La Brosserie Française, le pari gagnant du made in France
Seule brosserie de France, La Brosserie française a survécu à une liquidation judiciaire en 2012, grâce à l'audace et au pari ambitieux du made in France de son repreneur, Olivier Remoissonnet. En 12 ans, cet entrepreneur convaincu et engagé a réussi à faire renaître la marque de brosse à dents Bioseptyl, et la faire devenir la marque au plus faible bilan carbone du marché avec une fabrication écoresponsable et écocitoyenne, une marque française labellisée Origine garantie France et une marque très qualitative grâce au savoir-faire unique et ancestral, vieux de 180 ans. Ce modèle stratégique est aussi le symbole de la réindustralisation française : ce qui était une démarche à contre-courant hier, et aujourd'hui l'avenir de l'industrie.
Pourquoi avoir parié sur la fabrication française ?
À
la reprise, l'entreprise allait disparaître avec son savoir-faire,
et c'était la dernière. L'ironie du sort c'est que nous étions la
première brosserie en 1845 et la dernière en 2012, et entre temps,
une quarantaine de brosseries, de la Vallée du Thérain ont disparu.
Et ce parce qu'on a pensé que les objets du quotidien devaient être
confiés à l'atelier du monde, c'est-à-dire l'Asie, et le modèle
économique a donc été extrêmement bouleversé pensant que les
produits à fort renouvellement et les marchés de gros volumes
étaient par défaut les marchés de l'Asie. Mais nous avons voulu
démontrer que nous pouvions préserver les ressources, les
savoir-faire et nos économies circulaires tout en ayant une
fabrication française. Depuis, nous avons prouvé que finalement il
y a un chemin possible pour fabriquer des brosses à dents en France,
et sur le plan industriel, nous sommes les seuls en France à avoir
un outil doté et un savoir-faire industriel. Je fais partie de cette
génération qui a connu les vagues de désindustrialisation, donc
l'industrie qui délocalise. Mais j'ai toujours défendu que nous
pouvions faire de l'industrie autrement. Je me suis toujours battu
avec l'état d'esprit que ce n'était pas une fatalité et nous
pouvons défendre un autre modèle économique. Et nous avons
finalement doublé notre chiffre d'affaires.
Sur quoi repose votre modèle de fabrication ?
À
la reprise, l'objectif a été de fabriquer des brosses à dents
reposant sur trois piliers : le made in France,
l'écocitoyenneté, l'expertise. C'est-à-dire que si nous ne savons
pas fabriquer en France, nous ne faisons pas. C'est aussi être
conscient de l'impact environnemental de nos activités et du
produit. Enfin, la brosse à dents, avant d'être un produit
marketing, doit apporter de l'efficacité dans le brossage et cela
nécessite un savoir-faire de concevoir des têtes de brosses à
dents et d'implanter des filaments. Nous ne voulons pas concevoir des
brosses à dents françaises qui ne sont pas efficaces, mais qui
apportent le soin pour lequel elles sont promises et nous faisons en
sorte qu'elles aient le minimum d'impact environnemental. Ces trois
piliers habitent toutes les démarches que nous entreprenons dans
l'entreprise, tout en ayant gardé le savoir-faire ancestral. Le made
in France, c'est l'expression de nos savoir-faire, de notre
patrimoine industriel. Ce que je défends, c'est le savoir-faire des
opérateurs aux pieds des machines, les techniciens qui règlent les
machines, nos équipes commerciales et marketing qui ont l'amour de
nos produits. Derrière le made in France, c'est la
pluridisciplinarité de tous les métiers qu'on héberge dans une
PME.
Comment se traduit votre écoresponsabilité ?
Au-delà de fabriquer
des brosses à dents écoresponsables, nous avons fait en sorte
d'impacter notre consommation d'énergie. Depuis plus de dix ans,
l'usine est alimentée en énergie verte, issue de parcs éoliens et
hydroliens dans le but de ne pas utiliser de l'énergie fossile.
L'ensemble de l'usine est couverte en LED, de manière à faire
baisser notre consommation d'énergie. Nous avons aussi fait le choix
d'investir sur certaines machines qui étaient le moins énergivores
possible. Finalement, entre 2012 et aujourd'hui, nous avons divisé
par quatre notre consommation d'énergie. Pour le parc machines, nous
avons su le conserver en l'adaptant à nos produits et nous le
modernisons. Nous investissons dans des machines quand il y a des
sauts technologiques à faire, telle qu'une machine pour fabriquer
des manches en bois par exemple. Mais, sur l'ensemble du parc, nous
sommes capacitaires, donc nous ouvrons nos machines et nous les
transformons en fonction des marchés.
Il y a 12 ans, votre concept était à contre-courant et un combat ?
Il
y a 12 ans c'était non seulement à contre-courant mais nous
n'étions pas dans l'esprit de notre autonomie, de la relocalisation
et nous sortions de la période où le made in France n'était pas
vraiment reconnu : c'était le produit le plus cher et le moins
attractif. Nous avions un French bashing que nous nous affligions à
nous-mêmes. Et en 2012, il y a eu une cristallisation autour, sans
faire de politique, d'Arnaud Mautebourg qui enfile la marinière et
qui revendique que le made in France ce n'est pas ringard, il y a de
l'emploi, il y a des savoir-faire et il y a aussi des sucess stories
industrielles. Et en quelques mois, cela a donné un chemin inverse,
et nous pouvions travailler pour donner une autre image de marque au
made in France. Après 2012, le combat a été de changer l'état
d'esprit des consommateurs. Malheureusement, ce combat a été très
aidé par le contexte environnemental, où nous avons pu faire un
lien entre nos activités industrielles et l'état la planète. Et le
made in France est apparu, non plus comme une comparaison de prix par
rapport aux autres pays, mais le made in France est devenu une
possibilité de de réduire notre impact environnemental si nous
produisons localement.
Aujourd'hui, le combat demeure ?
Dans
la conscience des consommateurs, le chemin s'est fait très vite en
2012. Depuis, nous avons montré que c'est une réalité en faisant
nos bilans carbone : nous produisons entre trois et quatre fois
moins de carbone que les produits concurrents qui viennent d'Asie. Ce
cheminement a permis d'arriver à une certaine maturité. Le made in
France a donc grandi jusqu'à la période covid, à tel point que
tout le monde se disait que nous avions pris un chemin sur lequel
nous ne reviendrons pas en arrière. Quand le covid est arrivé, il a
renforcé cette idée d'appartenance à la planète et sur la
prudence quant à la manière dont nous faisons nos actes de
consommation. Mais la crise financière a ramené l'idée du combat
car, aujourd'hui, nous sommes obligés de nous battre dans une
situation où nous sommes confrontés une nouvelle fois aux pays qui
vendent moins cher, car les finances des consommateurs ne sont pas
extensibles. Par conséquent, cette situation a imposé une réalité
aux industriels : nous ne travaillons pas avec les mêmes enjeux
et les mêmes exigences. Et malgré tout, là où c'est le plus
désastreux, ça reste le moins cher. Aujourd'hui, nous revenons donc
à la notion de combat pour défendre notre idée que ce n'est pas
simple mais la voie de la sérénité pour nous et pour demain, c'est
de faire en sorte que nous ne consommons plus comme il y a 30 ans.
Nous continuons à avoir une dynamique liée à une
politique de prix où plus nous grandissons dans les volumes, plus
nous avons des prix accessibles. Le made in France, c'est ne plus se
contenter des niches que la délocalisation nous a laissés.
Aujourd'hui, je dis que ce temps est terminé, il faut revenir sur
les marchés de volumes, notamment sur les produits de grandes
consommation comme les nôtres, pour pouvoir investir, pour pouvoir
avoir de la croissance demain.
Quel est le profil de vos clients ?
Nous sommes dans le temps long. À
défaut de notoriété, nous nous sommes installés en 2012 sur le
digital, ce qui nous a permis de créer une communauté, qui a grandi
avec nos produits. Et aujourd'hui, nous sommes à 40 000 foyers que
nous livrons directement dans les boîtes aux lettres, qui achètent
leurs brosses à dents en direct d'usine, grâce à notre site de
vente en ligne bioseptyl.fr : elle permet de transformer le
concept de « Venez chercher à l'usine directement vos
produits ». Ce sont donc des gens engagés et conscients de
l'utilité de notre démarche. Et nous avons mis en place une formule
abonnement, qui est un système de renouvellement de brosse à
dents : tous les un, deux ou trois mois, les clients reçoivent
une nouvelle brosse à dents pour remplacer celle qu'ils utilisent.
Le made in France est un concept global. Ce système a permis de
faire connaître nos valeurs et ce que nous défendons comme idée du
made in France : d'avoir le temps de communiquer avec notre
communauté pour qu'ils comprennent nos éléments différenciants.
Puis, nous sommes allés vers les réseaux bio, et aujourd'hui nous
sommes leader avec 45% des parts de marché, avec 1 700 points de
vente. Ce n'est pas le réseau où nous vendons le plus de brosses à
dents mais c'est là où nous pouvons exprimer ce que nous sommes et
une expertise très aboutie de Bioseptyl.
Cet été, vous avez conquis la grande distribution. Pourquoi ce choix ?
J'ai toujours été convaincu sur le
fait que nous devons être là où les Français consomment.
L'entreprise avait besoin d'une certaine maturité pour arriver à
revenir dans le giron de la grande distribution. Et qu'il n'y ait
plus de produits made in France dans le linéaire des brosses à
dents dans les grandes surface, c'est une aberration, car on continue
d'entretenir l'idée qu'on a abandonné le rayon au « made in
ailleurs », en se disant « ce n'est pas pour nous, nous n'y
allons pas ». Donc, il nous a fallu du temps. Nous avons
travaillé, avec Bioseptyl, l'expertise du métier et l'exigence
jusqu'au bout de notre concept made in France, en réseau magasin et
en réseau digital. Nous avons donc créé un nouvelle marque Les
Vertueux, il y a deux ans. C'est une marque qui ne va pas jusqu'au
bout de l'expertise que l'on retrouve avec Bioseptyl, mais c'est une
marque qui a la vocation de revendiquer le made in France sur les
grands volumes. Nous voulons rendre accessible le made in France et
le réconcilier avec l'idée du pouvoir d'achat avec nos
consommateurs. Et depuis cet été, nous revenons en force dans les
grandes surfaces, avec notre nouvelle brosse à detns, Parti Prix, de
la gamme Les Vertueux. Cette brosse à dents a vocation de revenir
dans le linéaire de la grande distribution en apportant un marqueur
fort, avec l'expertise du made in France. En rayon, elle est à 0,99
centime d'euros. Et il y a eu un fort engouement depuis cet été :
cette brosse à dents se trouver chez Leclerc, Auchan et Carrefour.
En quelques mois, nous sommes donc passés de 400 à un peu moins de
2 000 points de vente. C'est donc revendiquer l'idée que nous nous
développons progressivement, il nous faut du temps pour arriver à
maturité de notre organisation industrielle. Pourquoi les
consommateurs de grande distribution n'auraient pas le droit à leurs
produits made in France dans les rayons ? Nous répondons par
l'affirmative.
Les volumes sont l'avenir du made in France ?
Nous avons fait le pari de lancer 500
000 brosses à dents, au départ sans contrat de distribution mais
simplement pour montrer que quand nous touchons les volumes, nous
avons la capacité d'avoir une économie d'échelle sur nos prix. Mon
rôle d'industriel et propriétaire de marque est de faire en sorte
de correspondre aux attentes du moment des consommateurs, qui sont
actuellement très contrariées par le pouvoir d'achat affaibli. Donc
nous prenons des paris et nous faisons en sorte que ces paris soient
au bénéfice de nos consommateurs. En lançant des gros volumes, les
prix se contractent vers le bas, ce que nous ne sommes pas en mesure de
faire sur les réseaux sélectifs. Les marchés de volumes sont une
autre manière d'aborder la relation avec nos consommateurs, en leur
disant : « Vous n'aviez plus le choix, maintenant vous
l'avez ». Et finalement, pour 0,99 centimes d'euro, est-ce que
cela ne perturbe pas un peu l'acte d'achat, en se disant que,
finalement, ma brosse à dents n'a pas fait 10 000 km et elle est
accessible dans mon magasin près de chez moi. Nous combattons l'idée
que le made in France est forcément plus cher... il faut renouer la
capacité avec les gros volumes. Et nous avons eu un très bon
accueil et un retour rapide des grandes surfaces. Quand il y a des
PME qui font des gros efforts, il y a une réponse positive de nos
distributeurs. À partir du premier trimestre 2025, nous lançons un
pack de quatre brosses à dents, à moins de trois euros, toujours
pour affirmer notre capacité à répondre aux demandes des
consommateurs.
Votre vision depuis 12 ans, c'est pour vous l'industrie du futur ?
Oui. La marque Bioseptyl incarne l'idéal de la brosse à dents et notre mode de consommation de demain. Et nous proposons, en grande surface, une alternative pour accompagner les consommateurs qui sont dans une autre démarche de consommation, avec le made in France. Je me revendique toujours comme un incubateur : nous incubons une entreprise qui va avoir 180 ans et ce que nous voudrions ce que soit demain l'industrie. Finalement, nous cultivons l'esprit du contre pied depuis 12 ans, et le fait que rien n'est une fatalité... donc cette idée d'incubateur nous reflète bien.
Des brosses à dents écoresponsables
Toutes les têtes de brosses à dents
sont fabriquées à base de filament végétal (70%), et les manches
sont répartis en trois segments, tous durables : avec des
manches en plastique recyclé, avec des manches en bois français
(issu de bois déclassé de la filière d'ameublement, souvent de
l'hêtre rouge), avec une tête interchangeable en plastique recyclée
et un manche fabriqué à base de déchets d'autres industries (anas
de lin ou coquilles Saint-Jacques).
Une démarche zéro déchets
Les brosses à dents Bioseptyl sont recyclables : chaque consommateur peut recevoir une enveloppe pré-affranchie pour renvoyer chaque brosse à dents usagées ou les mettre dans des urnes dédiées en magasin bio. Elles sont ensuite envoyer à l'usine pour les recycler en paillage (pour celles en bois) ou en mobilier urbain (pour celles en plastique). La Brosserie française recycle également les brosses à dents d'autres marques.