La Médiation du crédit reste vigilante

Depuis sa création en 2008, la Médiation du crédit a permis de débloquer 66 M€ de financement pour 741 entreprises et de «sauver» près de 10 000 emplois. Mais, depuis deux ans, sa saisine diminue. Entretien avec Stéphane Latouche, médiateur du crédit pour le Nord et directeur de l’établissement régional de la Banque de France.

Stéphane Latouche.
Stéphane Latouche.
D.R.

Stéphane Latouche.

 

La Gazette. Quel bilan tirez-vous de l’activité de la Médiation du crédit en 2013 ?

Stéphane Latouche.  Comme au plan national, après une période d’assez forte activité sur la période 2008-2011, nous constatons depuis deux ans une très nette baisse des cas de saisine du médiateur du crédit, à 171 dépôts en 2012 et 169 en 2013, contre 887 en 2008-2009, 333 en 2010 et 190 en 2011. Quelle interprétation en faire ? D’une part, une forte baisse de la demande de crédit adressée par les entreprises aux établissements bancaires, d’autre part, une évolution dans la relation client conduite par les établissements de crédit qui ont appris à beaucoup mieux traiter les difficultés éventuelles de leurs clients. Nous ne sommes certes pas un monde parfait, mais, à la faveur de la crise, la relation client a évolué.

En chiffres ?

Depuis la création du dispositif en 2008, 1 771 entreprises ont saisi le médiateur, soit 1 101 dans le Nord et 670 dans le Pas-de-Calais ; 79% des dossiers déposés ont été acceptés. Les 21% qui ont été refusés n’étaient pas sur des problématiques de médiation du crédit, mais sur des problématiques beaucoup plus graves qui relevaient soit du tribunal du commerce, soit d’une restructuration industrielle. Faut-il rappeler que la Médiation du crédit a été créée pour permettre aux entreprises confrontées à des difficultés conjoncturelles, et non structurelles, d’obtenir les financements dont elles ont besoin. Pour les entreprises qui n’ont plus de clients, plus de carnets de commandes, la réponse n’est probablement pas la Médiation du crédit.
Le dispositif a permis de débloquer 66 M€ et de préserver 9 969 emplois, 38 M€ et 5 671 emplois pour le Nord, 28 M€ et 4 298 emplois pour le Pas-de-Calais. Le taux de médiation réussi ressort à 53% au plan régional, 51% pour le Nord, 56% pour le Pas-de-Calais. Ce taux est moindre que les 62% au niveau national, ce qui reflète une «qualité» plus faible en région : nous recevons en médiation des entreprises où la situation est plus difficile qu’elle ne l’est au niveau national.
Le profil type d’entreprise est par contre quasiment identique au niveau national : en très grande majorité des très petites sociétés, à 78% des moins de 11 salariés, et à 60% sur des encours de crédit de moins de 50 000 € et même, pour 20%, de moins de 10 000 €. Quatre secteurs d’activité représentent 70% des saisines : le commerce de détail (qui est un secteur en grande difficulté) pour 26%, le bâtiment pour 21%, l’industrie pour 13% et les CHR pour 10%.

Comment se dessine 2014 ?

En tant que médiateur du crédit pour le Nord et directeur régional de la Banque de France, je reste vigilant. Un mouvement de reprise extrêmement timide se dessine pour cette année 2014. Il est important que pour cette reprise, les entreprises puissent trouver les moyens de financement dont elles auront besoin pour financer leur croissance. De ce que je vois aujourd’hui dans les chiffres de distribution de crédits, rien ne me laisse penser qu’elles ne trouvent pas ces moyens de financement. Il faut être vigilant car le crédit n’évolue que modestement, mais il est certain aussi que les entreprises sont hésitantes et sollicitent très peu leurs établissements de crédit. Il ne faudrait pas non plus que certaines entreprises envisagent comme réponse à leurs difficultés le recours à des lignes de crédit alors que leur résolution peut être ailleurs.