Mobilité
La voiture domine encore les déplacements quotidiens
Malgré les politiques publiques incitant aux mobilités alternatives, les actifs continuent d’emprunter massivement leur voiture pour aller au travail, même pour les courtes distances, annonce l’Insee. Une autre enquête, réalisée en 2020, montre toutefois que cette tendance est en déclin.
Les
habitudes ont la vie dure. 42% des personnes qui vivent à moins d’un
kilomètre de leur travail s’y rendent en voiture, alors que le
trajet demande un quart d’heure de marche tout au plus. L’Insee,
qui a compilé les résultats des recensements nationaux menés de
2015 à 2020, dans une note consacrée aux déplacements quotidiens,
publiée le 19 janvier, tente de trouver des explications. Certains
de ces irréductibles automobilistes « ont plusieurs lieux
de travail » et exercent sans doute « des
activités plus éloignées ». Il s’agit
« d’agriculteurs, artisans, commerçants, personnels de
service aux particuliers ou professions de santé ». Les
autres exercent « peut-être une succession d’activités
différentes lors d’un même trajet, par exemple, accompagner des
enfants à l’école, avant de se rendre à son lieu de travail »,
supposent les statisticiens, ou alors leur choix serait mu par « des
raisons de santé ou tout simplement l’habitude ».
L’Insee
aurait pu également mentionner l’aménagement urbain, ou plutôt
son absence, qui décourage les meilleures volontés. Souvent,
en-dehors des grands centres urbains, les trottoirs font défaut, et
les piétons doivent cheminer le long d’axes routiers et
anxiogènes. C’est pour dénoncer cet inconfort que la Fédération
française de randonnée et un collectif d’associations
représentants les piétons ont lancé le « baromètre des
villes marchables », un questionnaire en ligne permettant
d’évaluer la place laissée au piéton dans la ville. Environ 30
000 réponses avaient été enregistrées fin janvier, et les
organisateurs en espéraient au moins le triple, d’ici le 15 mars.
L’Insee
s’est également intéressé aux modes de déplacement principal
utilisé en fonction du type d’habitat, du genre ou de la catégorie
socio-professionnelle. La voiture est majoritaire partout, mais
concentre environ 60% des déplacements dans les pôles urbains
denses et 90% dans les secteurs périurbains et ruraux. Lorsque la
distance à parcourir est supérieure à 5 km, 80% des trajets se
font en voiture. En-dessous de 5 km, l’automobile culmine encore à
plus de 60%, à peine concurrencée par la marche (18%), les
transports publics (15%) et le vélo (5%).
Les habitudes de mobilité varient au moins autant en fonction de la catégorie sociale. Les agriculteurs, les artisans, et les ouvriers dans une moindre mesure, préfèrent nettement la voiture, et les cadres un peu moins. On peut y voir un effet d’une prise de conscience écologique ou de la nécessité de pratiquer un exercice physique. Mais ces choix résultent aussi de l’urbanisme, qui dessine, dans les centres et les banlieues aisées, une ville moins routière, davantage équipée en trottoirs et en aménagements cyclables. À l’inverse, les secteurs populaires sont plus souvent striés par des voies rapides qui interdisent le passage, à pied, d’un quartier à l’autre.
Les
cadres prennent le métro
Contrairement
aux idées reçues, ce sont les cadres (22%) qui utilisent le plus
les transports en commun, devant les employés (17%) et les ouvriers
(11%). Cette tendance peut s’expliquer par la prépondérance des
cadres en Ile-de-France, où une part importante des déplacements
quotidiens sont effectués en bus, métro et train. Les différences
de comportement entre les hommes et les femmes sont remarquables.
Ainsi, les femmes sont plus nombreuses dans les transports publics,
un peu moins sur les vélos, et empruntent beaucoup moins les
deux-roues motorisés que les hommes. L’Insee observe aussi que
« les femmes seules avec enfants parcourent des distances
plus courtes » et, pour cela, « se déplacent plus
souvent à pied ou en transports en commun que les hommes ».
Ainsi,
en dépit des politiques publiques qui, à tous les niveaux de
décision, cherchent à encourager les modes de transport non
polluants et moins encombrants, l’usage de la voiture demeure
prépondérant en France, bien davantage que dans de nombreux pays
européens. Toutefois, une autre enquête, publiée le même jour que
l’étude de l’Insee, montre que la pandémie pourrait avoir des
conséquences importantes sur les habitudes de mobilité. Deux
sociétés de conseil, Chronos et l’Obsoco
ont interrogé 4 500 personnes en octobre 2020, six
mois après le début de la crise sanitaire, et quelques jours avant
l’annonce du deuxième confinement.
Selon
cet Observatoire des mobilités émergentes,
seuls 25% des répondants avaient, alors, repris le cours "normal" de leurs déplacements et les deux-tiers de ceux dont l’activité
permet le télétravail continuaient à le pratiquer, d’une manière
ou d’une autre. Les modes individuels, voiture, moto, vélo ou
marche, séduisent davantage, au détriment des transports publics.
Seulement 63% des personnes
interrogées admettent « une
volonté délibérée d’utiliser les transports collectifs »,
encore associés au risque de contamination. Les opérateurs
affirment pourtant, études à l’appui, que les métros, trains et
autres tramways ne représentent qu’une infime partie des "clusters" épidémiques.
À terme, 60% des répondants estiment que les transports collectifs ont davantage d’avenir que les transports individuels, un chiffre en retrait de 9 points par rapport à la même enquête effectuée en 2019. Pour la suite, les utilisateurs parient sur la marche et le vélo, des tendances antérieures à 2020, car confirmées par les recensements de l’Insee. Dans leur étude, les statisticiens constatent une progression de la « part de marché » du vélo, passé entre février 2015 et février 2020, de 2 à 2,9% des déplacements.