L’innovation régionale reconnue par la Commission européenne
La Commission européenne a récemment publié deux rapports présentant un état des lieux de l’innovation de l’Union européenne. Excellente nouvelle pour la région : nous gagnons un échelon en passant de la position de “moderate innovators” à celle d’“innovation followers”, alors que la situation nationale stagne.
Depuis dix ans, le Nord-Pas-de- Calais consacre en moyenne 0,83% de sa recherche à l’innovation, se rapprochant ainsi des niveaux de performances de ses voisins transfrontaliers : la Wallonie, la Flandre ou encore les Pays-Bas. La Commission européenne a souligné notamment deux points forts : le pourcentage de la population disposant d’une éducation supérieure et la part des dépenses d’innovation non liées à la R&D. Pierre de Saintignon, 1er viceprésident du conseil régional Nord-Pasde- Calais chargé du développement économique et de la formation permanente, revient sur ce classement, signe que la politique de fonds de soutien à l’innovation commence à porter ses fruits.
La Gazette. Au vu des bons résultats de la région concernant l’innovation, pouvez-vous nous dire si certains secteurs d’activité sont plus innovants que d’autres ?
Pierre de Saintignon. L’ambition du Nord-Pas-de-Calais dans le cadre de la Stratégie recherche innovation (SRI) pour une spécialisation Intelligente (2014-2020) est de positionner la région dans la compétition mondiale au profit du développement de l’économie et de l’emploi par le vecteur de la recherche et de l’innovation. Elle se détermine par l’intensification et l’adaptation de la Stratégie régionale innovation (2009- 2013), dans une volonté partagée et réaff irmée de faire du Nord-Pas-de- Calais une grande région économique en Europe, innovante, durable et solidaire. Cela implique de continuer la mutation profonde du Nord-Pas-de-Calais vers une économie de la connaissance, basée sur les compétences et les savoir-faire de ses habitants, l’excellence de ses formations et de sa recherche, l’efficacité et la clairvoyance de ses entreprises, les dynamiques partenariales et une appropriation collective des enjeux de la transition énergétique. Six domaines d’activités stratégiques ont été identifiés comme des sources de développement économique pour la région : “Transports et écomobilité”, “Santé et alimentation”, “Ubiquitaire et Internet des objets”, “Chimie, matériaux et recyclage”, “Images numériques et industries créatives”, “Energie”. Parmi eux, les secteurs du numérique, du textile technique, de l’agroalimentaire et de la santé sont jugés comme les plus innovants en région, au regard du nombre de dossiers soutenus.
Comment expliquer la progression du Nord-Pas de Calais dans le Scoreboard Innovation européen 1 ?
L’évolution positive de la région Nord- Pas-de-Calais – seule région française dans ce cas – s’explique principalement par deux facteurs. Le premier : le taux de la population en âge de travailler ayant reçu une éducation supérieure. La présence sur le territoire de 7 universités et de 28 grandes écoles nous permet de proposer aux entreprises des compétences avancées, en matière d’innovation technologique bien entendu, mais pas uniquement : dans de nombreux autres domaines, en particulier dans les secteurs de services. L’innovation dépend d’un large éventail de compétences. Cette forte concentration d’établissements de l’enseignement supérieur, dont certains sont d’excellente réputation, est véritablement une spécificité régionale. Il faut d’ailleurs rappeler que l’académie de Lille est la 3e de France en nombre d’étudiants, derrière l’Ile-de-France et Rhône-Alpes, avec plus de 160 000 étudiants, qui sont autant de futurs ambassadeurs des savoir-faire de notre région.
Et le second ?
Les investissements en innovation non liés à la R&D. C’est la reconnaissance que l’innovation ne vient pas nécessairement de la recherche ! Or – et c’est une autre spécificité de notre région –, notre économie se caractérise par une forte activité dans le numérique, les logiciels, la nutrition-santé, autant de domaines liés aux services et qui échappent pour une large part aux brevets ou à la recherche… Nous aurons gagné lorsque les dépenses de marketing seront prises en compte dans les indicateurs d’innovation, et pas seulement les dépenses liées à la recherche ou le nombre de brevets déposés. Mais au-delà de ces deux indicateurs, ce nouveau classement est surtout le fruit d’un travail de longue haleine dont on peut situer symboliquement le point de départ en 1998, lorsque la région a bénéficié d’un programme RITTS (Regional Innovation and Technology Transfer Strategy) financé par la Commission européenne.
En quoi consiste-t-il ?
Ce programme nous a permis de dresser l’état des lieux de nos dispositifs d’appui et du potentiel d’innovation régionale. Ensuite, l’adoption du Programme régional de l’innovation nous a permis d’inscrire pour la première fois l’innovation au coeur du contrat de plan Etat- Région. Puis, dans le cadre du Schéma régional de développement économique (SRDE), a été mise en place la Stratégie régionale d’innovation suivie aujourd’hui par la Stratégie de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente. Au fil de ces dernières années, nous avons donc structuré l’écosystème régional autour de six domaines d’activités stratégiques qui s’appuient sur des sites d’excellence dans toute la région : Technopole mer à Boulogne (ressources aquatiques), pôle énergie à Dunkerque (avec Innocold), Transalley à Valenciennes (écomobilité et transport), plate-forme Euralogistic à Dourges, la plate-forme agroalimentaire à Arras, les écoactivités à Loos-en-Gohelle, et bien sûr les sites de la Métropole : Euratech (ubiquitaire), Eurasanté, la Haute-Borne (chimie matériaux), la zone de l’Union avec la Plaine Images, le CETI (matériaux).
Quel est le montant que le Nord-Pasde- Calais consacre à sa politique d’innovation ?
A cela il faut ajouter 200 M€ provenant des fonds FEDER en soutien à la politique d’innovation dans la région. L’année 2013 est effectivement la meilleure des dernières années en matière d’aide à l’innovation. D’autant plus que les fonds FEDER n’étaient pas mobilisables cette année. Et 2014 devrait supérieure du fait des fonds FEDER à nouveau disponibles. Pour mémoire, en 2013, 173 projets d’innovation ont été soutenus et 935 entreprises ont été visitées.
Comment les acteurs de l’innovation aident-ils les entreprises à entrer dans cette démarche ?
L’offre de services proposée est riche mais évite les redondances. Elle concerne bien entendu l’accompagnement au financement de projets, mais aussi l’appui au montage de projets, notamment lorsqu’il s’agit de répondre à des appels à projets nationaux ou internationaux. Le soutien des acteurs de l’innovation s’effectue sur le long terme avec, notamment, la mise à disposition d’informations qualifiées, comme dans le cadre de l’observatoire des marchés du futur pour anticiper les tendances à venir. Le soutien à l’innovation est une démarche sur le long terme !
1. Il s’agit de l’un des deux rapports de la Commission européenne qui s’intéresse aux résultats des régions en matière d’innovation (Regional Innovation Scoreboard 2014).