Le canal Seine-Nord Europe, un projet fédérateur
Le 8 mars à Paris, Alliance Seine-Escaut a réuni, à l’occasion d’une table ronde, les principaux acteurs mobilisés autour du canal Seine-Nord Europe. L'occasion de faire le point sur son avancement et les attentes générées par ce projet hors normes.
A l'occasion de son assemblée générale le 8 mars dernier, sur un bateau parisien amarré au pied de la tour Eiffel, Alliance Seine-Escaut a tenu une table ronde. «La vie du canal, aujourd'hui, est moins institutionnelle qu'économique», a souligné en introduction Jean-François Dalaise, vice-président et secrétaire général de l'Alliance Seine-Escaut.
Une façon de rappeler que les travaux ont bel et bien débuté. «En 2021, nous avons obtenu le premier arrêté environnemental sur le secteur 1, au sud, sur 18 kilomètres», résume Jérôme Dezobry, président du directoire de la Société du canal Seine-Nord Europe. «Sur les autres secteurs, nous venons de finaliser les études d'avant-projet, validées par le conseil de surveillance.» La crise sanitaire a conduit à des retards, notamment lors des concertations, «de l'ordre de six mois à un an». Le second dossier d'autorisation environnemental est en cours, avec la volonté de réduire les délais d'instruction, autant que possible, autour de 20-25 mois.
Des entreprises impatientes
Sur le secteur 1, deux quais-travaux sont en chantier. Des premiers coups de pelleteuses qui font naître de fortes attentes auprès des entreprises qui souhaitent s'inscrire dans une démarche collective. Franck Grimonprez, président de Log's et président du cercle économique de l'Alliance Seine-Escaut, s'en est fait le porte-parole. «A travers tous nos métiers qui consistent à répondre à tous besoins de la supply chain, il y a un impératif, celui de la visibilité, a-t-il rappelé. Les utilisateurs du canal ont des attendus techniques, de timing, de foncier disponible, et sur l'organisation, notamment juridique, des plateformes (ports intérieurs, ndlr) et de leur environnement.» Et l'entrepreneur d'insister également sur l'indispensable connexion avec le ferroviaire. «Nous avons besoin de savoir et nous voulons également donner des idées.»
Sur la question de la gestion, «la loi est très claire, la Société du canal construit l'ouvrage et remet les clés à VNF. VNF exploitera le canal et la partie du réseau Seine-Escaut en France», éclaire Jérôme Dezobry. A cette occasion, VNF investit d'ailleurs très fortement à hauteur de 345 millions d'euros, concernant « notamment l'ensemble des investissements liés au réseau Seine-Escaut sur l'axe Seine, sur Condé-Pommeroeul. Il y a aussi un développement et une fiabilisation de l'outil qui sont faits et qui n'étaient pas prévus».
Les ports intérieurs se dessinent
L'aspect multimodal avec la nécessaire connexion ferroviaire est en réflexion. «Sur un des deux quai-travaux, nous étudions un raccordement ferroviaire, ainsi que sur le port intérieur de Ribecourt-Dreslincourt, ce qui n’était pas envisagé à l'origine», explique à titre d'exemple Jérôme Dezobry. Les contraintes techniques sont parfois fortes : «Sur Nesle, il faut faire passer au même endroit un rétablissement et un raccordement ferroviaires, des canalisations de gaz, une route départementale.»
Plus généralement, les concertations concernant les quatre ports intérieurs (ou plateformes) sont en cours. «Nous travaillons avec la Région et Delta 3, nous sommes en train d‘écrire le port de Nesle», constate pour sa part André Salomé, vice-président de la communauté de communes de l’Est de la Somme. «Nous regardons les formes juridiques possibles. L’idée est qu’un syndicat mixte gère les quatre ports. Lesquels auront chacun une structure juridique propre qui permettra d’aller vers les industriels.»
Haropa port et Norlink se préparent
Parmi les grandes interrogations, les possibles collaborations entre Haropa port et Norlink. «Nous avons le même objectif fondamental. Il faut ensuite trouver les modalités d’un rapprochement», souligne Antoine Berbain, directeur général délégué de Haropa. Une volonté partagée par Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts de France et de Norlink.
«La création de Norlink a été un électrochoc dû au canal», rappelle-t-il. Un travail qui démarre en 2017 avec le rapprochement de ports. «Nous créons aujourd’hui Norlink chargeur et nous avançons sur Norlink (phase) 2» avec la volonté d’être plus ouvert vers les clients et l’extérieur. «Le jour où nous serons mûrs pour travailler ensemble avec Haropa, cela ira vite, note Philippe Hourdain. Il fallait que nous atteignions un certain niveau, nous n’avons que quatre ans d’existence. Aujourd’hui, nous sommes mûrs.»
Antoine Berbain, de son côté, remarque : «Nous nous préparons depuis quelque temps à la matérialisation de la liaison Seine-Escaut par le canal Seine-nord Europe. Lorsque nous fusionnons les ports du Havre, de Rouen et de Paris pour faire Haropa port, c'est aussi dans cette perspective.» Avec un transport fluvial au centre de la stratégie de l'établissement. «Nous pensons que nous devons, sur un certain nombre de sujets propres à ce domaine, nous transformer pour en tirer le meilleur parti.» Il s'agit notamment de travailler sur les flux de marchandises conteneurisées, dont le report modal sur le fluvial reste faible (9%).
Antoine Berbain a également rappelé l’avancement des travaux de Port 2000, au Havre, et la création future d’une chatière, ouvrant accès au fleuve. «Nous avons l’ambition de livrer ce chantier de chatière courant 2023.» Autant de témoignages illustrant une volonté de structuration et de collaboration entre les acteurs politiques, institutionnels et économiques autour du projet du canal Seine-Nord Europe qui s’étend sur 107 km.