L'immobilier à l'épreuve du choc politique
La Fnaim redoute les conséquences de la crise politique sur un marché de l'immobilier qui a subi une forte baisse des prix et des volumes depuis un an. Elle maintient néanmoins sa prévision d'une stabilisation autour de 800 000 transactions cette année.
« L'annonce de la dissolution a été un séisme, y compris dans nos rangs », a déclaré Loïc Cantin, président de la Fnaim, Fédération nationale de l'immobilier. La conférence de presse « le logement pris en flagrant défi », tenue le 12 juin à Paris, devait être consacrée à la conjoncture du secteur et à la politique du logement. Son déroulé a été largement bouleversé par l'annonce de la dissolution de l'Assemblée Nationale par Emmanuel Macron, trois jours plus tôt. « Les crises politiques se sont souvent traduites par des crises financières, lesquelles amènent des crises du logement », a prévenu Loïc Cantin, rappelant que le taux de l'OAT 10 ans -taux d'emprunt d’État - avait bondi après l'annonce de la dissolution. Avec pour conséquence possible une hausse des taux d'intérêt qui pourrait se répercuter sur ceux des crédits immobiliers. « Cela fragiliserait les plans de financement des ménages », met-il en garde.
En plus des inquiétudes qu'elle suscite pour l'activité des mois prochains, la dissolution de l’Assemblée a aussi des conséquences immédiates. « Tous les projets de loi sont suspendus jusqu'aux prochaines élections législatives. Le travail sera à reprendre », se désole Loïc Cantin. La Fnaim attendait, en effet, l'issue de plusieurs textes contenant des mesures qu'elle portait. Comme la proposition de loi de Damien Adam déposée en mai, concernant la portabilité des prêts immobiliers qui permettrait aux emprunteurs d'acheter un nouveau bien avec leur ancien crédit. Autre texte très attendu, celui porté par Guillaume Vuilletet, destiné à lever l'insécurité juridique pesant sur les propriétaires bailleurs de logements loués classés G à compter du 1er janvier 2025. La Fnaim redoute que les propriétaires concernés ayant loué leur bien avant cette échéance ne soient pénalisés. Seule bonne nouvelle, en janvier dernier, un amendement, auquel tenait la Fnaim, a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement. Il prévoit que dans les copropriétés, les votes en assemblée générale ne puissent pas engager de lourds travaux de rénovation sans l’accord d’une majorité des copropriétaires.
Dans les semaines qui viennent, la campagne des législatives sera-t-elle à nouveau marquée par un « grand désert sur la politique du logement ?» , interroge Loïc Cantin. A l'heure où groupes et partis politiques élaborent leurs programmes, le président de la Fnaim a énuméré les principales propositions portées par la profession (en plus de celles contenues dans des textes restés en suspend avec la dissolution). Et aussi, il a réitéré une mise en garde déjà faite au précédent gouvernement. En matière de rénovation énergique, « il va falloir être pragmatique », a prévenu Loïc Cantin. En cause, la faisabilité du calendrier qu'impose la loi Climat et résilience, en matière de rénovation énergétique des logements. L'équation est irréaliste, plaide la Fnaim : 4,6 millions de logements en France classé F et G à rénover d'ici 2028 représentent 190 milliards d'euros de travaux en 3,5 ans, soit 55 milliards par an, alors que le chiffre d'affaires de la filière entretien-amélioration du logement s'élève à 53 milliards d'euros.
Baisse des prix et des volumes
L'incertitude engendrée par la dissolution s'abat sur un marché immobilier dont la situation demeure « extrêmement préoccupante » à la fin du premier semestre 2024, selon la Fnaim. « 2024 a été l'année de la baisse des volumes et de la baisse des prix », a résumé Loïc Cantin. Fin mars, la Fédération a enregistré une baisse des ventes de 23% sur 12 mois glissants, avec 822 000 actes signés. « Nous n'avons jamais connu de baisse aussi brutale et aussi forte », a souligné le président de la Fnaim. Les ventes ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2016, au terme de deux ans d'une baisse qui devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année. Parmi les ressorts qui expliquent cette évolution, la chute spectaculaire de la production de crédits immobiliers : en mars dernier, elle a atteint 8,7 milliards d'euros, contre 26,6 milliards en mai 2022, soit une division par trois en deux ans. « Il existe une corrélation évidente entre la baisse des volumes de ventes et celle des crédits », a rappelé Loïc Cantin.
Un petit rebondissement de la production de crédits a toutefois été constaté depuis le début de l'année, stimulé par la baisse des taux de crédit, passés de 4,21% en décembre 2023 à 3,73% en mai 2024.
Autre baisse record, enregistrée par la Fnaim, celle des prix. Au niveau national, ils ont perdu 3,8% en un an, la plus forte chute depuis 15 ans. Dans les grandes villes, et tout particulièrement celles qui avaient connu des hausses de prix, la baisse se poursuit ( Paris -7,7%; Bordeaux - 8,1%; Nantes -11,2 %, sur un an ). Mais elle s'est répandue à tous les types de territoires, jusqu'alors épargnés : les stations balnéaires ( -3%), les stations de ski (- 2,3%), les communes rurales (-2,8%). Seules deux villes affichent des prix en hausse : Caen ( +2,2%) et Mulhouse ( + 3,1%) .
En termes de produits, le prix des appartements a baissé de 4,1% pour atteindre 3 675 euros le m2, et celui des maisons, de 3,5% pour atteindre 2 337 euros le m2. Conséquence de cette conjoncture difficile, le secteur de l'immobilier a subi une forte hausse des défaillances d'entreprises, selon la Fnaim. Sur les douze derniers mois, une agence immobilière sur 24 et un administrateur de biens sur 110 ont fait faillite, soit des hausses respectives de + 112 % et + 35 %.
Quelle évolution dans les mois qui viennent ? L’exercice de la perspective, déjà délicat, devient particulièrement ardu dans le contexte d'incertitude politique. La Fnaim a choisi de maintenir ses prévisions pour 2024 avec un « atterrissage » cette année à 800 000 ventes. En effet, « le pouvoir d'achat immobilier des Français commence à se reconstituer », estime Loïc Cantin. Stabilisation des taux d'intérêt, baisse des prix de l'immobilier et augmentations de salaires devraient encourager le marché et permettre cette stabilisation. « A condition que les paramètres économiques ne varient pas », prévient Loïc Cantin.
L'inconnu du RN
« La seule chose que nous n'accepterons pas, c'est la préférence nationale en matière d'attribution du logement », a annoncé Loïc Cantin, à propos du positionnement de la Fnaim vis-à-vis du RN, Rassemblement National. En 2022, la Fédération a signé un partenariat avec SOS Racisme pour lutter contre ces pratiques discriminatoires.