Centre européen des textiles innovants à Tourcoing

Le CETI : 10 ans au service de l’innovation textile

Si en 2012, le lancement à Tourcoing de ce Centre européen des textiles innovants pour 40 M€ s’annonçait comme un challenge pour stimuler le secteur textile régional, aujourd’hui le pari semble gagné, tant en volume d’affaires qu'en termes de rayonnement européen.

Le CETI à Tourcoing © JMA
Le CETI à Tourcoing © JMA

On se souvient de la création de la chaussure Adidas recyclable dix fois (2015), du coton bio recyclé d’Okaïdi (2020) ou, récemment, des textiles à base de lait ou de cheveux. Toutes ces innovations sont nées au CETI. Depuis 2014, 10 M€ de projets ont été traités. Et rien qu’en 2021, 10,4 tonnes de fils recyclés ont été prototypés pour 95 clients issus des grands noms de la mode, du luxe et de l'habillement (45%), de la santé (21%) et des textiles à usage technique (34%). Le CETI tourne à plein régime. Ses six lignes pilotes numériques industrielles permettent de designer, prototyper et industrialiser des produits, en un temps record de deux à trois ans. Tout en proposant des solutions pour le tri et le démantèlement du produit en fin de vie et son recyclage.

Pascal Denizart, directeur général du CETI lors des 10 ans @ La Gazette du Nord-Pas de Calais Anne Henry-Castelbou
Pascal Denizart, directeur général du CETI lors des 10 ans. © La Gazette Nord - Pas de Calais Anne Henry-Castelbou

Mais en dix ans, le coeur de métier de ce centre de recherche privé (toujours tout de même subventionné à hauteur de 800 K€/an par la Région et la Métropole européenne de Lille) a mûri. Spécialiste au départ de l’innovation dans le domaine du textile technique et non tissé (textile jetable, isolant, voile…), aujourd’hui il se présente davantage comme «un spécialiste de l’économie circulaire et de la transformation digitale de l‘industrie textile. Depuis dix ans, le secteur a évolué. Il est maintenant interdit de détruire les invendus. Et d’ici 2030, les textiles devront être durables et recyclables, avec une teneur minimale de fibres recyclées. Il faut accompagner la transformation des business models et des cultures d’entreprises de la filière traditionnelle», explique Pascal Denizart, le directeur général du CETI.

Des fibres issues du lait ou de cheveux

Il faut dire que le marché est en train de changer. Aujourd’hui le polyester, fibre dérivée du pétrole, représente 60% de la consommation mondiale, et 26% pour le coton. Demain, selon une étude de l’agence Textiles intelligence, nos besoins en fibres feront un bond de 82% entre 2010 et 2030, alors que les ressources fossiles et les terres arables seront en diminution. Pour résoudre cette équation, le DG du CETI est convaincu «qu’il faut exploiter davantage les qualités de la biomasse animale (fibres extraites de la laine de mouton à viande, de la caséine des surplus de lait, de la fibre capillaire…) et végétale (fibres extraites du bois, de la cellulose issue du lin oléagineux, chambray…)».

Ainsi, récemment, le créateur de mode parisien Mossi Traoré, associé au CNIEL (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière), a développé au CETI un textile à base de caséine de lait, par le procédé de filage par voie humide, avec l’utilisation de solvants verts. Ses propriétés sont semblables à celles de la laine ou de la soie. De même,  la start-up Capillum a conçu au CETI (pour 100 K€) une fibre extraite de cheveux et déjà commercialisée, comme l’explique son cofondateur James Taylor : «Nous récupérons chez 3 000 salons de coiffure des tonnes de cheveux qui sont transformés en tissu de paillage pour jardin. C’est une première mondiale avec trois brevets déposés en 2021. Nous avons également créé des absorbants d’hydrocarbures pour dépolluer les océans en cas de marée noire, déjà utilisés sur l’étang de Berre dans le Sud.»

Relocalisation industrielle à Cambrai

Sur les cinq à dix prochaines années, le CETI va continuer à investir entre 500 K€ et 1 M€ dans trois missions prioritaires : travailler sur l’approvisionnement local de la matière, la recherche et le développement de fibres issues de la biomasse et du recyclage, augmenter le cycle de vie d’un produit. Ainsi, le CETI accompagne la relocalisation du chambray dans le Cambrésis, là où ce tissu été inventé il y a plusieurs siècles, en travaillant sur un fil issu de l’agro-ressource et du recyclage. Connue également sous le nom de batiste, cette toile de coton d’épaisseur moyenne a la particularité d’être solide et légère. 

Plateforme de recyclage du CETI @CETI2022
Plateforme de recyclage du CETI. @CETI2022

Egalement, un des derniers partenariats d’envergure est l’intégration du projet européen SCIRT, (System Circularity and Innovative Recycling of Textile) : le CETI a investi en novembre 2021 dans une ligne pilote dédiée au recyclage thermomécanique des déchets textiles synthétiques, à l’attention de la filière européenne. Le centre de recherches s’est en outre associé, en juin, à d’autres acteurs européens (Hills, Erema et Oerlikon) pour créer l’unique démonstrateur pilote en Europe d’expérimentation des textiles biosourcés et recyclés (Bulky Continuous Filaments). «Nous voulons être à la pointe des textiles transformatifs», conclut le directeur général du CETI.

Le CETI en quelques chiffres 

- CA 2021 : 2,3 M€ (+27% en un an, objectif 5 M€ en 2026), dont 39% à l’international

- 18 M€ d’investissements technologiques depuis 2013

- Une équipe composée de 27 personnes

- Depuis 2019, 100 mises au point de fils recyclés