L'eau, « c'est l’affaire de tous »

Organisées par la préfecture et le Département de la Somme, les Assises de l’eau ont réalisé un focus sur l’urgence à protéger cette ressource et sur les bonnes pratiques déjà en cours.

Rollon Mouchel-Blaisot et Stéphane Haussoulier. (c)Aletheia Press/DLP
Rollon Mouchel-Blaisot et Stéphane Haussoulier. (c)Aletheia Press/DLP

« Les politiques publiques sont, de façon générale, trop cloisonnées. Il est difficile d’avoir une approche intégrée. Nous avons donc souhaité jeter les bases d’un diagnostic commun autour de ce sujet essentiel qu’est celui de l’eau », déclare Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme en ouverture de ces Assises de l’eau à Amiens, ce 26 avril. Avec cet événement, le représentant de l’État entendait aborder tous les sujets, du captage en passant par les rejets dans la mer, la frugalité ou l’usage des industriels. « Nous ne devons pas avoir un discours catastrophiste ni nous orienter vers une solution unique. Nous devons cheminer ensemble, collectivités, acteurs économiques, habitants pour éviter un décrochement démocratique », ajoute-t-il à l’adresse des élus venus en nombre à ce rendez-vous inédit.

De son côté, Stéphane Haussoulier, président du Département, a insisté sur le besoin de faire évoluer les pratiques et cela de façon collective. « Dans la Somme, il serait facile de croire que l’eau ne manque pas, mais nous avons déjà eu, à plusieurs reprises, des arrêtés pour limiter l’utilisation de cette ressource », pointe-t-il. Il évoque également la nécessité d’anticiper les difficultés prochaines et d’investir dans la durée. « La préservation de l’eau est l’affaire de tous, nous devons fournir des efforts, collectivités comme consommateurs »,conclut-il.

Quels scénarios climatiques ?

Si les effets du dérèglement climatique se font déjà sentir, impossible à ce jour de prédire ce qui se produira à la fin du siècle. Météo France travaille donc sur différents scénarios pour anticiper les futures trajectoires climatiques. « Les moyennes vont changer, tout comme les extrêmes », assure Jean-Marc Pietrzark, directeur inter-régional Nord de Météo France. « D’ici la fin du siècle, il est probable que le réchauffement climatique sur le globe soit de l’ordre de 3 degrés. En France, nous serons plutôt à 4 degrés », poursuit-il.

Lors des Assises de l’eau, à Amiens ce 26 avril. (c)Aletheia Press/DLP

Un changement qui entraînera une modification profonde du cycle de l’eau et des saisons. « Dans les Hauts-de-France, les projections prévoient environ +10% de pluie. Mais celle-ci aura une importante variabilité : Les précipitations en hiver pourraient être plus importantes, de l’ordre de +25 à 30%, et moindres en été, entre -10 et -15% », détaille l’expert. Ce dernier insiste : si l’on peut avoir le sentiment que le département sera préservé, ce n’est pas le cas. D’ici la fin du siècle, le territoire comptera un mois supplémentaire considéré comme sec.

Anticiper les changements

Particulièrement concernés par la préservation des ressources, les acteurs de l’agro-alimentaires, comme Bonduelle, font évoluer leurs modèles et méthodes de production. « Notre groupe possède quatre usines en Hauts-de-France, ce qui représente 20% de son activité. Nous travaillons avec 1 150 agriculteurs dont 95% sont installés dans la région », détaille Christophe Vieillard, directeur agronomie des Hauts-de-France au sein de Bonduelle. L’entreprise, fondée il y a 170 ans, transforme des légumes de pleins champs et se trouve donc directement impactée par les conditions météorologiques. « En 2022, les arrêtés de limitation de l’eau sont tombés au moment où l’on en avait besoin pour la culture des haricots verts, beurres et des flageolets. Ce sont des légumes qui ne demandent pas beaucoup d’eau mais qui sont très sensibles aux risques hydriques », précise Armand Frassaint, agriculteur installé dans l’est de la Somme et représentant de l’une des deux associations de producteurs qui approvisionnent le site Bonduelle d’Estrée-Mons. 

Un an plus tard, les agriculteurs ont été confrontés à une situation identique. « Même si nous étions dans les clous dans la gestion de l’eau, la moitié des producteurs s’est retrouvée à faire des arbitrages complexes. D’où la nécessité de mener un travail de fond sur le raisonnement de l’irrigation, la sélection variétale, la préservation des sols ou encore la non-concentration des légumes sur un même territoire », note Christophe Vieillard.