La «Belle du Pas-de-Calais» dopée par le tourisme

Jean-Claude Dissaux n’en fait pas mystère. Il veut amener dans sa ville un grand nombre de visiteurs. Le tourisme doit être un des leviers économiques de la «Belle du Pas-de-Calais», comme certains ont appelé la cité lyssoise. Le plan relief, à ses yeux, est un élément fort de cette ambition.

Olivier Huyghe présente la technologie Google
Olivier Huyghe présente la technologie Google

Il y a 370 ans… Sous Louis XIV, puis sous Louis XV, l’Europe occidentale est sans arrêt déchirée par des conflits récurrents entre souverains ambitieux, souverains parfois apparentés par la grâce d’unions de convenance. Les villes riches proches des frontières sont l’objet de convoitise. Il faut donc les protéger. C’est ainsi que Vauban va envelopper ces places fortes d’une ceinture de remparts ; c’est ainsi que l’on va réaliser d’innombrables et magnifiques plans-reliefs. Outre leur valeur esthétique, ces maquettes permettaient d’expliquer au roi la stratégie militaire sans qu’il ait à se déplacer sur les champs de bataille.

En 1745, Nicolas Nézot, militaire et… artiste, réalise le plan relief d’Aire. On sait ce qu’il advint de ces merveilles de grandes dimensions (le plan d’Aire, à l’échelle du 1/400, mesure 5,50 x 4,67 m) : elles étaient stockées sans autres égards aux Invalides. Pierrre Mauroy, alors Premier ministre, rapatria sur Lille plusieurs maquettes nordistes et belges, dont celle d’Aire-sur-la-Lys, en sommeil dans le sous-sol du musée des Beaux-Arts.

 

Une restitution dans la chapelle Baudelle ?

D.R.

Jean-Claude Dissaux entouré de Max Polonovski (à gauche) et Yves Le Maner (à droite).

Il n’est pas question de transporter l’œuvre originale à Aire : elle est en plusieurs parties et elle est composée de bois et de tilleul (structure et bâti), de papiers peints ou imprimés, de soie (pour les arbres). Autant de matériaux fragilisés par quatre siècles d’existence. Il s’agit en l’occurrence de réaliser une restitution à l’échelle 1/1 du plan relief airois.

Pour ce projet, il faut trois conditions : l’accord des instances du Patrimoine national, l’espace qui accueillera ce rectangle de 26 m² et la réalisation de cette restitution qui n’est pas une mince affaire, techniquement et financièrement parlant.

C’est pourquoi Jean-Claude Dissaux, maire et conseiller général, a réuni récemment, en l’hôtel de ville, Max Polonovski (directeur du musée des Plans-reliefs aux Invalides à Paris), Yves Le Maner (directeur à la Région de la mission histoire, mémoire et commémorations), Gérard Aubert et Jean Fournier, historiens airois émérites, et Olivier Huyghe, ingénieur infographe du cabinet Ingéo.

D.R.

Olivier Huyghe présente la technologie Google.

Max Polonovski adhère totalement au projet d’autant que la chapelle Baudelle sera le réceptacle rêvé pour accueillir la maquette. Restauré intérieurement et extérieurement, cet écrin réjouira les touristes. La restitution, elle, n’est pas évidente. Elle oblige à marier plusieurs technologies en raison de la taille et de la vétusté du «sujet» à reproduire, en raison aussi de l’exiguïté de la salle de travail, au sous-sol du musée lillois. La pédagogie et la facilité, chez Olivier Huyghe, à vulgariser des sciences complexes ont séduit. Pour mener à bien sa mission, il devra conjuguer la photomodélisation (numérisation par prises de vue rapprochées avec chevauchement) et la modélisation par lever au laser scanner. Il a présenté un film documentaire avec la technologie high tech 3 D  de Google utilisée pour l’exposition des plans-reliefs au Grand-Palais, en début de cette année.

 

Quel coût ? quelles retombées ? Quand on sait l’engouement suscité par l’exposition, au Grand-Palais, de plusieurs dizaines de plans-reliefs, on ne doute pas un instant du succès en la chapelle Baudelle, surtout avec les commentaires éclairés et passionnants de MM. Aubert et Fournier.

Le problème est bien celui du coût de l’opération. Yves Le Maner ne doute pas de l’aide financière de la Région, mais à quel niveau ? D’autant que la ville a déjà bénéficié des largesses régionales. Le chiffrage est en cours pour deux maquettes : l’une virtuelle qui permettra au visiteur de déambuler dans les rues de la cité en 1745, l’autre physique (en résine ?) pour le plaisir des yeux. Jean-Claude Dissaux compte aussi sur le mécénat d’entreprise pour que le projet aboutisse. On est trop près du but, la volonté communale est trop forte pour que le plan-relief d’Aire-sur-la-Lys, ou plutôt sa restitution, ne retrouve pas sa cité originelle.