La FFB milite pour un plan de relance vert
Le 10 juin dernier, à l’occasion de la présentation du 3e projet de loi de Finances rectificatives pour 2020 en Conseil des ministres, le Gouvernement a dévoilé les mesures d’urgence mises en place pour accompagner la reprise d’activité du secteur du BTP. Pas suffisantes pour la FFB, qui a dévoilé le 30 juin son plan de relance vert.
Alors que contrairement à l’hôtellerie-restauration, le BTP n’a pas été soumis à une fermeture administrative, les deux secteurs ont accusé la même chute vertigineuse de leur activité début avril : -88%. Une très mauvaise nouvelle pour l’économie nationale, lorsqu’on sait que le BTP pèse 11% du PIB et emploie 2 millions de personnes. 360 000 entreprises ont bénéficié du Fonds de solidarité (510 millions d’euros au total débloqués), 60 000 PGE ont été alloués (8,2 milliards d’euros) et les demandes d’activité partielle ont concerné 1,4 million de salariés (1,3 milliard versés pour les mois de mars et avril). Le Gouvernement a décidé de poursuivre son soutien à la reprise de l’activité, pour l’accélérer et compenser les surcoûts en déployant un panel de mesures (avant de présenter à la rentrée un plan de relance de l’économie).
Parmi ces mesures : un milliard d’euros va être ajouté à la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), portant son enveloppe à 1,6 milliard d’euros, afin de « soutenir les investissements structurants des collectivités portant sur la santé, la transition écologique, notamment la rénovation thermique de bâtiments publics, et la rénovation du patrimoine ». Une dotation qui selon le Gouvernement devrait permettre d’accroître les investissements locaux de 4,8 milliards d’euros. En 2020, l’État va verser près de 10 milliards d’euros de dotations d’investissement aux collectivités locales. Pour soutenir la trésorerie des entreprises, celles soumises à l’impôt sur les sociétés pourront demander dès cette année le remboursement immédiat de leur stock de créances de report en arrière de leurs déficits, ainsi que des créances qui viendraient à être constatées en 2020 du fait des pertes liées à cette crise sanitaire. Une aide au recrutement des apprentis a également été annoncée (de 5 000 à 8 000 euros par contrat). Concernant la prise en compte des surcoûts, le Gouvernement a adressé aux maîtres d’ouvrage de l’État, pour leurs marchés de travaux, une instruction leur demandant de négocier rapidement avec les entreprises du BTP une prise en charge d’une partie des surcoûts directs, liés à l’arrêt des chantiers et aux mesures sanitaires.
“Il faut un plan à “prise rapide”, pour limiter le trou d’air de septembre et les pertes d’emplois associées”
Plan de relance vert
Le 30 juin dernier, la FFB donnait une conférence de presse : l’occasion de faire un point sur l’activité du secteur et pour son président Olivier Salleron de dévoiler les mesures du syndicat pour relancer le BTP. Car si au niveau national presque tous les chantiers ont aujourd’hui repris, 17% tournent encore au ralenti, et 5% sont toujours à l’arrêt. Les prévisions révisées de la FFB pour 2020 tablent sur une chute d’activité de 18% (hors effet prix) et d’une perte d’environ 120 000 emplois (un décrochage qui pourrait atteindre les 200 000 postes en 2021 si la situation perdure). Dans la Somme, 95% des chantiers ont repris, « l’activité des entreprises accuse une baisse de 10 à 30%, avec un surcoût de 5 à 10% lié à la mise en place du protocole sanitaire. Ces mesures se sont assouplies et on passe aujourd’hui moins de temps à nettoyer et plus à exercer notre métier, estime Nicolas Blangy, le président de la FFB de la Somme, plus inquiet pour la rentrée de septembre et le début de l’hiver : Nous avons été perfusés en trésorerie, il va falloir rembourser ces avances et prêts et j’ai une réelle crainte quant à la capacité de ceux qui ont emprunté à le faire, avec une activité en baisse et des résultats qui vont être négatifs en fin d’année. » Une situation compliquée à laquelle s’ajoutent d’autres facteurs : peu d’affaires rentrées par les entreprises depuis mars, et une baisse régionale de 36% en termes de marchés publics, comparé à 2019. « Les petits chantiers sont relativement bien repartis, les grosses opérations privées ou publiques en revanche ont du mal à redémarrer. Tout s’est arrêté côté administratif et il y a eu le second tour des élections dans les grosses collectivités de la Somme qui a aussi figé les choses », observe Nicolas Blangy.
Face à ces perspectives et aux surcoûts sanitaires, la FFB continue donc de demander l’annulation des charges patronales jusqu’en fin d’année et a établi un plan de relance vert (cinq milliards d’euros par an), qui va plus loin que celui du Gouvernement. « Il faut un plan à “prise rapide”, pour limiter le trou d’air de septembre et les pertes d’emplois associées, qui en interdiraient la réalisation. Il convient donc de mobiliser le plus possible les dispositifs qui existent déjà, bien connus et maîtrisés », a indiqué Olivier Salleron. La mesure phare : la rénovation énergétique en portant le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite) et l’aide MaPrimeRénov’ à 400 euros/ m² pour l’ensemble des ménages. La FFB plaide pour une diminution du reste à charge pour les revenus modestes (400 euros) et très modestes (200 euros), la réintégration des déciles 9 et 10 (ces ménages plus aisés et qui ont le plus épargné durant le confinement ont été exclus du Cite lors du projet de loi de Finances initial) et des chaudières au gaz Très haute performance énergétique (THPE) et ouverture aux résidences secondaires en Zone de revitalisation rurale (ZRR), soit un surcoût budgétaire total de 1,9 milliard d’euros par an.
Concernant le Certificat d’économies d’énergie (CEE), il est demandé un “coup de pouce” pour la rénovation globale des maisons individuelles, avec une aide relevée de 50 euros/ m² environ à 200 euros/ m², et le financement d’un nouveau Contrat d’accompagnement énergétique (CAE) pour suivre et conseiller le client après la rénovation. La FFB demande également une application de la TVA à 5,5% pour tous les travaux (1,4 milliard d’euros par an), « une mesure de simplification et de relance ». « Il faut ce type de mesures fortes pour inciter les particuliers à se lancer dans les travaux de rénovation énergétique, on sait que ce ne sont pas les ménages les plus modestes qui vont le faire spontanément », observe Nicolas Blangy.
« Un choc de simplification administrative » demandé
En ce qui concerne l’accession à la propriété, le syndicat demande notamment le rétablissement du Prêt à taux zéro (PTZ) à 40% du montant d’opération, pour l’investissement locatif privé, la FFB souhaite remplacer la fiscalité confiscatoire et les dispositifs fiscaux dérogatoires par un système de droit commun général « durable, simple et lisible », qui engendrerait une économie budgétaire de 0,5 milliard d’euros par an. Et pour le non résidentiel, la Fédération française du bâtiment a proposé de majorer d’un milliard d’euros la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) notamment pour accompagner le déploiement de centres de collecte des déchets professionnels, et de lancer un grand plan Ephad.
Ce plan d’envergure comprend également des mesures d’accompagnement : obtenir l’assouplissement des deux recommandations du Haut conseil de stabilité financière (pas de taux d’effort supérieur à 33% ni de prêts immobiliers de plus de 25 ans). La FFB a aussi préconisé « un choc de simplification administrative », avec la division par deux des délais d’instruction des permis bloqués. « Aujourd’hui, il faut un an pour se voir délivrer un permis de construire, déplore Nicolas Blangy. Il faudrait limiter la possibilité de faire des recours, à partir du moment où le permis respecte le Plan local d’urbanisme. » La FFB demande également l’accélération de la digitalisation des permis, la création d’un permis déclaratif dans un périmètre sous permis d’aménager ou en Zac et le relèvement à 100 000 euros du seuil des appels d’offres.
Objectifs annuels de ce plan de relance vert : 500 000 logements neufs et autant en rénovation, et le recrutement de 150 000 personnes d’ici 2023.