La Cour d'appel britannique rebat les cartes du transmanche

La mer ne reste jamais calme sur le détroit. La cour d'appel britannique a donné raison aux marins de la coopérative qui travaillent sur les navires d'Eurotunnel. Totalement inattendue, cette décision relance ou renverse le scénario de la vente des navires du transporteur ferroviaire au moment où de nouvelles offres arrivent sur le bureau de son PDG Jacques Gounon. Nouvelle vague...

« Didier Cappelle, président du Conseil de Surveillance de MFL devant le siège de la Commission de la concurrence britannique à Londres ».
« Didier Cappelle, président du Conseil de Surveillance de MFL devant le siège de la Commission de la concurrence britannique à Londres ».
CAPresse 2015

Didier Cappelle, président du Conseil de Surveillance de MFL devant le siège de la Commission de la concurrence britannique à Londres.

C’est un retournement de situation que personne n’attendait. La cour d’appel britannique, saisie par la Scop des anciens marins de SeaFrance – qui exploite, par délégation, les navires acquis par Eurotunnel et dont la commercialisation est du ressort de sa filiale MyFerryLink – vient de casser le précédent jugement qui interdisait (au 7 juillet prochain) à MyFerryLink d’aborder au port de Douvres… Jacques Gounon, PDG du concessionnaire du tunnel sous la Manche disait lors de sa dernière assemblée générale croire que la cour accepterait probablement les arguments de la Scop (diversité des opérateurs maritimes, absence de partage de fichiers commerciaux entre Eurotunnel et MyFerryLink, etc.) mais ne les qualifierait pas de «fondé à agir», MyFerryLink ayant déjà été déboutée. Cette décision est encore en cours d’analyse chez les principaux concernés. Elle changerait en effet la donne selon ses attendus (en cours de traduction) et les scenarii qu’elle ouvre : MyFerryLink et les 600 salariés de la Scop peuvent-ils continuer leurs traversées ? Il reste quelques jours à sa direction pour signer un nouveau contrat d’affrètement avec sa maison-mère propriétaire du Berlioz, du Rodin et du Nord-Pas-de-Calais. Dans ce cas de figure, Eurotunnel n’a plus besoin de vendre ses navires et tout redevient comme avant… Le groupe franco-britannique réaffirme sa présence au moment précis où il a engagé une bataille juridique contre la société des ports du détroit, concessionnaire des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer. Renforcée, l’entreprise pourrait pousser son avantage. Pour autant, cette victoire judiciaire est d’abord celle des marins de la coopérative qui ont réussi là où la direction de MyFerryLink, qu’elle vient en partie de débarquer, a échoué…

Quelles issues ? Et si Eurotunnel souhaitait tout de même sortir du maritime ? Ce n’est pas impossible mais cela ne ferait pas forcément les affaires de la Scop qui a déposé une offre de reprise des navires via une société d’économie mixte avec les collectivités volontaires. Cette solution qualifiée de roue de secours en cas de manque de candidat est-elle totalement écartée ? Les acteurs du dossier ne souhaitaient pas s’exprimer au moment où nous mettions sous presse. En effet, la Commission anglaise de la concurrence (à l’initiative de l’interdiction faite à MyFerryLink il y a deux ans pour une position dominante présumée sur le marché du Transmanche) a décidé elle aussi de faire appel ! Auprès de la même cour… Cette poursuite de procédure ne devrait pas entraîner une suspension de la décision favorable aux marins français. Pour autant, et dans la série des événements surprenant qui rythment ce dossier, il ne faut préjuger d’aucun retournement. En attendant, Eurotunnel va mettre à profit le temps – court – qu’il lui reste pour affiner sa conduite envers les candidats-repreneurs des navires. Jacques Gounon a déjà dit que si la décision de la justice lui permettait de poursuivre les traversées, le processus de vente s’arrêterait. Au grand dam de son principal concurrent DFDS. La mer n’a pas fini d’être agitée sur le détroit.