La gauche a-t-elle dit "goodbye, Lénine", cent ans après sa mort?

Lénine peut-il encore incarner quelque chose pour la gauche de la gauche française, ou est-il condamné à n'être qu'un visage sur les t-shirts à la Fête de l'Humanité? Cent ans après la mort du père de la révolution russe, dur...

Lénine peut-il encore incarner quelque chose pour la gauche de la gauche française, ou est-il condamné à n'être qu'un visage sur les t-shirts à la Fête de l'Humanité? © JOEL SAGET
Lénine peut-il encore incarner quelque chose pour la gauche de la gauche française, ou est-il condamné à n'être qu'un visage sur les t-shirts à la Fête de l'Humanité? © JOEL SAGET

Lénine peut-il encore incarner quelque chose pour la gauche de la gauche française, ou est-il condamné à n'être qu'un visage sur les t-shirts à la Fête de l'Humanité? Cent ans après la mort du père de la révolution russe, dur de trouver des traces concrètes de son héritage.

C'est logiquement à l'extrême gauche que la pensée du dirigeant bolchevik, décédé le 21 janvier 1924, a encore le plus d'impact.

"On s'inspire beaucoup de son héritage", explique ainsi Olivier Besancenot, le porte-parole du NPA.

Le Nouveau Parti anticapitaliste "se réfère au léninisme comme au trotskisme ou à la pensée de Rosa Luxemburg", détaille l'ancien candidat à la présidentielle. 

Vladimir Ilitch Oulianov, de son vrai nom, est resté dans l'Histoire comme le fondateur et premier dirigeant de l'Union soviétique. Mais c'est aussi celui qui a créé les premiers camps contre les adversaires de la Révolution de 1917 et a lancé une sanglante "terreur rouge" dans le pays.

"Il est dérisoire d'en faire un modèle absolu, tout autant que d'en faire un modèle du mal", estime l'historien Roger Martelli, spécialiste (et ancien membre de la direction) du Parti communiste français. 

"Il y a des failles, des limites, dans le système de pensée de Lénine qui vont devenir des gouffres sous Staline", développe-t-il.

D'où la nécessité, pour Olivier Besancenot, de garder "un regard critique" sur le personnage. 

"Mais dire que Staline était dans Lénine, c'est une manière de le tuer une deuxième fois", prévient celui qui a écrit avec son livre "Que faire de 1917?" une "contre-histoire de la révolution russe".

"Tout comme le mettre dans un mausolée est une autre manière de le tuer", développe-t-il. "Plus on l'idolâtre, plus on met de côté sa pensée politique, y compris celle hostile à la bureaucratie".

Le corps de Lénine, embaumé, repose dans un mausolée sur la place Rouge à Moscou depuis 1924.

Modèles français

Concernant le Parti communiste français, qui a attendu 1979 pour supprimer de ses statuts la référence au marxisme-léninisme, son patron actuel Fabien Roussel explique sans détour "ne pas citer Lénine" dans ses discours. "Mais pas par rejet, ce n'est juste pas ma génération".

"Au PCF, nos modèles sont Français, nous sommes plus inspirés par la Commune que par les révolutions d'autres pays. Je préfère personnellement citer Rousseau ou Jaurès", insiste le député du Nord.

Davantage que celle de Lénine, l'ombre de Staline a longtemps plané sur le parti, qui a fini par "tardivement condamner le stalinisme", note M. Martelli. 

"C'est Georges Marchais (dirigeant du PCF entre 1972 et 1994, ndlr) qui a théorisé la conquête du pouvoir par les voies démocratiques", précise Fabien Roussel.

Différence notable entre le communisme originel, qui théorisait la "dictature du prolétariat", et celui qui tente d'exister dans le monde libéral de 2024: "Je ne parle pas seulement de la classe ouvrière", développe Fabien Roussel. 

"Je parle également des travailleurs et des classes moyennes. Les classes laborieuses vont jusqu'aux chefs d'entreprise maintenant, ils souffrent aussi des logiques du monde de la finance", précise l'ancien candidat à la présidentielle. 

Logique similaire du côté de La France insoumise, qui domine la gauche radicale française.  

"Un modèle de transformation dans une société doit s'appuyer sur un mouvement majoritaire", explique le député Eric Coquerel qui note que, par son "parcours personnel" et sa jeunesse dans des mouvements trotskistes et anarchistes, il aurait "sans doute été chez les bolcheviks en 1917". 

Mais "LFI n'est pas structurée sur une histoire ou des références de ce type", prévient Eric Coquerel. En effet, le corpus idéologique de ce mouvement "gazeux" revendiqué est moins identifié que celui du PCF par exemple. 

S'il juge le parcours de Lénine "plutôt positif", Eric Coquerel estime "avec l'expérience et les années" que "c'est Jaurès qui avait raison: il y a une autre figure qui s'impose à côté du prolétaire, c'est le citoyen".

"Si quelqu'un fait l'unanimité à La France insoumise, c'est bien Jean Jaurès", appuie-t-il, assurant que LFI "pourrait sans problème", organiser un hommage au père du socialisme français. 

Hasard du calendrier, le mois de novembre 2024 sera celui du 100e anniversaire de la panthéonisation de Jaurès. 

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