Environnement
L’agriculture au secours du réchauffement climatique
En partie responsable du réchauffement climatique, l’agriculture développe aujourd’hui de nouvelles pratiques qui redonnent vie au sol et augmentent le stockage du carbone. Un rôle qui intéresse les agriculteurs et les industriels engagés dans une démarche Bas Carbone. Dans la région, la coopérative Noriap et le groupe Nestlé font figures de pionniers.
De l’agri bashing à l’agri loving, il n’y a qu’un pas ! D’un côté, l’agriculture conventionnelle est désignée comme une cause majeure du réchauffement climatique ; cette contribution serait de l’ordre de 20% au niveau mondial. Pourtant, l’agriculture pourrait aussi devenir la solution du problème.
Dès 2015 la Cop 21, soulignait le rôle majeur que les sols agricoles comme forestiers pouvaient jouer en particulier dans le stockage du carbone. Les sols de la planète contiendraient en effet trois fois plus de CO2 que l’atmosphère. On a même évalué qu’un stockage supplémentaire de 4/ 1 000 dans les sols pourrait contrebalancer l’élévation du CO2 dans l’atmosphère.
Dans le même temps, on s’est aperçu que l’agriculture conventionnelle dégradait les sols au point qu’ils relarguaient tout leur carbone. Pour résumer, un tel sol devient stérile, pauvre en carbone. Il ne retient ni l’eau ni les éléments nutritifs alors qu’un sol vivant nécessitera moins de travail de sol, moins d’engrais et pourra au bout d’un certain temps produire autant qu’en agriculture conventionnelle. Sa fertilité est alors auto entretenue. Les cultures sur sols vivants captent ainsi bien plus de carbone, dans la matière organique, l’humus, les microorganismes…
Une agriculture qui régénère les sols
Depuis deux ans la coopérative Noriap s’investit dans cette voie. Ainsi Pierre-Antoine Brunel accompagne 45 agriculteurs de la région d’Amiens et de Grandvilliers dans une démarche de transition vers l’agriculture régénératrice, avec des surfaces d’exploitation de 150 à 400 ha. Dans les grandes lignes, les techniques consistent à limiter le travail du sol par exemple avec des semis directs et à assurer un couvert permanent pour éviter le lessivage et pour enrichir le sol. Toutes les consommations sont mesurées pour établir un bilan. La biodiversité est favorisée de façon à ramener de la vie et des auxiliaires dans les champs.
« En pratique, il n’y a pas de cahier des charges ou de recette toute faite, explique Pierre-Antoine Brunel, et il faut s’adapter selon l’environnement, le sol, la culture. Pour l’agriculteur, c’est une prise de risque mais ses motivations sont nombreuses et variées. Ce peut être bien sûr une diminution des charges, avec moins d’intrants, mais c’est surtout l’envie de cultiver autrement et de progresser ensemble. L’effet du groupe est essentiel. »
« Les agriculteurs sont tous volontaires. Nous les accompagnons dans une démarche de co-construction. Il s’agit d’un changement de mentalités qui ne peut être que progressif », explique Nathalie Ternois qui est en charge de ce programme chez Noriap.
Valoriser la démarche auprès des transformateurs
Outre l’intérêt pour la planète, il s’agit aussi de valoriser cette démarche bas carbone auprès des consommateurs et donc des entreprises agroalimentaires clientes des coopératives. Nestlé, leader de l’agroalimentaire mondial, est un des premiers partenaires de Noriap à s’impliquer de l’amont à l’aval dans la démarche d’agriculture régénératrice.
L’objectif de Nestlé est d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or aujourd’hui, 68% de ses émissions sont liées à l’approvisionnement en matières premières agricoles. L’entreprise s’est donc fixée un approvisionnement de 50% d’ici 2030 en agriculture régénératrice. Les volumes sont vertigineux. Sur 1 million de tonnes de matières premières agricoles transformées dans ses 18 usines, 70% sont produites en France.
Les Français à l’avant-garde
Nestlé et Noriap se sont alliés au collectif Sols Vivants piloté par la fondation Earthworm. Il s’agira d’accompagner toute la filière pour accélérer la démarche Earthworm qui vise 10 000 agriculteurs impliqués et 1 million d’ha en 2025. De son côté, Nestlé travaille ces sujets avec d’autres coopératives et négoces agricoles comme le groupe Soufflet, Carré et Vivescia mais aussi avec les producteurs de pomme de terre de l’Usine Mousline de Rosières-en-Santerre.
En attendant que l’économie du carbone soit clarifiée par de nouvelles dispositions gouvernementales plusieurs questions demeurent quant au rôle de chaque maillon de la filière et sur les revenus supplémentaires que les agriculteurs peuvent en attendre. Enfin, outre le financement du surcoût éventuel de l’agriculture de conservation, une question porte enfin sur la caractérisation de ces productions plus vertueuses et la façon dont elles seront comprises, reconnues et valorisées auprès des consommateurs.