La guerre de position reprend sur le Transmanche
C’est l’été de tous les dangers pour Eurotunnel ; pris sous les feux croisés d’une triple menace, le groupe franco-britannique est passé en deux années du statut de leader incontesté qui enchaînait les projets au statut d’assiégé faisant feu de tout bois pour défendre ses positions.
Péché d’orgueil ? Surement pas. Dans une période où la crise sévit, la direction d’Eurotunnel a joué ces trois dernières années une partie de ses atoûts que lui confère son positionnement géostratégique, sa nature logistique au sens large et son dynamisme : on ne peut pas reprocher à une entreprise de tirer profit des opportunités que lui offre une situation qu’elle anticipe pour placer au mieux ses intérêts. Après avoir redressé sa barre comptable en renégociant la dette colossale du groupe, Jacques Gounon, pdg de Groupe EuroTunnel (GET), a très logiquement repris la tâche d’aménageur de territoire dont le groupe qu’il préside à pour mission de réaliser. La ZAC 2 a vu fleurir de nouvelles enseignent autour de Cité Europe et la commune de Sangatte prépare avec son parrain franco-britannique un projet de plaine de loisirs (Golf, résidence touristique, hôtels, éco-quartier …). C’était bien le moins après une décennie d’oubli. Il y avait l’urgence financière. Le développement de sa filiale logistique Europorte allait également de soi. Transporter les personnes et les marchandises n’interdisait pas au groupe de poursuivre la ligne de valeur en misant sur la logistique ferroviaire : les succès dans la gestion des infrastructures portuaires répondent à un double objectif : s’implanter durablement dans la logistique et nouer des partenariats avec des acteurs majeurs du transport maritime (notamment avec le port de Dunkerque). Mieux, quand l’appel à projet du Conseil Régional relatif au renouvellement des concessions des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer est lancé, Eurotunnel _ qui vient de faire son retour à la Chambre Consulaire élargie à la Cote d’Opale par la récente réforme, annonce qu’elle déposera une offre… Elle n’ira pas au bout mais le ressentiment est semé chez certains acteurs territoriaux.
De l’audace, etc…
De la même manière, peut-on en vouloir à Eurotunnel de s’avoir saisi une opportunité majeure sur le détroit en s’investissant dans le dossier SeaFrance. Quand la filiale maritime de la SNCF s’effondre à la faveur d’une lutte à mort entre direction et syndicat, que la ligne est interrompue et que _ très vite _ des concurrents majeurs ont manifesté leur intérêt pour les 4 navires, la direction d’Eurotunnel choisit d’y aller elle aussi. En octobre 2011, avant même que les bateaux ne soient bloqués par la direction de SeaFrance, les contacts sont pris avec le syndicat majoritaire (la CFDT) pour prendre les devant et préparer un partenariat inédit : Eurotunnel réaliser un montage où des SCI acquièrent les navires, une filiale commerciale (MyFerryLink) vend les traversée dont l’exécution est sous-traité par la coopérative ouvrière des ex-SeaFrance. « 550 emplois de sauvés, un territoire qui échappe à la catastrophe sociale » affirment les promoteurs de ce scénario. En août 2012, les scopiens font la nique à DFDS qui est parvenu à placer deux ferries sur la ligne Calais-Douvres. Patatra, ces derniers mois, la commission de la concurrence britannique accuse Eurotunnel de rompre les règles de la concurrence avec une position dominante (en ajoutant son trafic ferroviaire et celui de sa filiale). Pris dans un imbroglio juridique (le tribunal de commerce de Paris interdit à Eurotunnel de revendre ses navires avant 5 ans _ soit pas avant 2017) et la commission britannique qui la menace de lui fermer le port de Douvres(!), le groupe franco-britannique mobilise ses relais territoriaux, nationaux et européens. Eurotunnel a eu de l’ambition. Pas seulement pour elle-même mais pour toute la région. Le prix de l’orgueil ? Ou de la jalousie des autres. Eléments de réponse à la rentrée avec la décision de la commission britannique et les résultats des discussions secrètes entre gouvernements français, anglais et instances européennes…