L’Escale : plongée dans les coulisses de la gare d’Amiens
Entrer dans une gare, acheter un billet et prendre le train sont des gestes banals, voire quotidiens pour beaucoup. Mais que connaît-on vraiment du fonctionnement d’une gare et des hommes et femmes qui y travaillent ? Rencontre avec le personnel de l’Escale HautePicardie de la gare d’Amiens...
Selon le site Internet de la SNCF, l’Escale est « présente dans la plupart des gares de France ». Ces agents doivent « assurer aux voyageurs et à tous ceux qui transitent en gare que leur voyage se passera au mieux ». Jean-Baptiste Ripoll, adjoint du dirigeant de l’unité opérationnelle Escale Haute Picardie, en donne une définition plus précise : « Ce que l’on appelle les produits “Escale” se divisent entre le service et la production. Cela va donc de la formation des trains au départ de ces derniers, en passant par l’accueil et l’information des voyageurs. C’est un maillon important voire capital dans le fonctionnement d’une gare. » La Picardie est divisée entre deux grandes unités opérationnelles. L’une d’elle, l’Escale Haute Picardie – dont le centre opérationnel est à Amiens -, couvre les gares de la Somme et de l’Aisne : Abbeville, Amiens, Longueau, Saint- Quentin, Busigny, Laon, la gare TGV Haute Picardie et Tergnier.
La production
Tout commence par la formation des trains. Pour ce faire, l’étape première est ce que l’on appelle le bouclage des ressources. « Le gestionnaire de ressources va rechercher un contrôleur, un conducteur et du matériel selon un planning bien défini, témoigne Jean-Baptiste Ripoll. Ce sont pour le contrôleur, l’établissement commercial du train et pour le conducteur, l’établissement de traction qui réalisent ces plannings, ce que nous appelons les roulements de matériel et de personnel. Cela se fait au moins six mois à l’avance, une fois les horaires de train fixés. C’est une logistique extrêmement minutée. » Dans le “poste de coordination” de la gare d’Amiens, qui est aussi « le point d’entrée de l’information en provenance de Paris », Farid Zouaoui, gestionnaire des ressources est à son poste devant son outil de travail, un logiciel qu’il lui montre les “roulements et rames” et qu’il décrit comme « d’occupation vivant. Il est constamment alimenté, ce qui me permet de voir ce qu’il se passe en temps réel et donc de réagir rapidement en cas de problèmes ». À ses côtés, Stéphane Delimauges, le chef d’escale, décisionnel, qui a à sa charge le pilotage de la plate-forme. Son objectif : « Faire partir les trains à l’heure dans des conditions de sécurité optimale pour les voyageurs et le personnel. » En cas de retard d’un seul train, ce si précis planning se retrouve chamboulé et peut engendrer des retards sur d’autres lignes. « Si un train a du retard de Paris par exemple, cela veut dire que l’équipe est retenue. Le contrôleur ne pourra pas prendre son poste suivant à l’heure, ni le conducteur et ainsi de suite. Cela a donc des répercussions sur les autres trains. Le but est alors de minimiser au maximum cet effet domino », décrit Jean-Baptiste Ripoll. Une fois les trois éléments, matérielconducteur-contrôleur, réunis, la “mise à quai” peut commencer. C’est alors l’agent de manTmuvre qui prend le relais. C’est lui qui va réaliser les manTmuvres d’accrochage et faire les essais freins. « L’agent de manTmuvre a quatorze minutes pour réaliser la mise à quai, confie Jean-Baptiste Ripoll. Si tout est bon, commence la phase de départ du train. » C’est alors le tour de l’agent expéditeur d’entrer en action. « Il est chargé d’appliquer les règles de sécurité. Il va vérifier l’affichage, la signalisation, se mettre en relation avec le conducteur et le contrôleur, etc. Il donne un premier coup de sifflet pour avertir le voyageur du départ imminent du train. Il prévient le contrôleur et le conducteur de la fermeture des portes, qui, je le précise, une fois fermées, ne peuvent plus se rouvrir. Il donne un deuxième coup de sifflet pour donner le départ. » La tâche de l’agent expéditeur n’est pourtant pas terminée. Une fois le train en marche, il y a la phase appelée “surveillance au défilé”. L’agent surveille en effet que le train part bien et qu’il n’a pas de problème. « Son rôle est véritablement d’assurer la sécurité de la circulation, du personnel et des voyageurs. Lorsqu’il réalise sa mission, il ne peut pas renseigner le voyageur. Ce n’est pas par manque de politesse mais parce qu’il se doit d’être à 100 % concentré sur sa mission pour des raisons de sécurité », insiste Jean-Baptiste Ripoll.
L’accueil
En parallèle des étapes liées à la production, intervient le deuxième volet de l’escale : l’accueil et le renseignement des voyageurs. « Il y a d’abord les grands écrans et les panneaux d’affichages qui donnent la première information, évoque Jean-Baptiste Ripoll. Ensuite, même si il y a des agents plus spécifiquement chargés de l’accueil et du renseignement du voyageur, chaque agent d’escale, même ceux en production, doit être capable de renseigner le voyageur ou dans la négative, de lui indiquer la personne ressource. Il y a des enquêtes vérifiant cette capacité des agents, ainsi que leur politesse…, qui sont réalisées régulièrement. Chaque agent est ainsi noté au trimestre sur ce sujet. » L’agent d’escale chargé de l’accueil, reçoit une formation pour gérer les conflits. En cas de retard, de grèves ou encore d’accident, c’est lui qui sera chargé de la prise en charge des voyageurs en leur trouvant des solutions : distribution de plateaux repas, taxis, hôtels, etc. Il se doit également de vérifier l’état des lieux de la gare (propreté, panne des panneaux ou des distributeurs automatiques, etc.). Certains sont également “agent voyageur service”. Ils ont pour mission de prendre en charge les personnes à mobilité réduite (PMR), par le biais du “service accès +”. « La personne arrive un peu avant le départ de son train, décrit Jean-Baptiste Ripoll. L’agent va la chercher et l’accompagne à sa place. Il avise le contrôleur et la gare terminus de la présence de cette personne pour qu’un agent puisse aller la rechercher. » Les agents peuvent être également amenés à gérer un flux important et particulier de passagers, comme c’est le cas avec les trains de pèlerins. « Le diocèse réserve un train pour aller à Lourdes. C’est une organisation bien spécifique. La logistique se met en place plusieurs mois à l’avance. Nous savons alors combien de personnes sont valides, combien d’ambulances devront se garer près de la gare, etc. ».
S’adapter à toutes les situations
La vie d’une gare et de l’escale est aussi rythmée par les situations de crise. Le mot d’ordre ? S’adapter et paraître à toutes les situations. En cas de grève pour exemple, avec la loi sur le service minimum, les agents doivent avertir la direction, 48 heures avant le début du conflit de leur intention. « Une fois que nous connaissons le nombre de gréviste et de non gréviste, nous montons un Plan de transport adapté (PTA) avec le personnel qui reste, explique Jean-Baptiste Ripoll. Nous possédons des plans types qui vont d’une situation normale à une situation fortement dégradée. Cela nous permet d’informer le voyageur 48 heures à l’avance. On sait, grâce à cela ce que l’on est capable de faire et d’offrir aux voyageurs. » Encore une fois la logistique ne doit pas être laissée au hasard. Une gare, et par extension l’Escale, est donc comme une ruche, où chaque élément à sa place et dont le travail dépend de la bonne conduite de l’ensemble.
Quelques chiffres
L’Escale Haute Picardie : – Environ 170 personnes qui travaillent en 2X8 7J/ 7. – 7 lignes ferroviaires. La gare d’Amiens : -8 000 voyageurs/ jour partagés entre des trajets domicile-travail, domicile-étude et voyages de loisirs et d’affaires. – 25 intercités et 189 TER/ jour tous sens confondus. – 11 voies (en impasses et transversales). – 15 navettes/ jour pour la gare TGV Haute Picardie. – Gare routière régionale qui dépend du conseil régional mais gérée par convention par la SNCF.