois derniers mois».
Le flux doit atteindre 5 millions de formalités en 2025. «Le
reste à faire concerne les formalités de modification d’actes
d’entreprises.»
L’assistance aux utilisateurs «s’est
améliorée»,
et «on
constate un phénomène d’appropriation» :
la proportion d’appels au service d’assistance diminue à mesure
que le nombre de formalités effectuées sur la plateforme augmente.
Mieux
accompagner les utilisateurs en amont des déclarations
En
2025, l’INPI a prévu d’implémenter un certain nombre
d’améliorations à la plateforme «pour
conduire à moins de rejets de la part des validateurs»,
a-t-il expliqué : des améliorations ergonomiques «pour
simplifier le parcours utilisateur»
et des évolutions techniques pour maintenir le niveau de sécurité
du dispositif. Le Guichet unique offre d’ores et déjà «la
possibilité de suivre l’état d’avancement du dossier et la
possibilité d’appeler un centre d’assistance, ce qui constitue
une grande avancée par rapport à la version antérieure»,
a-t-il rappelé, en soulignant tout «l’intérêt
d’avoir un interlocuteur unique et un suivi en temps réel des
dossiers».
Reste que, selon l’INPI, le plus important est l’accompagnement
des utilisateurs «en
amont des démarches à réaliser sur le Guichet unique»,
et c’est pourquoi l’Institut s’efforce de sensibiliser et de
conclure des partenariats avec tous les acteurs concernés pour
améliorer l’assistance préalable à la déclaration de
formalités.
Pas d’amélioration, pour les greffiers des tribunaux de commerce
Président
du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, Victor
Geneste
a
dressé
pour
sa part un état des lieux moins rassurant, à quelques jours de la
suppression de la procédure de continuité via Infogreffe,
plateforme gérée par les greffes des tribunaux de commerce. Sur le
périmètre d’intervention des greffiers des tribunaux de commerce
en tant que
validateurs,
«nous
constatons qu’il n’y a pas eu d’amélioration depuis janvier
2023»,
explique-t-il. Et en 2024, «sur
un total d’environ quatre millions de formalités, plus d’un
million ont été réalisées via la procédure de continuité.»
«Il
y a encore des dysfonctionnements en termes d’ergonomie et de
compréhension, par les chefs d’entreprise, de ce qui est demandé
pour enregistrer une formalité, avec parfois plusieurs pages
d’informations à renseigner.»
À
la complexité du parcours utilisateur viennent se greffer « des
bugs techniques ».
Cette situation a entraîné
une nette hausse du taux de réclamation et de refus de la part des
greffes des tribunaux de commerce, par rapport à la période
antérieure au Guichet unique. «Le
taux de réclamation, qui était d’une demande sur trois
auparavant, est passé à deux sur trois aujourd’hui. Et le fait
que les déclarants n’arrivent pas
à
régulariser leur demande sur la plateforme a entraîné
une augmentation des refus.»
Des difficultés très variables selon les formalités
Les
difficultés rencontrées sont toutefois très variables selon le
type de formalités. «Les
plus simples, comme la création d’une autoentreprise, par exemple,
ne posent pas de difficultés. Ce sont les déclarations de
modifications d’actes de société, ainsi que les formalités les
plus complexes et les plus spécifiques qui posent des difficultés.
Dès que l’on entre dans une forme de spécificité, les délais de
déclaration explosent.»
Alors que l’objectif fixé par la loi Pacte était de simplifier et
de réduire les coûts et les délais des démarches pour les
entreprises, «c’est
souvent plus compliqué et plus long»,
et «cela
peut coûter plus cher, car les professionnels
sous-traitent
ces déclarations».
«Nous avons fait remonter cette alerte au gouvernement et à l’INPI», poursuit Victor Geneste. «En tant qu’officiers publics et ministériels, nous avons toujours été en soutien» du Guichet unique, et quand les Centres de formalités des entreprises et autres organismes validateurs ont débranché leur système, «nous avons mis à disposition Infogreffe gratuitement, alors que cela nous coûtait deux millions d’euros par an», rappelle-t-il. Et cette fois encore, «nous allons appliquer la décision prise par le gouvernement» de mettre fin à la procédure de continuité. Et laisser le Guichet unique prendre son envol, sans filet de sécurité.