Le fonds KKR en passe de mettre la main sur le réseau de Telecom Italia

Le fonds d'investissement américain KKR a franchi une des dernières étapes avant de s'emparer du réseau fixe de Telecom Italia, en soumettant lundi une offre ferme appuyée par le gouvernement Meloni, mais...

Le groupe français Vivendi est le principal actionnaire de Telecom Italia (TIM) © Miguel MEDINA
Le groupe français Vivendi est le principal actionnaire de Telecom Italia (TIM) © Miguel MEDINA

Le fonds d'investissement américain KKR a franchi une des dernières étapes avant de s'emparer du réseau fixe de Telecom Italia, en soumettant lundi une offre ferme appuyée par le gouvernement Meloni, mais contestée par le principal actionnaire, Vivendi. 

Associé au gouvernement italien qui compte prendre ultérieurement une participation jusqu'à 20% dans le réseau, KKR concrétise ainsi son projet de longue date d'acquérir l'infrastructure que Telecom Italia cherche à vendre pour réduire son énorme dette.

D'ici quatre à huit semaines, le fonds prévoit aussi de  remettre une offre ferme pour Sparkle, filiale spécialisée dans les câbles sous-marins, indique Telecom Italia.

Le montant de sa proposition varie toujours entre 20 et 23 milliards d'euros, sujet à certaines conditions, dont environ une dizaine de milliards d'euros de dette, a précisé à l'AFP une source financière.

Cette offre reste cependant loin des attentes du géant français des médias Vivendi, qui misait sur 31 milliards d'euros.

Alors que le gouvernement Meloni prévoit de débourser un montant maximum de 2,2 milliards d'euros, ce projet implique aussi le fonds d'infrastructure italien F2i, prêt à mettre environ un milliard d'euros sur la table pour une part de 10%.

Au total, la participation des investisseurs italiens devrait atteindre quelque 30%, laissant la grande majorité à KKR.

L'Etat est déjà actionnaire de Telecom Italia à travers la part de 9,81% détenue par la Caisse des dépôts italienne.

Une première en Europe

En cas de succès de l'opération, il marquera son grand retour dans un groupe considéré comme stratégique, qui avait été privatisé en 1997 par le gouvernement de Romano Prodi.

Dans le même temps, la vente de son réseau fixe par un opérateur historique constituerait une première en Europe, une transaction qui laisse certains analystes perplexes.

"En Europe, il y a un mouvement inverse: les opérateurs cherchent au contraire à garder leurs réseaux ou en racheter, pour faire valoir vis-à-vis de leur clientèle un atout de qualité, rester compétitifs et améliorer leur rentabilité", a commenté à l'AFP Sylvain Chevallier, associé au sein du cabinet BearingPoint.

"A court terme, la cession du réseau peut remédier à des problèmes d'endettement, mais à moyen terme il y a une question compliquée à résoudre: comment se différencier dans un marché très compétitif alors qu'on ne maîtrise plus le coût et la qualité de son infrastructure?", poursuit-il.

Une première tentative de KKR de prendre le contrôle de la totalité de Telecom Italia avait échoué en avril 2022, se heurtant, là aussi, au refus de Vivendi qui avait jugé son offre trop basse. 

Le fonds, qui avait alors proposé 10,8 milliards d'euros, est déjà actionnaire à hauteur de 37,5% de FiberCop, l'opérateur d'une partie du réseau de Telecom Italia.

La cession de son réseau devrait permettre à Telecom Italia de diminuer nettement sa dette, qui s'élève à 26,2 milliards d'euros.

Opération à risque

KKR s'est engagé à reprendre environ la moitié des quelque 40.000 salariés de l'opérateur en Italie, donnant ainsi des gages au gouvernement Meloni, soucieux de sauvegarder ces emplois, selon une source financière.

La transaction pourrait cependant comporter certains risques, préviennent les experts.

"D'un point de vue industriel, pour un opérateur historique, son réseau est un actif clef et c'est dangereux de s'en séparer", a estimé auprès de l'AFP Thomas Coudry, analyste du cabinet Bryan, Garnier & Co.

"Aucun autre opérateur ne l'a fait jusqu'ici, c'est un signe que ce n'est pas forcément la meilleure stratégie à suivre", a-t-il prévenu. "Ce qui est certain c'est que Telecom Italia en sortira affaibli".

A l'instar d'autres analystes, M. Coudry estime que "23 milliards d'euros pour le réseau semble un prix assez raisonnable, ce n'est pas bradé".

Après avoir dans un premier temps combattu cette vente, "désormais, Vivendi considère qu'il y a une prime pour le contrôle du réseau, qu'il semble décidé à faire payer au prix fort", juge-t-il.

Vivendi, qui détient 23,75% de Telecom Italia, pourrait contester cette vente lors d'une éventuelle assemblée générale des actionnaires appelée à se prononcer sur la transaction.

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