La Chambre d'agriculture accompagne les transitions technologiques

La Chambre d'agriculture de l'Aisne mène une veille accrue sur les nouvelles technologies. Aymeric Lepage, conseiller agroéquipement, est particulièrement en charge de ces questions et du sujet de l'agriculture de demain. Il apporte outils et conseils aux agriculteurs du département. Et invite à réfléchir aux prochaines mutations du monde agricole avec l'arrivée de la robotique à moyen et long terme dans les exploitations.

Aymeric Lepage, conseiller en agroéquipement à la Chambre d'agriculture de l'Aisne à Laon, travaille sur le sujet des nouvelles technologies.
Aymeric Lepage, conseiller en agroéquipement à la Chambre d'agriculture de l'Aisne à Laon, travaille sur le sujet des nouvelles technologies.

Picardie la Gazette : Comment la thématique de l'agriculture de demain est-elle prise en compte à la Chambre d'agriculture de l'Aisne ?

Aymeric Lepage : L'objectif de mon métier en ce qui concerne la partie conseiller en agroéquipement, est d'aller vers l'accompagnement des agriculteurs à la fois sur le sujet du matériel agricole mais aussi avant tout sur les nouvelles technologies agricoles. On parle du matériel mais aussi des plateformes logiciels, d'outils d'aide à la décision et puis de l'agriculture de précision. Ce dernier sujet, on le travaille beaucoup avec l'association Agriculture connectée en Hauts-de-France, une association qu'on a créé il y a maintenant 7 ans. Son objectif est de rassembler un certain nombre d'agriculteurs intéressés par les nouvelles technologies avec différents axes comme l'expérimentation en champ, la veille avec l'objectif d'avoir un temps d'avance sur tout ce qui sort et avoir des retours d'expérience sur ce sujet. Nous sommes par exemple allés à Toulouse à la rencontre de start-up qui travaillent sur le secteur agricole et nous avons visité le salon de la robotique.

Cette association est donc importante pour la chambre d'agriculture ?

Oui, elle est un peu notre laboratoire avancé. Nous essayons aussi avec cette association d'accompagner personnellement les agriculteurs sur l'utilisation de ces technologies. Par exemple, des travaux ont été entrepris sur le désherbage ciblé pour repérer des adventices sur une parcelle, ces travaux, nous les avons menés en expérimentation avec l'association. Et derrière, depuis trois ans, la chambre d'agriculture propose cette prestation à l'ensemble des agriculteurs du département.

Comment réagissent les agriculteurs à l'arrivée de ces nouvelles technologies ?

Comme pour toute innovation, on a les précurseurs, les suiveurs et puis les récalcitrants. Ce qu'on observe quand même, c'est une évolution progressive vers les nouvelles technologies. Il y a un certain nombre de freins qui étaient présents il y a dix ans qui ne sont plus présents ou beaucoup moins. L'un de ces freins était la compatibilité entre les matériels, à l'heure actuelle, il y a encore quelques soucis mais le plus gros est passé. Par contre, le frein qu'on retrouve encore est le coût d'investissement qui reste important et l'aspect formation. C'est pour cette raison qu'on propose des formations sur ces technologies, à la fois pour apporter des connaissances et faire évoluer l'agriculture vers quelque chose de plus intéressant sur le plan environnemental. Sur le désherbage ciblé par exemple, la technologie permet de réduire l'usage de produits phytosanitaires de l'ordre de 60 à 90%, ça n'est pas neutre.

L'aspect écologique se mêle à celui économique...

Tout à fait et le gros avantage de ces technologies, c'est qu'elles permettent un retour plus prononcé à l'agronomie. L'exemple pertinent est celui des outils d'aide à la décision qui vont permettre de prendre en compte un certain nombre de paramètres : la météo, le stade des cultures, les conditions du sol... Grâce à une modélisation, on va avoir un conseil qui va être donné à l'agriculteur. Ce conseil sera plus avisé et permet d'aider l'agriculteur à prendre la bonne décision dont il reste maître. On valorise les données à notre disposition pour les utiliser au mieux.

Aymeric Lepage veille sur les outils d'aide à la décision ou encore sur la robotique qui arrive et va arriver dans les exploitations dans les années à venir.


Quels autres outils essayez-vous de mettre en place pour les agriculteurs ?

Nous avons l'outil qui s'appelle MesParcelles, qui est un logiciel de traçabilité. Il permet aux agriculteurs d'avoir un outil de saisie de leur traçabilité mais aussi de vérification de conformité avec la réglementation. Il est lié aussi à d'autres plateformes de services comme la modulation intra-parcellaire c'est-à-dire apporter la bonne dose au bon endroit. On peut le faire sur les apports d'azote en récupérant des images satellites et derrière fournir un conseil adapté à la parcelle et à l'intérieur de celle-ci. Dans l'Aisne, on peut s'appuyer sur les données satellites mais nous avons la chance unique d'avoir accès à une carte des sols réalisée à partir des années 1957 et pendant 25 ans. Cette cartographie est toujours valable et a été numérisée donc elle peut être transformée en une carte de préconisation notamment en densité de semi. Cela permet d'adapter la densité de semi à l'intérieur de la parcelle en fonction du type de sol. Les technologies peuvent donc utiliser des ressources anciennes pour mieux les exploiter.   

Quelles vont être les prochaines évolutions du monde agricole ?

Sur la partie grande culture, c'est la robotique qui va arriver à moyen et long terme comme c'est arrivé dans l'industrie. Cela veut dire une reconfiguration totale de l'organisation des exploitations à la fois en termes d'organisation de main-d’œuvre mais aussi du parc matériel. On ne peut pas imaginer demain remplacer tous les tracteurs par un robot, cela se fera par rapport au niveau d'investissement et au niveau d'acceptation des agriculteurs. Cela reste des investissements coûteux, nous n'avons pas de retour sur l'efficacité ni sur la sécurité et la réglementation est floue sur la robotique. Si jamais il y avait un problème, ce serait la responsabilité de l'agriculteur comme avec les véhicules autonomes de Tesla qui restent à l'état d'études. Mais demain, il y aura des robots spécialisés sur des tâches précises comme le semi et le désherbage mécanique. Il y aura aussi les porte-outils qui vont être un matériel de traction qui vont remplacer le tracteur mais la différence, c'est qu'il n'y aura pas de chauffeur. Et l'autre évolution qu'on voit arriver pour les années à venir, c'est un ensemble robotisé avec à la fois un outil et un système de traction. L'outil sera également robotisé donc il y a une prise en compte totale des opérations et des réglages sur la machine. Ce serait une solution plus évoluée, plus intelligente.   

C'est une importante transformation à venir ?

Oui, bien sûr même si c'est à plus long terme. Il y aura toujours besoin des hommes sur les exploitations agricoles mais c'est une évolution qui arrive, il faut l'accompagner, l'anticiper, avoir de l'avance là-dessus. L'intérêt de discuter avec les constructeurs et les start-up comme on le fait, c'est que cela permet d'orienter un certain nombre de projets, de faire du lien entre constructeurs et agriculteurs pour faire évoluer certains matériels et répondre davantage aux besoins de l'agriculteur.