L’économie sociale et solidaire : une alternative à l’économie capitaliste ?

Encore trop méconnue des élus et du grand public, l’économie sociale et solidaire serait pourtant porteuse de richesse et créatrice d’emplois dans une conjoncture actuellement défavorable. Cette alternative est devenue un axe fort des objectifs du développement régional du Pas-de-Calais.

La première séance du Conseil de l'ESS s’est tenue le 4 avril dernier.
La première séance du Conseil de l'ESS s’est tenue le 4 avril dernier.
D.R.

La première séance du Conseil de l'ESS s’est tenue le 4 avril dernier à Arras.

Se lancer dans l’aventure entrepreneuriale traditionnelle relève souvent plus d’un parcours du combattant que d’une simple montagne de formalités administratives et juridiques à  fournir. L’ESS représenterait une des clés du changement sociétal, l’objectif n’étant pas de bercer d’illusions les esprits entrepreneurs mais plutôt d’extraire un nouveau levier économique au sein d’un modèle capitaliste dominant.

Le Pas-de-Calais, laboratoire de l’ESS. Le 17 janvier dernier, Benoît Hamon, ministre délégué de l’Economie sociale et solidaire, est venu encourager la création du Conseil départemental de l’ESS à Arras, une première dans l’Hexagone. Une initiative portée par le Conseil général et son président, Dominique Dupilet, qui précise : «Notre département possède une longueur d’avance. L’ESS y est depuis longtemps implantée. Elle représente d’ailleurs 13% de l’emploi, soit 48 390 postes dans près de 3 500 établissements. Des associations, des mutuelles, des fondations, des coopératives qui ont en elles la volonté d’entreprendre autrement.» Suite à cette visite, la première séance du Conseil s’est tenue le 4 avril dernier afin de faire un tour de table des cinq ateliers (charte,  label, finance de l’ESS, harmonisation et simplification administrative, et promotion de l’ESS) constitués par Jacques Napieraj, conseiller général en charge du dossier. «J’ai remarqué une forte participation, en nombre et en idées. Mais c’est sur le terrain que tout se joue. Je veux des propositions concrètes à exposer le 11 juin prochain»,  affirme-t-il. Et de poursuivre : «Le gouvernement doit soumettre un avant-projet de loi présentable au Conseil supérieur de l’ESS ces jours-ci. A ce moment-là, nous pourrons vraiment faire émerger des projets au sein des ateliers.»

Promouvoir l’ESS. Le Nord-Pas-de-Calais se positionne 10e au niveau national concernant la concentration de l’ESS (150 000 postes salariés, soit 11,4% de l’économie régionale). Cependant, si certains établissements et micro-structures (66,5%) adoptent ce système économique, les contours de l’ESS restent à préciser. A cet effet, le budget départemental s’élève à 1 million d’euros mais, au total, 20 millions d’euros ont été versés pour explorer le champ de cette économie différente. Après deux années à plancher sur le sujet, Jacques Napieraj entrevoit enfin une conscience collective et un modèle qui commence à faire son nid. Sa promotion reste toutefois nécessaire : «Il faut faire reconnaître l’ESS, soutenir et fédérer les structures afin d’impulser une nouvelle dynamique économique collective. Il faut aussi appuyer la formation, à commencer au sein du système scolaire.» L’opinion générale qui érige l’ESS comme une économie de solidarité le fait rire jaune. «Ce n’est pas ça, réagit-il. C‘est un système d’économie proche des gens. Je constate tous les jours que le système classique est plus que boiteux. C’est donc une alternative.»  Le conseiller contredit tout autant l’idée que ce modèle représente une fausse solution sur la marché du travail. «Il y a autant de CDI à temps plein que dans les structures traditionnelles. L’ESS répond à des besoins locaux», évoque-t-il. «La rémunération n’est soumise actuellement à aucun cadre. Par contre, quand il y a bénéfices, les dividendes sont reversés soit dans la structure, soit aux salariés. Une réflexion est menée dans le cadre de la prochaine loi sur l’ESS», explique quant à elle Isabelle Ghoris, chargée ESS au niveau départemental. Mais, afin de projeter les futurs créateurs dans ce système, les moyens de financements sont au cœur du débat. «Ils peuvent provenir des adhésions, des financements publics ou privés, des recettes issues de leur activité», poursuit-elle. Jacques Napieraj avance un autre point : «Je suis persuadé que les organismes n’ont pas le réflexe de présenter l’ESS.» L’objectif à terme serait d’associer les différentes familles actuelles de financeurs. 

Le service à la personne, un secteur prisé par l’ESS. Parmi les associations qui représentent 81,2% des établissements employeurs de l’ESS, les secteurs de l’action sociale, de l’enseignement et de la santé arrivent en tête de liste. Alain Tajchner, président de Petit’home, une crèche associative, explique son choix : «Cette forme de structure répondait aux valeurs communes du groupe que nous constituons. C’est un engagement vis-à-vis de la société et de belles responsabilités. Nous avons reçu 18 000 euros de Pas-de-Calais actif et la même somme d’un organisme bancaire pour l’ouverture du premier établissement», explique-t-il. Deux crèches plus tard, il emploie douze salariés en CDI, ayant bénéficié pour la plupart de contrats aidés. Une troisième crèche doit voir le jour avant la fin de l’année. La pérennité des emplois étant bien évidemment l’objectif de l’ESS.