La donne change sur le transmanche

Libérés le 2 septembre dernier après plus de deux mois d'occupation, les navires Rodin et Berlioz d'Eurotunnel sont désormais dans les mains de DFDS avec qui Eurotunnel a signé un contrat afin qu'il remplace MyFerryLink, sa filiale maritime. Cet épisode clôt un dossier brûlant depuis la liquidation judiciaire de SeaFrance en janvier 2012. Au final, la SCOP des 487 marins et sédentaires s'en sort plutôt ien.

« Le siége de la Scop SeaFrance à Calais ».
« Le siége de la Scop SeaFrance à Calais ».
CAPresse 2015

Les représentants de la SCOP, autour de Me Virginie Quenez, leur avocate.

Cela aura été le plus long blocage de navires de l’histoire maritime de la Côte d’Opale : du 29 juin au 2 septembre, soit 65 jours. Quand, fin juin, les salariés de la SCOP Seafrance (formée par les ex-salariés de la filiale de la SNCF) manifestent leur désaccord face l’accord conclu entre leur parrain Eurotunnel et son concurrent le plus dangereux, DFDS, le port de Calais tremble. Occupation des deux plus imposants navires de l’ex-flotte SeaFrance, blocus du port de Calais, opération escargot vers Loon-Plage où DFDS positionne deux navires, intrusion sur le site d’Eurotunnel provoquant l’arrêt total du trafic ferroviaire… Des actions qui montrent que les salariés de la SCOP ont non seulement de la ressource mais peuvent aussi nuire de manière considérable à l’économie de toute la région et même causer un tort considérable de l’autre côté de la Manche où les files de camions s’allongent sur des kilomètres sur la M 10. Une longue et pénible négociation commence alors entre la SCOP, le liquidateur judiciaire de celle-ci, Eurotunnel, DFDS et le ministre des Transports Alain Vidalies. Les scopiens refusent d’abord l’accord et demandent du temps pour formaliser une offre soutenue par les pouvoirs publics. Comme souvent, personne ne croit en ce soutien tant de fois promis depuis 2011 et jamais au rendez-vous. Les forces de l’ordre ont pour instruction de ne pas intervenir…

CAPresse 2015

Le siège de la SCOP SeaFrance à Calais.

Blocage, occupation, intrusions… et négociationsChez Eurotunnel, la conséquence n’est pourtant pas négative. Son concurrent, brièvement interdit de traversée à Calais par les marins de la SCOP, s’est rabattu sur Loon-Plage et le trafic maritime à Calais chute mécaniquement d’un bon tiers, remplissant d’autant les trains de fret d’Eurotunnel. La contestation d’Eurotunnel n’est là que pour la forme. Malgré la présence de migrants dont l’actualité entre en collusion avec le dossier MyFerryLink, l’été sera la période le plus productive pour le gestionnaire du lien fixe transmanche.

N’empêche, la situation ne pouvait plus durer, les négociations se sont succédé lors des rendez-vous en juillet et août qui réunissaient les acteurs du dossier : «7 réunions, 60 heures de négociations», souligne Alain Vidalies. Un premier plan proposé par le ministre reposait sur la reprise de 202 personnes par DFDS, 130 postes chez Eurotunnel pour son dernier navire (le fréteur Nord-Pas-de-Calais), 50 personnes pour la surveillance du tunnel via son sous-traitant, 25 autres postes pour ses besoins propres. En tout, 407 personnes sur 487 recasées ; un taux exceptionnel vu les tensions récurrentes et le degré de vindicte de toutes parts. En sus, une indemnité transactionnelle sera versée aux salariés sans emploi au 1er janvier 2016. Chez DFDS, l’objectif d’avoir des navires spécialement conçus pour des traversées aussi courtes est enfin atteint. On se souvient que lors de la liquidation des actifs de SeaFrance, le géant danois avait proposé 5 millions d’euros pour les BerliozRodin et Nord-Pas-de-Calais, contre 65 millions pour l’offre d’Eurotunnel. DFDS devrait acquérir à terme les deux premiers une fois que le tribunal de commerce aura répondu favorablement à Eurotunnel qui avait pris l’engagement de ne pas vendre les navires avant cinq ans. Sur la question du pavillon français, DFDS s’est dit résolu à s’y inscrire. «Nous espérons que les deux navires seront prêts à naviguer avant la fin de l’année. Nous sommes très attachés au pavillon français», a déclaré Carsten Jensen, numéro 2 du groupe. Avec la ligne Calais-Douvres et Dunkerque-Douvres, DFDS redistribue la donne. Entre Eurotunnel, P&O et le Danois, les cartes bougeront encore avec un critère très attendu : le prix…