Le Bassin minier tourne la page des clichés éculés

Le pays Noir et son cortèges d’images a vécu. Aujourd’hui avec le Louvre-Lens et l'inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, il entend qu’on le voit d’un autre œil. Voyage entre terrils et cités apporte un regard neuf.

L'oeil de l'artiste et le regard de la scientifique pour donner du Pays minier une nouvelle image.
L'oeil de l'artiste et le regard de la scientifique pour donner du Pays minier une nouvelle image.
D.R.

L’œil de l'artiste et le regard de la scientifique pour donner du Pays minier une nouvelle image.

Il y a 20 ans était remontée la dernière gaillette du puits d’Oignies. Il y a 20 ans d’aucuns voulaient faire table rase du passé. Jean-François Caron se souvient de cette période où l’on a détruit à tout va carreaux et fosses, faisant tomber les chevalets. Des pans entiers du paysage ont été rayés et il s’en est fallu d’un fil que tout disparaisse dans une soif sans pareille d’effacer une histoire humaine sans précédent. 

Heureusement, l’Etat n’a pas laissé faire. Relayé par sa conservation régionale des Monuments historiques, le ministère de la Culture est intervenu vigoureusement arrêtant la démolition de Wallers-Arenberg, classant et inscrivant les plus grands sites et les plus importants monuments.

La prise de conscience a rapidement suivi et le service de l’Inventaire a participé de près à cette opération de sauvetage mais aussi d’étude, de recherche. Quand, dans le mouvement de la décentralisation, en 2007 l’Inventaire a quitté l’Etat pour la Région, il a poursuivi sa mission dans le service du patrimoine culturel. Dans ses bagages se trouvaient les chercheurs qui avaient commencé la mission dont Nathalie Van Bost, historienne d’art, férue de patrimoine industriel puisqu’elle a aussi travaillé sur les brasseries et malteries.

Appliquant le mot de Malraux, créant l’Inventaire « recenser, étudier et faire connaître», elle s’est engagée dans le pays minier, tombant à point puisque Jean-François Caron fourbissait le dossier Unesco.

Un mémorial. Aujourd’hui, classé au patrimoine mondial de l’humanité dans la catégorie des Paysages culturels évolutifs,  le pays minier tient le haut de l’affiche et entend montrer sa fierté retrouvée. Une fierté qu’il ne veut pas conjuguer simplement au passé, même s’il entend garder jalousement ce qui est devenu maintenant patrimoine, mais une fierté qu’il veut développer dans des projets nouveaux comme Euralens autour du Louvre-Lens.

Alors, rien de tel pour porter haut les couleurs de cette fierté d’un patrimoine et d’une histoire assumés qu’un très beau livre, de ceux que l’on met dans les belles bibliothèques. La réalisation en a été confiée aux premiers témoins de la transformation d’un passif lourd en passé glorieux, ce service de l’Inventaire qui, le premier, explora les trésors cachés du pays minier.

Opportunément, ce travail de recherche comportait une couverture photographique intégrale des édifices, somptueux ou modestes, couverture confiée à Hubert Bouvet, un Parisien qui, après le même travail mené dans la région Centre, a choisi de poursuivre sa carrière dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce passionné de photo a commencé dans la publicité avant de s’orienter vers ce travail très spécifique qui montre que l’on peut avoir un regard hypersensible sur les choses tout en les traitant scientifiquement, car ces photos doivent d’elles-mêmes donner à voir l’édifice dans sa spécificité. Elles sont identité et description.

 

Œil d’artiste. Cependant, le document de travail n’empêche pas ces clichés d’être des œuvres d’art avec un soin particulier apporté à la lumière et à la subtilité des teintes. L’homme est volontairement absent puisqu’il ne s’agit pas ici d’ethnologie mais d’architecture, mais il est subtilement présent en filigrane puisque tout est son œuvre jusqu’aux paysages, puisque selon le mot de Jean-François Caron «les terrils sont entièrement passés dans les mains des mineurs.»

Et à celui qui demande si le terril ne doit pas rester noir puisqu’il est œuvre humaine, Jean-François Caron précise œuvrer dans ce sens pour que justement les terrils ne perdent pas leur sens. On mettra donc un frein volontaire au boisement spontané pour que les terrils gardent leur formidable effet plastique qu’Hubert Bouvet a si magnifiquement rendu, y captant des reflets impressionnistes mais rendant d’un regard leur formidable présence dans la plaine ou au creux des vallées.

Les photos seraient insuffisantes si Nathalie van Bost ne les avait commentées, apportant son regard de scientifique à chaque légende et classant les clichés en quatre secteurs géographiques choisis selon des critères tant historiques, que paysagers, industriels ou géographiques.

Le tout avec la complicité de Lieux Dits, un éditeur lyonnais spécialisé dans les livres d’art.

 

Editions Lieux Dits − 180 photos − 25 €.