La filière régionale du biométhane inquiète pour son avenir

La publication du projet de programmation pluriannuelle énergétique (PPE)1, le 25 janvier dernier, inquiète les acteurs mobilisés pour la filière du biogaz en région. À juste titre, puisque le PPE revoit les objectifs à la baisse, alors que les Hauts-de-France sont pionniers dans le domaine.

Christophe Buisset, président de la CMA Hauts-de-France, Philippe Vasseur, président de la mission rev3, et Jean-Jacques Dubois, président de l'Association française du gaz Hauts-de-France.
Christophe Buisset, président de la CMA Hauts-de-France, Philippe Vasseur, président de la mission rev3, et Jean-Jacques Dubois, président de l'Association française du gaz Hauts-de-France.

«Nous sommes inquiets. On est en train de pénaliser notre région», déplore Philippe Vasseur, président de la mission rev3 qui a notamment pour objectif de faire des Hauts-de-France la première région d’Europe de biogaz injecté. D’ailleurs, 42 acteurs publics et privés impliqués dans la démarche ont interpellé Emmanuel Macron dans une lettre intitulée «Make our PPE great again» («Rendre sa grandeur à notre programmation pluriannuelle de l’énergie»). «Nous avons aussi écrit au ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy. Nous attendons encore la réponse…» Concrètement, les objectifs fixés par la PPE ont été revus à la baisse : alors qu’on parlait de 10% de biométhane à l’horizon 2030, la PPE annonce le chiffre de… 7% ! «La PPE annonce aussi une chute brutale des coûts d’achat de 30% à horizon 2023. On ne nie pas la possibilité de baisser les coûts, mais, en quatre ans, c’est impossible, surtout pour une filière naissante», poursuit Philippe Vasseur, rejoint par Jean-Jacques Dubois, président de l’Association française du gaz des Hauts-de-France : «Au moment où on prépare 2050, on nous met des bâtons dans les roues. Nous sommes à l’aube d’une révolution énergétique, les décisions prises ont un impact sur notre avenir et sur l’économie locale.» Loin de se laisser abattre, les acteurs locaux ont déjà engagé leur offensive : une consultation a été lancée auprès de diverses instances, avec des avis rendus à partir du mois d’avril. Une consultation publique sera ensuite organisée sur Internet, avec la publication prochaine d’un décret.

«On ne nie pas la possibilité de baisser les coûts, mais, en quatre ans, c’est impossible, surtout pour une filière naissante»

L’avenir de l’économie locale

Alors qu’une récente étude de l’Ademe prévoit la création de 11 000 emplois dans la filière biogaz régionale d’ici 2030, difficile de comprendre la logique de ce PPE. «C’est une énergie renouvelable, créatrice d’emplois non délocalisables et avec des activités réparties sur l’ensemble des Hauts-de-France. Et c’est aussi un complément de revenu pour les agriculteurs», poursuit Philippe Vasseur. Le monde agricole, justement, ne cache pas non plus sa colère : «Le monde de l’élevage va mal. Si demain on peut, grâce aux déchets agricoles, redonner de l’emploi aux territoires, pourquoi s’en priver ? Il faut savoir que la France importe 99% de son gaz. L’économie agricole française perd sur tous les niveaux. Demain, des pays voisins viendront nous acheter nos déchets et monter les projets chez eux», explique Christophe Buisset. Le président de la chambre de métiers et d’artisanat Hauts-de-France prône aussi la mise en place de tarifs réglementés pour assurer des revenus aux agriculteurs. Patients mais déterminés, les acteurs locaux sont prêts à utiliser tous les moyens possibles pour «démontrer l’inanité de cette décision prise».

1. Outil de pilotage de la politique énergétique, créé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte.