Dans les Hauts-de-France, une défense géographique
La dentelle essaie de se protéger
Un nouveau label vient orner la dentelle. «L’indication Géographique» (IG) doit mieux protéger la dentelle tissée en France, et notamment celle des territoires historiques des métiers Leavers que sont : Calais et Gaudry. Décryptage.
Fragile et gracile, la dentelle de Calais-Caudry cherche à se protéger de la concurrence et de la «contrefaçon» asiatique. Depuis quelques années, la profession s’est fédérée autour d’un projet de reconnaissance géographique censée mieux défendre le «Made in France». «C’est en gestation depuis très longtemps à la Fédération Nationale des Dentelles et Broderie» explique Christelle Chambeurland, secrétaire générale d’Upitex et de la FNDB, «qui a cherché à mieux protéger sa marque. Comme la porcelaine de Limoges ou la Pierre de Bourgogne».
Le processus a fini par faire l’unanimité de la profession qui s’est réunie, en 2020, au sein d’une nouvelle association dédiée à ce chantier : IG Dentelle de Calais-Caudry. Seul le petit fabricant calaisien Storme manque à l’appel. «Les dentelliers de Calais-Caudry et les consommateurs doivent affronter les mêmes enjeux, ceux d’un marché confus qui rassemble des produits aux antipodes les uns des autres qualitativement, mais s’identifiant au même nom, la dentelle. L’appellation «Calais-Caudry» est porteuse de valeurs, d’un imaginaire, mais il est aussi, plus prosaïquement, un argument commercial dont dépendent prés de 1 000 emplois directs et indirects» expliquent les promoteurs de ce label.
Peu de clientes finales font la différence aujourd’hui entre une dentelle tricotée et une dentelle tissée dans leur lingerie ou leur vêtement. Pourtant, les dentelliers n’en sont pas à leur premier coup d’essai sur ce registre. Déjà en 1958, la marque «Dentelle de Calais» était déposée par la chambre syndicale des fabricants de Calais. Il aura fallu attendre la décennie 2010 pour que les fabricants Caudrésiens veuillent utiliser la marque, qui fut conséquemment renommée en «Dentelle de Calais-Caudry» et redéposée par la FFDB au printemps 2015 à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI).
Extension des moyens juridiques
Le dossier reprend les problématiques des dentelliers : absence de protection, spécifique et collective, réduction au droit commun comme «concurrence déloyale», «parasitaire», souvent difficile à démontrer ; «tromperie sur l’origine», «pratiques commerciales trompeuses». Selon les promoteurs de cette nouvelle appellation géographique, les règles de protection ne sont pas satisfaisantes, car la «spécificité et le savoir-faire lié à leurs produits ne sont pas couvert, ni la dimension patrimoniale». D’aucuns estimeraient que des métiers Leavers de leur concurrent japonais Sakae fabriquent aussi de la dentelle tissées souvent sur des dessins réalisés par des Calaisiens…
Ce label doit donner des arguments juridiques nouveaux que pourront brandir les dentelliers, mais aussi leurs clients lingers-corsetiers et ceux des secteurs de la robe et du prêt-à-porter. «Il y a aussi eu un travail de fond fait avec les Douanes dans le repérage, la saisie. Il y a une protection supplémentaire s’il y a des faits avérés» argumente encore Christelle Chambeurland. La dénomination «Dentelle de Calais-Caudry» couvre ces produits : bandes, galons, volants, entre-deux, laizes, échantillons pour présentation, mais également mantilles, voiles. La finition n’est pas comprise dans le périmètre au vu des filiales que détiennent certains fabricants de dentelle en Afrique du Nord. Pour autant, on peut s’étonner que la création (esquisse et dessins) ne soit pas comprise dans le périmètre géographique.