L’Afrique, le nouvel Eldorado…
On ne peut plus dire, comme avec René Dumont en 1962 que «l’Afrique noire est mal partie». L’Afrique est en effet le continent qui connaît la plus forte croissance dans le monde ! Ainsi, depuis 2009, on constate que le continent est de moins en moins dépendant de l’économie mondiale malgré un poids important des matières premières. La consommation de la région prend le relais, avec une population qui devrait dépasser celle de la Chine en 2050, et l’Afrique sub-saharienne devrait connaître une croissance comprise entre 5% et 7% malgré la faiblesse des infrastructures et un taux de chômage encore très élevé.
Ce changement de perception provient de différents facteurs, endogènes comme la croissance démographique qui s’accompagne d’un mouvement d’urbanisation accéléré, et conjoncturels, tels que la hausse des prix des matières premières, voire un assainissement des finances publiques de certains pays.
Historiquement, les matières premières ont constitué le premier levier de croissance du continent avec tous les problèmes sociaux et de corruptions que cela a pu créer. Ainsi, le pétrole représente 75% des revenus du gouvernement du Nigeria. Sans oublier, les guerres incessantes en République Démocratique du Congo pour s’approprier les ressources du pays. La Sierra Leone après une longue guerre civile devrait connaître une forte croissance dans les années à venir grâce à l’industrie minière. Ainsi, le seul projet minier d’African Minerals (société anglaise) devrait représenter une manne d’1Md$ pour le gouvernement dans un pays où le PNB est de 2Md$.
L’Afrique de l’Est connaît aussi une révolution avec des découvertes de gaz très importantes ces derniers mois. Ainsi, les découvertes réalisées sont actuellement supérieures aux ressources de gaz de la Mer du Nord !
Ces évolutions récentes vont nécessiter des investissements importants dans les infrastructures aussi bien dans les réseaux de transport (routiers et ferroviaires) que dans les capacités de production d’électricité.
Et ce besoin en infrastructures va de pair avec l’explosion de la population urbaine qui est un autre facteur explicatif du développement: en 1995, elle représentait 35% de la population totale, elle devrait représenter plus de 50% à l’horizon 2050.
L’agriculture est également un axe de développement pour l’avenir de l’Afrique car le continent possède 60 % des terres arables non exploitées du monde. Conscient des enjeux, de nombreux gouvernements africains subventionnent l’utilisation d’engrais et de semences de meilleures qualités afin d’améliorer la productivité des fermes, l’objectif étant de sortir d’une politique d’agriculture purement vivrière et de pouvoir nourrir une population en forte croissance. La productivité des plantations africaines est restée stable depuis les années 60 alors que dans le même temps, la productivité chinoise a triplé. L’agriculture africaine représentait une production de 280Md$ en 2010 mais pourrait atteindre selon McKinsey, 880Md$ à l’horizon 2030.
Enfin, la consommation devient le nouveau pilier de la croissance du continent : elle représente 50% de la croissance africaine et explique la partielle décorrélation avec le reste de l’économie mondiale. Ainsi, il existe en Afrique, selon le « Financial Times », une plus grande classe moyenne qu’en Inde. La consommation de bière devrait par exemple connaître une croissance annuelle de 4%/ an supérieure à la croissance chinoise. Les brasseurs SabMiller et Heineken ont bien compris le potentiel et ont investi massivement sur la zone. Autre exemple : dans la téléphonie mobile, la croissance de l’activité a été de 40% depuis 2000. Si le taux de pénétration de ce marché reste encore faible avec une forte exposition au trafic liée à la voix, le trafic des données sera le prochain relais à l’instar des pays occidentaux, d’autant plus que les réseaux fixes ne possèdent pas un niveau de couverture satisfaisant.
Alors que l’Asie continue de focaliser toute l’attention des investisseurs, l’Afrique devrait devenir le nouvel Eldorado. La Chine a d’ailleurs compris depuis plusieurs années les changements africains et, après avoir été acheteuse de matières premières pour répondre à ses immenses besoins, elle devient un fournisseur de produits et de services en Afrique. Jadis, chasse gardée de l’Europe, la zone est donc devenue le théâtre d’une lutte avec la Chine qui semble avoir gagné une bataille, mais pas la guerre ! Ainsi, de nombreuses sociétés européennes ont compris l’intérêt de miser sur l’émergence de ce continent. Reste l’enjeu sociétal, afin de favoriser un développement équitable pour les populations locales et ne pas reproduire les erreurs du passé…