Retour sur la 4e édition du Forum européen de l'industrie automobile

L’industrie automobile prend un nouveau virage !

Acteurs majeurs de la filière et experts du marché étaient réunis à Lille, les 22 et 23 septembre, pour la 4e édition du Forum européen de l'industrie automobile. Deux jours d’échanges autour du thème de l’industrie automobile de demain et de ses enjeux avec notamment la transition énergétique, la crise sanitaire, la pénurie mondiale de semi-conducteurs… Décryptage avec Luc Messien, délégué général de l’ARIA Hauts-de-France, et Romain Gilet, manager IHS Markit.

Manager IHS Markit, Romain Gilet explique en partie la pénurie de semi-conducteurs par les mesures sanitaires prises en Malaisie.
Manager IHS Markit, Romain Gilet explique en partie la pénurie de semi-conducteurs par les mesures sanitaires prises en Malaisie.

Il faudra encore patienter pour voir le marché automobile français retrouver son niveau d’avant la crise. Selon les derniers chiffres de la Plateforme automobile (PFA) représentant les constructeurs français, 88 000 véhicules particuliers neufs ont été commercialisés en août dernier, portant à 1,12 million le nombre d'immatriculations depuis janvier, soit une baisse des de 32% en comparaison au mois d’août 2019 et de 23% sur les huit premiers mois de l’année.

Un reprise attendue en 2023

Le marché 2021 est ainsi équivalent à la période 2013-2014 où les ventes de voitures neuves traversaient une période difficile, du fait notamment de la pénurie de semi-conducteurs à laquelle doivent faire face aujourd'hui les constructeurs automobiles. «La demande est plus importante que l’offre, du fait notamment de la pénurie de composants, explique Luc Messien. C’est une crise mondiale, qui touche autant les Etats-Unis et l’Allemagne que la France. Nous sommes dans la moyenne mondiale en termes de conjoncture, et l’ensemble des constructeurs est concerné, surtout les usines ayant une cadence de production importante.» 

Invité par les organisateurs du Forum européen de l'industrie automobile pour partager son analyse de la situation, Romain Gilet explique en partie cette situation délicate par les mesures sanitaires prises en Malaisie, l’un des principaux producteurs de composants dédiés à l’industrie automobile mondiale, pour freiner l’épidémie de Covid-19. «Le rattrapage du retard n’est pas attendu avant 2023 puisque les stocks sont aujourd’hui vides… C’est une crise plus durable que l’on ne l’aurait imaginé.»

Dans les Hauts-de-France, territoire majeur pour l’industrie automobile hexagonale avec 36 000 emplois directs et indirects, les sites de production ont été fortement impactés par la rupture d’approvisionnement de composants semi-conducteurs. Prévu initialement le 23 août après trois semaines de congés d’été, le redémarrage de l’usine Toyota Motor Manufacturing France d’Onnaing, en périphérie de Valenciennes, a été ainsi décalé au 13 septembre faute de pièces en quantité suffisante pour une reprise de la production des Yaris et Yaris Cross. Des temps de formation et de développement des opérateurs ont été planifiés sur cette période par la direction du site. En toile de fond, les délais de livraison aux clients ont été allongés, ce qui ne fait l’affaire de personne, à l’exception des acteurs du marché de l’occasion qui tend à remonter plus rapidement la pente.

60% de véhicules électriques en 2030

Malgré ces difficultés conjoncturelles engendrées par la crise sanitaire, l’optimisme reste de mise quant à l’avenir de la filière. Avec un enjeu majeur : la transition énergétique. «Face au nouveau contexte réglementaire en termes de pollution, tous les fabricants ont élaboré une stratégie à court et moyen terme pour se positionner dans la course à l’électrification», développe Romain Gilet, faisant référence notamment à la Gigafactory ACC de Douvrin (co-entreprise de Saft et Stellantis dont la production devrait débuter en 2023). 

«Selon nos prévisions, l’électrique devrait représenter 60% des ventes de véhicules neufs en 2030. La production européenne devrait évoluer en conséquence avec 50% sur l’électrique, 37% sur l’hybride et 13% sur le thermique à destination des marchés hors Europe.» Quant à l’hydrogène, «il fera partie du mix énergétique, mais différents challenges doivent être relevés pour que la technologie soit rentable et véritablement verte». Une énergie qui, selon l’expert, devrait davantage s’adresser, dans un premier temps, aux transports collectifs, bus et trains.

La région est au centre de la mutation du marché. Et sur la dernière décennie, 5 Md€ ont été investis par les acteurs de la filière pour réussir le virage de la transition énergétique… et maintenir l’emploi. «Nous sommes bien lotis, assure Luc Messien. Jamais autant de moyens n’ont été alloués pour être au rendez-vous. Industriellement, nous sommes prêts. Mais une inconnue demeure : l’acceptation du marché. Il y a un retard national quant au déploiement des bornes de recharge, une réticence dans les logements collectifs... Et l’industrie automobile doit également être en capacité de réduire le prix des véhicules électriques, en particulier le prix des batteries. Le marché bénéficie du poids des subventions pour l’acquisition d’un véhicule électrique ou hybride, mais cela se compliquera lorsque le consommateur ne pourra plus obtenir ces aides directes.» Et d’ajouter : «Il y a encore des incertitudes sur l’hydrogène, mais la filière ne doit pas se bloquer sur une seule piste.»