Le GPM à la croisée des chemins

Le Grand Port maritime de Dunkerque (GPM) entre, en 2016, dans sa cinquantième année sous la gestion de l'Etat. S'ils sont moyens (baisse globale d'un point en tonnage), les résultats affichés montrent un profond bouleversement en cours dans les activités du port et dans la concurrence avec ses voisins calaisiens. Si elle veut poursuivre sa croissance en conteneurs, la direction du Port entend bien profiter de ses atouts (profondeur territoriale notamment) et s'appuyer sur un projet aussi grand que Calais port 2015 : le creusement du bassin du Pacifique.

Le GPM conforte son activité conteneurs.
Le GPM conforte son activité conteneurs.
CAPresse 2016

François Soulet de Brugière, président du Grand Port maritime de Dunkerque, à Lille le 6 janvier dernier.

On fait une bonne année et on aura une année chahutée en 2016” : c’est l’analyse et le verdict de François Soulet de Brugière, président du conseil de surveillance du Grand Port maritime de Dunkerque.

Le GPM affiche une baisse de 1% de son tonnage annuel (à 46,6 millions contre 45,5 prévus début 2016 et 47,1 millions de tonnes en 2014). Les produits sidérurgiques ont “bien fonctionné malgré les 120 jours d’arrêt d’un haut-fourneau chez Arcelor“. En 2016, le GPM s’attend à 14 millions de tonnes d’entrants. Les minerais ont perdu 18% de volume, les produits pétroliers ont quasiment disparu, les marchandises diverses ont compté pour 20,65 millions de tonnes. Si Dunkerque a été sacré meilleur port pour les vracs, le 16 novembre dernier à Anvers, par des professionnel réunis par l’International Bulk, les chiffres sont pourtant mauvais en 2015 : -18% sur les vracs solides (l’arrêt d’Arcelor) à 11 millions de tonnes et -25% sur les vracs liquides qui s’affichent à 4,25 millions de tonnes à cause d’une tempête qui a perturbé le trafic vers Brême, ainsi qu’en raison de la baisse d’activité des entreprises DPC et Rubis terminal. Pour autant, Dunkerque se félicite de sa croissance sur le transmanche, “même si nous avons profité des problèmes des Calaisiens l’été dernier” dixit le président. Avec 16,25 millions de tonnes, le GPM voit ce trafic croître de 17%. Près de 700 000 remorques ont transité en 2015 par Dunkerque − “la moitié du chiffre du tunnel sous la Manche” selon un cadre −, 3,19 millions de passagers et 819 000 véhicules dans les ferries de DFDS. Au final, le GPM affiche quelques chiffres records : 317 000 evp (dont 206 000 pleins et un progression de 17%), une année “exceptionnelle” pour les céréales avec une hausse de 32%… Désormais, plus de la moitié de ces marchandises évitent la route avec 10% par le rail et 45% par voie d’eau. Ce marché aura aussi bénéficié des travaux du début 2015. L’an dernier, le Port a mis l’accent sur les investissements suivants : l’achèvement des mesures compensatoires environnementales du terminal méthanier, la poursuite des études relatives au port Ouest, l’amélioration des accès nautiques (chantier de cercle d’évitage et du chenal du bassin de l’Atlantique), la réalisation du poste transfrontalier qui permet un passage plus rapide des marchandises, celle de la voirie au port Ouest, la rénovation de l’écluse Watier, la mise en sécurité de celle de De Gaulle, ou encore la continuation des travaux de rénovation des bâtiments du siège. En tout, 37 millions ont été dépensés. Le GPM s’est appuyé sur l’Etat (1,4 million d’euros), l’Europe (0,8 million), la Région (0,5 million), la communauté urbaine de Dunkerque (0,8 million), l’Agence de l’eau (100 000 euros) et Dunkerque LNG, opérateur du méthanier (0,6 million) grâce à une convention de portage.

Le GPM conforte son activité conteneurs.

Le GPM conforte son activité conteneurs.

Des investissements crescendo et un tarif en baisse. L’année s’est terminée par le conseil de surveillance qui a adopté son projet stratégique sur 2014/2018 prévoyant un programme d’investissement de 242 millions d’euros. Après 37 millions en 2015, le GPM montera en puissance ces prochaines années au rythme annuel d’une cinquantaine de millions. Les travaux d’extension du quai de Flandres (terminal à conteneurs), le démarrage du chantier de la zone Logistique International Sud (sur 300 hectares) et la mise en service du terminal pour DFDS (réceptionné le 15 janvier) rythmeront les douze prochains mois. Le GPM devra suivre le rythme financier de tels challenges. Il pourra s’appuyer sur une nouvelle recette, quoique modeste : l’activité du méthanier va commencer et le Port compte sur une augmentation du trafic et donc de ses recettes. Par ailleurs, le GPM a annoncé, lors de sa conférence de presse annuelle, un baisse importantes de certains de ses droits portuaires : sinistré au niveau des produits pétroliers avec l’arrêt de la raffinerie Total, le GPM sabre ses tarif de 30% sur tous les produits pétroliers.

Et “2016 démarre très fort“, souligne François Soulet de Brugière. Son projet phare du bassin du Pacifique va entrer dans une phase plus concrète. Il sera soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP) fin mars. C’est une première mouture. Elle sera éligible après étude des membres de la CNDP qui nommeront des commissaires dans une commission particulière. Le GPM aura ensuite six mois pour parfaire son dossier. Des études en cours viendront l’enrichir. Entre fin décembre 2016 et fin janvier 2017, le dépôt final aura lieu. Il restera aux associations, acteurs de l’économie, politiques… de s’en saisir.

Partenaires et positionnement. Dans un contexte concurrentiel à l’est (ports belges bien plus importants) et ouest (tunnel et port de Calais), le port est tourné “de manière obsessionnelle” vers ses clients chargeurs, selon le mot de son président. Lequel regarde en particulier du côté du Conseil régional, propriétaire des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer. Avec la nouvelle équipe dont sont issus deux conseillers régionaux à Calais et Dunkerque (Franck Dhersin, maire de Téteghem, et Natacha Bouchart, maire de Calais), le Port aura à qui parler. “On les voit bien investir via d’autres collectivités territoriales. Dunkerque est un point de sortie et d’entrée économique pour la région“, explique son président. Trouver d’autres partenaires privés ? Entrer dans la Société d’exploitation des ports du Détroit à Calais ? “La réglementation et l’usage nous interdit d’aller dans d’autres sociétés d’exploitation (même si ça existe dans d’autres ports d’Etat de manière résiduelle). D’où notre présence dans la société de projet mais pas d’exploitation“, précise François Soulet de Brugière.  À l’échelle de la grande Région, Dunkerque se voit comme un point de sortie privilégié, avec son hinterland ou le futur canal Seine-Nord. “La Côte d’Opale est la première zone portuaire de France. Nous travaillons avec tous les ports secs et notre gare ferroviaire est la plus grande de France en fret. Le combat maritime se gagne à terre.” Et parfois de façon surprenante : “La Chine vient de décider d’un plan transport de 100 milliards d’euros… Ne riez pas : les Chinois sont des gens qui tiennent leurs promesses !

Morgan RAILANE