La BCE incitée à maintenir le statu quo sur ses taux

La Banque centrale européenne devrait prolonger jeudi son cap monétaire restrictif, incitée à rester prudente face au recul de l'inflation et à l'impatience grandissante des investisseurs...

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, le 26 février 2024 à Strasbourg © FREDERICK FLORIN
La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, le 26 février 2024 à Strasbourg © FREDERICK FLORIN

La Banque centrale européenne devrait prolonger jeudi son cap monétaire restrictif, incitée à rester prudente face au recul de l'inflation et à l'impatience grandissante des investisseurs de voir baisser les taux d'intérêt.

Le taux sur les dépôts, qui fait référence, devrait camper à son plus haut historique à 4%, comme depuis octobre.

Si le scénario d'une baisse des coûts d'emprunt courant 2024 fait consensus au sein du conseil des gouverneurs, la question est désormais de savoir quand et à quel rythme va s'enclencher ce nouveau cycle.

Depuis la réunion de la BCE au début de l'année, l'inflation a poursuivi son reflux mais à petit pas, revenant à 2,6% sur un an en février, selon Eurostat. 

La présidente de l'institution, Christine Lagarde, pourrait réitérer jeudi son message délivré début mars devant le Parlement européen: le processus de désinflation "devrait se poursuivre" dans les prochains mois, mais les gardiens de l'euro veulent s'assurer qu'il permette d'"atteindre durablement" l'objectif de 2% que la BCE s'est fixé.

Le recul de février était ainsi un petit peu moins marqué que ce qui était anticipé par plusieurs analystes.

Inflation plus hésitante

Scrutée par les marchés financiers et la BCE, l'inflation dite sous-jacente, c'est-à-dire sans les prix très volatils de l'énergie et de l'alimentation, a ralenti en février à 3,1%, contre 3,3% en janvier. 

Après avoir été divisée par trois entre le record de 10,6% atteint en octobre 2022 et l'automne 2023, l'inflation évolue de façon plus hésitante.

La BCE attribue les succès d'étape à sa campagne de resserrement monétaire sans précédent menée à partir de juillet 2022 pour maîtriser la flambée des prix causée par la guerre russe en Ukraine. En augmentant les coûts d'emprunt à un rythme inédit, la demande de crédits a été freinée, affectant la consommation et l'investissement des entreprises comme des ménages.

Le revers de cette politique: l'économie de la zone euro stagne depuis près d'un an et demi. 

Le pire semble toutefois évité. Si l'Allemagne est engluée dans un ralentissement durable, "l'économie de la zone euro dans son ensemble a évité la récession", remarque Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank. 

De quoi conforter la BCE de ne pas précipiter la baisse des taux. Les marchés financiers espéraient qu'elle interviendrait dès avril, ils misent désormais plutôt sur juin.

Nouvelles projections

Les gardiens de l'euro se réunissent avant la Fed qui tranchera sur ses taux les 19 et 20 mars. La banque centrale américaine dégainera-t-elle la première ?

Son président Jerome Powell s'est montré prudent mercredi jugeant prioritaire d'éviter un rebond de l'inflation, car la poursuite des progrès sur ce front "n'est pas assurée".

La BCE va quant à elle disposer jeudi de projections économiques actualisées. Une légère révision à la baisse est attendue pour cette année concernant le PIB de la zone euro et sur un horizon plus large pour l'inflation, car les chocs sur les prix de l'énergie et des denrées alimentaires déclenchés par l'invasion russe de l'Ukraine se sont atténués.

Les attaques des rebelles yéménites contre les navires de la mer Rouge, conduisant les compagnies maritimes à contourner cette route vitale, n'ont pas encore d'impact palpable sur les prix.

Chez les banquiers centraux, les inquiétudes se sont déplacées sur l'inflation dans les services et sur les évolutions des salaires.

Après trois ans durant lesquels les prix ont grimpé plus vite que les salaires, un rattrapage s'effectue au fil des négociations sociales dans les entreprises et branches professionnelles, ce qui risque de compliquer la donne pour la BCE.

Combinée à une productivité faible en zone euro, la hausse des salaires pourrait faire repartir l'inflation, du moins freiner son repli, selon Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE.

Aussi, "il n'est pas impossible que la BCE attende la fin de l'été avant de baisser ses taux", conclut Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank.

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