Le bailleur face à la procédure collective du locataire commercial
Après avoir évoqué, dans les deux précédents articles, les difficultés auxquelles le bailleur peut être confronté à l’ouverture de la procédure collective du locataire, puis lors du déroulement de celle-ci, on s’ intéresse à l’issue de la procédure et son impact sur la relation locative, notamment par le biais des trois modalités principales de sortie de la procédure collective.
L’adoption d’un plan de redressement. Lorsqu’un plan de redressement est adopté, celui-ci prévoit soit un étalement de la dette sur une durée maximum de dix ans (article L 626-12 du code de commerce sur renvoi de l’article L 631-19 du même code), soit des remises contre paiement immédiat. Dans ce cas, le bail se poursuit normalement et les créances antérieures sont apurées selon les modalités du plan.
La cession du bail dans le cadre de la cession totale ou partielle de l’activité. Dans le cadre du redressement ou de la liquidation, il peut être décidé la cession de l’entreprise ou sa cession partielle, par le biais de l’adoption d’un plan de cession (art. L 631-22 du code de commerce, pour le redressement, et L 642-1, pour la liquidation). Le but poursuivi est de maintenir les activités susceptibles d’exploitation autonome et de sauvegarder l’emploi qui y est attaché. Le tribunal détermine les contrats de location qui sont nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise. Le bailleur est convoqué lors de l’audience destinée à arrêter le plan de cession. Le tribunal recueille ses observations, mais la cession judiciaire du contrat, en vertu de l’arrêté de plan de cession, s’impose à lui. A ce titre, c’est la date du jugement qui fixe la date du transfert du bail et les différentes clauses restrictives de la transmission du bail ne trouvent pas à s’appliquer (art. L 642-7 du code de commerce). Ainsi, les clauses d’agrément préalables et les clauses de préemption du bailleur sont systématiquement écartées ; il serait en effet contraire à l’objectif de maintien de l’activité que le bailleur puisse s’opposer à la cession du bail.
De la même manière, comme le prévoit l’article L 642-7 du code de commerce, tous les droits de préemption dont seraient titulaires les administrations sont également écartés (art. L 642-5 du code de commerce). Dès lors que le bail est transféré, le cessionnaire poursuit le contrat aux clauses et conditions en vigueur au moment de la cession, à l’exception de la clause de solidarité entre le cédant et le cessionnaire, qui est réputée non écrite, en vertu de l’article L 641-12 du code de commerce.
La cession isolée du droit au bail. Dans le cadre de la liquidation judiciaire, les actifs du débiteur peuvent être cédés séparément, notamment lorsque le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome est impossible (art. L 642-18 et suivants du code de commerce). Le droit au bail est alors cédé seul. Dans ce cas, l’intégralité des clauses prévues au bail s’appliquent et notamment toutes les clauses restreignant la cession (agrément, droit de préférence, etc.). De la même manière les droits de préemption des collectivités territoriales ont vocation à s’appliquer. L’absence de cession de l’entreprise justifie qu’aucun traitement dérogatoire ne soit appliqué à une cession du droit au bail isolée. La seule dérogation concerne évidemment la clause de solidarité qui ne s’applique pas conformément aux dispositions de l’article L 641-12 du code de commerce.
A l’issue de ces brèves présentations de la situation du bailleur confronté à la procédure collective de son locataire, il reste à espérer que les propriétaires seront convaincus de l’impérieuse nécessité d’une vigilance accrue en ces temps de difficultés économiques croissantes.
Jérome WALLAERT, avocat, département règlement des contentieux (jerome.wallert@fidal.fr)