Le CESE plaide pour un écosystème favorable
Les préconisations du Conseil économique, social et environnemental, dans son avis sur l'impression 3D, fin mars, mettent en lumière l'énorme potentiel, encore sous-estimé, de cette innovation majeure.
«L’impression 3D a le potentiel de révolutionner notre manière de concevoir presque tout», cette déclaration n’est pas celle d’un geek adepte des gadgets mais du président des États-Unis, lors de son discours annuel sur l’état de l’Union en 2014. Un enthousiasme n’ayant rien d’exagéré : les ventes mondiales d’imprimantes 3D ont augmenté de 49 et 75 % en 2013 et 2014, passant de 56 à 98 000 unités. Les experts du cabinet de conseil McKinsey estiment que d’ici à 2025, l’impression 3D aura un impact global entre 230 et 550 milliards de dollars. Avec sa méthode de fabrication «additive» par dépôt de couches successives fines de matière consolidées par une source d’énergie, cet outil est capable de transformer profondément les modes de production actuels. Un potentiel gigantesque n’ayant pas échappé au CESE, qui a voté un avis, le 24 mars dernier.
Miser sur la formation
Cet avis sur «Les innovations technologiques et performance globale : l’exemple de l’impression 3D», révèle la volonté du CESE de créer un écosystème favorable à cette nouvelle technologie, en France. Adopté par 168 votes (2 abstentions), cet avis préconise d’initier et de motiver les jeunes le plus en amont possible à l’univers du numérique, comme au Royaume-Uni où l’utilisation d’imprimantes 3D figure à l’apprentissage, dès l’âge de cinq ans. En misant sur la formation, l’instance veut mettre en valeur et créer des pôles d’excellence de la formation 3D du niveau «écoles d’ingénieurs», tout en adaptant la formation du corps enseignant aux différents niveaux d’apprentissage mis en place. Par la formation, le pays pourra ainsi saisir cette opportunité que constitue l’impression 3D.
Une chance pour la France et ses territoires
La fabrication «additive» sollicite des matériaux innovants tout en étant pilotée par un logiciel. Le CESE souligne que la France compte de nombreux atouts dans ces domaines (avec des leaders mondiaux tels que Dassault Systèmes) ayant donc un important rôle à jouer. De plus, l’institution préconise l’accroissement de l’impact économique de la recherche publique par le transfert de la R&D vers la production et la commercialisation. Le Conseil propose de développer ce type de partenariat entre recherche publique et entreprises innovantes. Précisément, celles-ci doivent être impliquées dans ce processus. Le CESE encourage l’inscription du développement des technologies du numérique dans une démarche globale vers une économie plus circulaire, à savoir le développement des PME, permettant la création de nouvelles unités de production dans les territoires. Rejoignant le président américain, la rapporteure Renée Ingelaere, vice-présidente de la CCI Grand Lille et ex-dirigeante durant plus de trente ans d’une entreprise de maintenance de wagons de fret ferroviaire, a souligné que «les atouts spécifiques de cette technologie pourraient bien être porteurs de changements profonds dans le fonctionnement de l’industrie manufacturière, voire dans l’organisation de la société toute entière».
Une opportunité à saisir
La France a sa carte à jouer dans ce que certains appellent déjà la «3ème révolution industrielle». Avec 3 % du nombre total des imprimantes 3D installées, la France ne se situe aujourd’hui qu’au septième rang mondial et c’est l’un des pays les plus numériques de la planète. Reste à savoir si l’État donnera des suites concrètes aux préconisations du CESE. Le temps presse puisque, déjà en février, deux réacteurs d’avion, répliques du moteur à turbines à gaz de Safran, ont pu être reproduits grâce à l’impression 3D par des chercheurs de l’université Monash de Melbourne (Australie). Autre prouesse de l’impression tridimensionnelle, la société Made In Space a créé une imprimante pour la NASA capable de travailler sans pesanteur. Celle-ci a pu imprimer, fin 2014, une manivelle (plus précisément une clé à douille à cliquet) à bord de l’ISS, la station spatiale internationale. Les dimensions, plans et données étaient détaillées… dans un e-mail envoyé depuis la Terre ! L’anecdote est révélatrice du potentiel de cet outil qui n’a pas fini de surprendre.