Zéro artificialisation nette des sols
Le gouvernement disposé à assouplir certaines des règles du ZAN
Les sénateurs à l’origine de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) ont interrogé le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, sur la position du gouvernement concernant les différents aménagements qu’ils proposent dans ce texte, pour assouplir le dispositif.
Déposée mi-décembre à l’issue de nombreuses consultations et auditions d’associations d’élus et de collectivités territoriales, la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs du «zéro artificialisation nette» au cœur des territoires entend préciser et amender le dispositif instauré par la loi Climat & Résilience, dont l’objectif est de réduire de 50% le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 et d’atteindre zéro artificialisation nette d’ici 2050.
Une proposition de loi pour assouplir les règles
Jugeant que le calendrier fixé par la loi est trop court, qu’il reste des zones de flou, que les décrets d’application vont à l’encontre de l’esprit de la loi, que les règles imposées sont trop rigides et ne prennent pas assez en compte la diversité des territoires, les sénateurs font plusieurs suggestions d’ajustements dans leur texte, afin de répondre aux besoins des collectivités territoriales. Et le 14 février dernier, la commission spéciale constituée sur cette proposition de loi a auditionné le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, pour connaître la position du gouvernement sur les principales modifications suggérées dans la proposition de loi.
Les sénateurs ont ainsi sondé les deux ministres afin d’évaluer la marge de manœuvre dont ils disposent pour réécrire ce volet de la loi Climat & Résilience, sans pour autant remettre en cause les objectifs du gouvernement en termes de lutte contre l’étalement urbain, alors que la France est le pays qui compte le plus fort taux d’artificialisation des sols rapporté à la population.
Un texte qui comprend «beaucoup d’avancées»
«Nous considérons que cette proposition de loi est le début d’une évolution de la loi ZAN», a déclaré d’emblée Christophe Béchu. «Votre texte comprend beaucoup d’avancées», «il corrige un certain nombre d’erreurs» et «quelques angles morts», mais il y a néanmoins des points sur lesquels le gouvernement «a des réticences». En ce qui concerne le calendrier de mise en œuvre de la loi, le texte des sénateurs propose de prolonger d’un an le délai accordé pour la modification des documents d’urbanisme régionaux et locaux. Un point sur lequel il ne devrait pas être difficile «de trouver un accord», a convenu le ministre.
Le gouvernement est également favorable à deux autres des grandes modifications proposées par le texte des sénateurs : la possibilité de surseoir à statuer sur la délivrance de permis pour des projets qui pourraient nuire aux objectifs du ZAN, tant que le document d’urbanisme n’est pas révisé, et l’instauration d’un droit de préemption permettant de réserver le foncier présentant un intérêt pour atteindre les objectifs fixés (et ainsi éviter une ruée sur les friches).
Des divergences sur le «compté à part» des grands projets et la garantie rurale
Autre grande modification contenue par la proposition de loi : le fait de comptabiliser les superficies occupées par les grands projets d’envergure nationale, généralement pilotés par l’État, dans un compte séparé et de ne pas les déduire des enveloppes des régions. Si le gouvernement est favorable au principe d’un «compté à part» de certains grands projets, il privilégie le principe d’une mutualisation et d’une répartition entre les régions. Resterait alors à définir ce qui entre dans la catégorie des grands projets d’envergure nationale. «Les lignes à grande vitesse, les centrales nucléaires, les constructions de prison, oui», a déclaré le ministre, mais pas «les projets économiques de type gigafactories [dédiées à la production de batteries et moteurs pour voitures électriques]», par exemple.
L’autre grand point de divergence avec le ministère de la Transition écologique concerne la garantie rurale. La proposition de loi sénatoriale prévoit d’instaurer un plancher de droits, afin qu’aucune commune ne dispose d’une enveloppe d’artificialisation inférieure à 1 hectare. Un aménagement destiné aux plus petites communes, et notamment les communes rurales. «Nous sommes disposés à le faire», a déclaré Christophe Béchu, mais sur une base de calcul différente : le gouvernement souhaite que la garantie porte sur «1% de la surface de la commune» plutôt que sur 1 hectare. Et il faudrait alors définir quelles communes seraient concernées, «toutes les communes ou seulement les communes rurales, les communes denses ou très denses».
À l’issue de cette audition, la commission spéciale du Sénat et le ministre de la Transition écologique ont décidé de poursuivre les échanges et de continuer à travailler ensemble pour essayer de dégager un consensus sur leurs points de divergence et avancer sur les critères et modes de calcul qui restent à préciser. La proposition de loi sera examinée en séance publique, en première lecture, au Sénat, le 14 mars prochain.