Filière Cuir
La RSE appliquée aux équipements de protection individuelle
Les fabricants d'EPI, équipements de protection individuelle, habitués à gérer, sur ce marché spécifique, des contraintes réglementaires fortes, sont aussi engagés dans la RSE. Témoignages de démarches très diverses.
Lorsque l'on fabrique des produits techniques qui présentent des enjeux de sécurité, est-on par nature porté à adopter une démarche de responsabilité d'entreprise ? La réponse est oui, mais les voies adoptées sont diverses, a montré une table ronde sur «Les équipements de protection individuelle, un modèle de RSE axé sur la sécurité». Elle se tenait le 11 septembre, à Paris, dans le cadre de la journée «Sustainable leather Forum» organisée par le Conseil national du cuir. De fait, les EPI, équipements de protection individuelle (chaussures de sécurité, gants de protection...) sont soumis à des réglementations sévères, en raison des implications en termes de sécurité. Plusieurs entrepreneurs rompus à ces obligations ont témoigné de leur approche de la RSE, Responsabilité sociétale des entreprises, et des voies qu'ils ont adoptées. Pour deux de ces dirigeants, l'approche de la RSE est aussi liée à la dimension familiale de leur entreprise. «Elle a été toujours attachée aux valeurs humaines», témoigne Stéphane Rostaing, pdg de Rostaing SAS, entreprise née au 18e siècle, originellement spécialisée dans la tannerie et aujourd'hui dans la ganterie de protection (gants de travail, anti-coupures, anti-chaleur...). «Cela se transmet de génération en génération», confirme Nicolas Mille, Pdg de Gaston Mille, entreprise familiale qui existe depuis 200 ans. La société commercialise 400 000 paires de chaussures de sécurité par an, pour des secteurs aussi divers que l'industrie pétrolière ou la restauration collective. Son usine est située dans le Vaucluse et elle travaille avec des sous-traitants tunisiens et indiens. Caroline Krug, présidente de Tanneries Pechdo est dans une situation différente : elle a racheté la PME aveyronnaise il y a sept ans, après une carrière chez LVMH. La société, née en 1900 est spécialiste de la production de cuir souple et technique (qui servira à réaliser des gants pour l'armée ou les pompiers...). Pour elle, les contraintes de la RSE font partie intégrante de son métier qui consiste à «magnifier» un produit naturel acheté auprès de fournisseurs de confiance. Mais Caroline Krug a aussi une autre analyse des contraintes qui s'imposent à elle. «L'exigence la plus forte vient des clients. Nous devons les aider à répondre à des appels d'offres hyper normés», témoigne l'entrepreneuse.
Des labels «maison» ou pas, et la vertu de la contrainte
Dans sa tannerie, les circuits sont courts, la traçabilité complète. «Chaque étape est pensée pour être la plus éco-conçue possible, et qualitative», précise Caroline Krug. En cohérence avec les aspirations de ses clients, l'entreprise a adopté le label LWG, gage de qualité et de conformité RSE de ses produits. «Nos clients anglo-saxons en parlaient comme de la référence en matière d'audit. J'ai donc étudié les différentes options et j'ai jugé que LWG était une bonne solution qui permettait de faire un état des lieux concret», relate-t-elle. Quant à la société Gaston Mille, elle a notamment, dans le cadre de sa démarche de RSE, relocalisé une partie de sa production en France et obtenu la certification SA 8000 (responsabilité sociétale). Mais à côté de ces entreprises qui s'appuient sur des outils existants, d'autres préfèrent créer les leurs. Ainsi, Lemaitre Sécurité, entreprise fondée en 1974, spécialiste des chaussures de sécurité, a choisi une autre voie : la société a créé son propre label «Lemaire safety green». Il est arboré par sa gamme Trainer LSG, des chaussures «éco-conçues à partir de matières et composants recyclés ou récupérés.» Très fortement engagée dans une démarche RSE, Lemaitre Sécurité s'intéresse également à la gestion de la «fin de vie» de la chaussure, explique Pierre Mischel, directeur des opérations groupe. Un domaine où tout reste à inventer... La société a notamment mis au point un projet pilote «Lemaitre Circular» avec ses partenaires commerciaux pour récupérer les chaussures, afin de les intégrer à une chaîne de recyclage et récupérer les éléments valorisables. Quant à Stéphane Rostaing, il a anticipé la législation pour réaliser le score carbone de la totalité de ses produits, opération qui devrait être finalisée en fin d'année. Mais l'entreprise a beau être très engagée dans la RSE, son dirigeant avance un point de vue plutôt inattendu en la matière. «Je pense que l'homme ne change que sous la contrainte», estime-t-il. Ainsi, à propos de la loi Agec, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, qui va notamment imposer des règles nouvelles en matière d'affichage des caractéristiques environnementales des produits, «ce texte est très contraignant, mais vraiment nécessaire», explique-t-il.
«L'exigence la plus forte vient des clients. Nous devons les aider à répondre à des appels d'offres hyper normés.»
Caroline Krug, présidente de Tanneries Pechdo.