La Picardie à l’heure de la réforme des rythmes scolaires
Proposition de campagne de François Hollande, la réforme des rythmes scolaires voit le retour de la semaine de 4,5 jours, allégeant les journées d’apprentissages au profit d’activités périscolaires. Appliquée par certaines communes dès 2013, la réforme sera généralisée en septembre.
Depuis 2008, les élèves du premier degré suivaient la semaine de quatre jours, un rythme en passe de changer définitivement à l’aube de la rentrée 2014. Portée par Vicent Peillon, la semaine de 4,5 jours a pour but de mieux répartir les heures d’apprentissages et de favoriser les enseignements fondamentaux aux moments où les élèves sont le plus concentrés. Allégées de ¾ d’heure, les journées seront désormais complétées par des activités périscolaires. Chargées d’organiser ces nouvelles activités, les collectivités ont aussitôt dénoncé le poids exorbitant, tant humain que financier, de cette réforme pour les communes. Un fonds d’amorçage de 250 millions a néanmoins été mis en place par l’État pour 2013 et s’élève à 370 millions pour 2014. En Picardie, où cette réforme concerne 188 287 écoliers fréquentant des établissements publics, seules 136 communes avaient adopté ce changement de rythme à la rentrée 2013. Cette année, 1 192 communes sont donc concernées. À ce jour, 26 d’entre elles n’ont pas transmis de projet éducatif territorial nécessaire pour la mise en œuvre de la réforme.
Accompagnement
« Nous abordons la rentrée de façon tout à fait sereine. Il faut rappeler que c’est d’abord une réforme scolaire avant d’être une réforme périscolaire », commente Bernard Beignier, recteur de l’académie d’Amiens qui souligne également que « la compétence des temps scolaires reste sous l’autorité de l’État » et non des communes. Si des opérations de suivi seront mises en place et que le recteur promet d’être « vigilant » quant à l’application de la réforme, il se veut cependant rassurant : « Nous resterons ouverts à la discussion, nous ne sommes pas là pour asséner un texte, il s’agit d’une année test, il faut simplement regarder si le projet éducatif a du sens et si besoin lui apporter des corrections. » Un premier point sera fait autour de Noël avant d’achever l’organisation de la rentrée 2015 au moment de Pâques. Quant au bien-fondé de cette réforme, il faudra être patient pour mesurer véritablement les bienfaits de ce changement de rythme sur les élèves. Cependant Bernard Beignier voit déjà un premier avantage à cette réforme : « L’école va développer un autre visage, ce ne sera plus uniquement un lieu d’enseignement, mais un endroit épanouissant où l’on peut découvrir différentes activités. Cela donnera à l’éducation un autre sens. »
Le mécontentement des enseignants de l’Oise
Opposé dès l’origine à la mise en place de cette réforme des rythmes scolaires, le SNUIPP-FSU Oise a aussitôt mené plusieurs actions de grèves. « Ce n’est pas que nous ne souhaitons pas un changement de rythme, mais néanmoins la façon dont se déroule la mise en place de cette réforme n’est pas du tout satisfaisante de notre point de vue », explique Sophie Abraham, Secrétaire départementale du syndicat enseignant. En plus de donner beaucoup de pouvoirs à la collectivité locale dans des décisions qui concernent le fonctionnement de l’école, l’organisation syndicale reproche à la réforme d’engendrer de sérieuses inégalités territoriales. « On sait très bien que d’une commune à l’autre les moyens de mettre en place des temps d’activités éducatives de qualité n’est pas le même, il y a aussi le problème de la gratuité de ces activités qui n’est pas en vigueur partout, nous nous sommes quand même attachés à l’égalité d’accès à tous à un service de qualité », souligne Sophie Abraham. La secrétaire départementale considère également qu’un certain nombre d’activités à dimensions artistiques, culturelles et sportives devraient se faire sur du temps scolaire. « Ce n’est pas forcément de moins d’école dont les élèves ont besoin, mais de mieux d’école. Mieux d’école ça peut passer par une réforme des rythmes, mais c’est aussi mettre en œuvre les moyens pour améliorer le service, en terme de postes, mais aussi avoir des enseignants mieux formés, ou encore des dispositifs d’accompagnement des élèves en difficultés scolaires. » Sur l’organisation propre, le SNUIPP-FSU de l’Oise estime ne pas avoir été suffisamment consulté, ni par les élus des collectivités locales, ni par les instances départementales. « Il faut être conscient que les payeurs sont les décideurs et dans la mesure où cette réforme s’impose aux communes qui sont obligées de la mettre en œuvre, le dernier mot leur revient. » Le syndicat met également en avant le patchwork d’horaires scolaires qui engendre nécessairement de grosses difficultés en terme d’organisation, notamment pour le personnel remplaçant et qui conduit à des « restrictions des droits des personnels, comme le droit de travailler à temps partiel ». Cela, en plus d’un surcoût non négligeable pour une partie des enseignants : « Nous allons devoir travailler une demi-journée supplémentaire sans compensation financière puisqu’un gel des salaires est en vigueur depuis quatre ans », rappelle la secrétaire départementale. Si la réforme a été particulièrement mal accueillie dans le département de l’Oise, Sophie Abraham reste néanmoins prudente vis-à-vis des mairies frondeuses : « Si certains maires se sont opposés à la réforme pour des questions d’égalités territoriales parce qu’ils n’avaient pas les moyens de la mettre en œuvre, beaucoup, surtout des maires de zones urbaines, ont orchestré une récupération politique. »