L'Astrolabe, une maison de vie, plutôt que l'hospice ou l'hôpital

Alternative à l'Ehpad et à l'hospitalisation à domicile, ou répit proposé aux aidants, la maison de vie L'Astrolabe accueille dans le Tarn des habitants de tous âges, mais ce modèle innovant...

Des locataires déjeunent dans la salle à manger commune de la maison "Astrolabe" à Cahuzac-sur-Vère, le 16 janvier 2024 dans le Tarn © Matthieu RONDEL
Des locataires déjeunent dans la salle à manger commune de la maison "Astrolabe" à Cahuzac-sur-Vère, le 16 janvier 2024 dans le Tarn © Matthieu RONDEL

Alternative à l'Ehpad et à l'hospitalisation à domicile, ou répit proposé aux aidants, la maison de vie L'Astrolabe accueille dans le Tarn des habitants de tous âges, mais ce modèle innovant de colocation sécurisante manque d'une législation adaptée.

"J'ai ramené mes casseroles, mes jeux de société (...) mes bouquins. Je les passe aux autres": regard pétillant, à 95 ans, Odette Dolle est enthousiaste comme une "jeunette" vivant avec ses colocataires. La maison lumineuse est de plain-pied. Ses baies vitrées donnent sur la campagne environnant le village de Cahuzac-sur-Vère, à 65 km de Toulouse.

De sa ferme, cette veuve d'agriculteur a vu L'Astrolabe se construire. Elle a été la première à y poser ses valises, en février 2023. "Ça fait six ans que je suis seule. J'ai tenu le coup avec le déambulateur, les aides-ménagères. Mais je ne pouvais plus", explique-t-elle à l'AFP, soulignant la crainte qu'elle avait de tomber et de "finir à l'hôpital" comme son mari.

L'idée de ce lieu pour personnes dépendantes parce qu'âgés ou/et malades est née lors d'un congrès sur les soins palliatifs: Delphine Calicis y découvre une expérimentation initiée à Besançon, qui n'a pu durer, faute de cadre légal pour un financement adéquat.

Cette infirmière de 54 ans, présidente de l'association gérant L'Astrolabe, a voulu "créer une maison chaleureuse où l'on puisse accompagner les gens comme à domicile (...) jusqu'à la fin de la vie", quel que soit leur âge, leur pathologie.

A l'année ou de passage

Le rapport sur stratégie pour les soins palliatifs, remis en décembre au gouvernement par le Pr Franck Chauvin, préconise de telles maisons - "lieu d'hébergement pour des patients en fin de vie" et "de répit temporaire pour les aidants" - et d'en ouvrir 100 d'ici dix ans.

"L'Astrolabe est aujourd'hui la structure la plus proche du modèle envisagé dans ce rapport", selon Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).

Sur un terrain de 4.200 m2 offert par la municipalité, son édification, qui a coûté 1,8 million d'euros, a été financée par un prêt des Oeuvres du Père Colombier, outre des dons pour l'aménagement.

D'une superficie de 732 m2, elle compte notamment une vaste pièce de vie, avec cuisine ouverte et grande table, deux salons avec piano, télévision et bibliothèque, et douze chambres de 22 m2.

Pour un loyer de 1.500 euros, neuf accueillent des locataires permanents et leurs meubles, comme Odette Dolle ou Liliane Degraeve, arrivée de Belgique pour être plus près de sa fille. 

"Mes enfants m'ont installée ici parce que j'avais trop de chagrin d'être toujours seule", raconte cette femme de 81 ans, qui vivait dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de 166 résidents. 

"C'était très grand, pas comme ici où on cuisine si on peut, où on fait tout ensemble", apprécie-t-elle.

Trois chambres "de répit" sont réservés à des résidents temporaires: ainsi Thérèse Almon, 92 ans, dont la fille récupère d'une intervention chirurgicale, ou Logumba Perea, 58 ans, souffrant d'un cancer et qui ne pouvait rester seule dans son appartement.

Comme chez soi

Une auxiliaire de vie aide certains à se doucher, s'habiller, etc. Tous n'ont pas droit à ce service. 

Alors L'Astrolabe lui a fait un contrat complémentaire. "Il faudrait un cadre légal permettant de l'employer à plein temps", souligne Delphine Calicis, espérant que le programme promis par le gouvernement permette de pérenniser de tels lieux.

A l'heure du repas, les habitants dressent la table, puis s'assoient ensemble et en musique: de son téléphone, Patrick Sevegnes joue les DJ. 

Cet ancien chauffeur de bus de 60 ans, atteint d'une maladie neuro-évolutive, sourit lorsque ses "colocs" fredonnent.

"Il ne s'agit pas de faire à la place des gens, mais de les accompagner en fonction de leurs besoins, de leurs souhaits", précise Magalie Privat, 53 ans, l'une des deux maîtresses de maison chargées du quotidien.

Ouverte aux villageois qui passent bavarder, aux bénévoles pour animer des activités, L'Astrolabe l'est aussi aux proches: ils en ont la clé, peuvent venir à toute heure, voire dormir dans le canapé-lit du salon, comme à la maison.

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