La grande débrouille
À la tête de sa TPE de transports frigorifiques depuis l’été 2012, Aurélien Derlyn est à la fois patron, secrétaire, mécanicien… Rencontre avec un jeune dirigeant qui multiplie les casquettes pour minimiser les coûts et voir grandir sa toute petite entreprise.
28 ans et déjà patron. «Depuis tout petit je suis fasciné par les camions», résume le jeune nancéien d’une voix grave et posée. «J’ai toujours su qu’un jour je créerais ma boîte.» En la matière Aurélien Derlyn, à la tête des Transports Derlyn depuis juillet 2012, est plutôt servi : à la fois patron, chauffeur, secrétaire, mécanicien, le jeune entrepreneur au volant du lundi au vendredi porte toutes les casquettes. Il ne peut compter que sur lui pour pérenniser sa toute petite entreprise, à la fois plus souple que ses concurrents mais aussi plus fragile.
Du Luxembourg à Nancy
C’est d’abord sous la bannière du transporteur luxembourgeois Pinzler Lux qu’il prend la route. Quelques années en tant que salarié lui permettent d’amasser un peu d’expérience, et un apport de 40 000 €. «Ça m’a quand même pris des mois pour trouver une banque qui accepte de me soutenir…» Cette longue période de démarchage ne sera pourtant pas perdue : ami du patron des Transports Bellanger, à Nancy, il en profite pour «traîner un peu» avec ses mécanos. «C’est là que j’ai tout appris.» Un transporteur qui forme son futur concurrent ? Étonnant dans un secteur où les marges sont faibles et la compétition rude. «Nous ne sommes pas concurrents, nous sommes amis !», proteste Aurélien Derlyn. «Nous travaillons souvent ensemble. Pour une TPE comme la mienne, c’est important de pouvoir compter sur ses relations.» C’est aussi «par relation» qu’il a trouvé son plus gros client actuel, un Allemand dont il taira le nom et qui lui apporte 55 à 60 % de son chiffre d’affaires. Avec 60 000 € supplémentaires en plus de son apport (40 000 € de prêt bancaire et 20 000 € de prêt familial), il achète un Scania R580 d’occasion et une remorque frigorifique. 100 000 € d’investissement au total pour un 40 tonnes bien à lui. Lui qui connaît bien le Grand Duché et ses avantages fiscaux choisit pourtant à Nancy. «J’aurais pu m’installer au Luxembourg et faire du dumping, mais je suis Nancéien et patriote !», s’enflamme-il, avant de reconnaître un ton plus bas : «parfois, je me demande si j’ai bien fait…» Pour faire face, la recette d’Aurélien Derlyn est… la débrouille. «Une amie m’a programmé un tableau Excel pour calculer le tarif sous lequel je ne dois pas descendre. Pour l’entretien du camion, j’achète et je remplace tous mes pneumatiques. Je fais toutes les réparations mécaniques, sauf ce qui peut toucher à la sécurité à bord.» Entre juillet 2012 et juillet 2013, les Transports Derlyn ont affiché un chiffre d’affaires d’environ 200 000 €, où le jeune dirigeant puise un salaire mensuel de 1 500 €. «Je choisis d’en laisser le maximum de côté pour pouvoir investir», explique-t-il.
Du rêve à a réalité
Dans son «rêve de gosse» Aurélien Derlyn se voyait s’agrandir et embaucher du personnel… Un doux rêve qu’il semble bien parti pour réaliser, malgré l’activité parfois en dents de scie et l’épée de Damoclès de l’écotaxe qui peut s’abattre dans un futur proche : «je vais acheter un second camion, j’attends actuellement une réponse de ma banque». L’embauche d’un premier salarié est en cours. «De toute façon, soit je m’agrandissais, soit je disparaissais», résume-t-il avec flegme. «J’ai choisi de m’agrandir. Après tout, qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ?»