L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de la Cour de cassation en matière de droit du travail.
Convention
collective
Une
convention collective, si elle manque de clarté, doit être
interprétée comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant
la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte
législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant
la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif
social du texte. (Cass. soc., 2 octobre 2024, pourvoi n°
22-21772)
Rémunérations
Le
délai de prescription des salaires court à compter de la
date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les
salariés payés au mois, la date d’exigibilité correspond
à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans
l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au
mois considéré. (Cass. soc., 2 octobre 2024, pourvoi n° 23-15636)
Sanctions, licenciements
Dans
cette affaire, un salarié est licencié pour faute grave pour des
prestations fictives, remboursement de frais professionnels
injustifiés, implication dans une société tierce, comportement
déloyal et... envoi de courriels contenant des images et des liens à
caractère sexuel. Le salarié avait, en effet, entretenu une
correspondance électronique avec un subordonné et des personnes
étrangères à l'entreprise, à partir de l'outil informatique mis à
sa disposition pour son travail. Ces messages à caractère privé
avaient une connotation sexuelle avérée, mais ne constituaient pas
des faits de harcèlement sexuel. Il s'agissait d'envois de blagues
sexistes (de très mauvais goût) et de photos pouvant être
considérées comme pornographiques qui ne ciblaient personne en
particulier. Le licenciement est jugé nul pour atteinte à la vie
privée. (Cass. soc., 25 septembre 2024, pourvoi n° 23-11860)
Les
documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise
mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu’il les identifie comme
étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de
sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. En
l’espèce, dès lors que les documents litigieux découverts par
l’employeur sur le bureau du
salarié provenaient de sa messagerie personnelle -
donc identifiés
comme personnels-, l’employeur ne pouvait y accéder et les
appréhender hors la présence du salarié : la cour d’appel
aurait dû en déduire que la preuve de la faute qui lui était
reprochée avait été obtenue de manière illicite. (Cass.
soc., 9 octobre 2024, pourvoi n° 23-14465)
La
faute grave est celle qui rend impossible le maintien du
salarié dans l’entreprise. Dès lors que le salarié, licencié
pour faute grave par lettre du 22 décembre, a poursuivi son travail
dans l’entreprise jusqu’au 31 décembre, il en résulte que
l’employeur a considéré que les faits invoqués n’excluaient
pas son maintien dans l’entreprise et n’étaient donc pas
constitutifs d’une faute grave. (Cass. soc., 9 octobre 2024,
pourvoi n° 22-19389)
Dans
cette affaire, les paroles imputées à la salariée protégée
ont été tenues par celle-ci au cours d’une discussion de nature
privée entre collègues, sur leur temps de pause, et non pas dans
l’exercice de son mandat syndical, et ces propos n’étant ni
diffamatoires ni injurieux ou excessifs, aucun abus à la liberté
d’expression n’est caractérisé : le blâme notifié à
la salariée doit être annulé. (Cass. soc., 9 octobre 2024, pourvoi
n° 23-14770)
Le
fait pour le salarié de n’avoir pu être joint en dehors des
horaires de travail sur son téléphone portable personnel est
dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une
sanction disciplinaire. (Cass. soc., 9 octobre 2024, pourvoi n°
23-19063)
Santé
au travail
La rupture du contrat de travail pour inaptitude est dépourvue de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée. (Cass. soc., 9 octobre 2024, pourvoi n° 22-11828)