Jusqu’où peut aller le contrôle des salariés ?
L’employeur peut contrôler l’activité de ses salariés. Cependant, tout droit a ses limites. Même si les nouvelles technologies offrent de nouveaux moyens. La Cour de cassation le rappelle dans plusieurs arrêts récents.
Le contrôle de l’activité
La géolocalisation peut-elle être utilisée pour surveiller un salarié ? Le 3 novembre 2011 (pourvoi n° 10-18.036), la Cour de cassation a statué sur cette question. Dans un premier temps, elle a rappelé que les systèmes de géolocalisation ne pouvaient être utilisés par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), et portées à la connaissance des salariés. Puis, elle a indiqué que cette utilisation pour contrôler la durée du travail, n’était licite que lorsque ce contrôle ne peut être réalisé par un autre moyen. Et elle n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail. Ce faisant, cette décision doit être rapprochée de l’article L 1121-1 du Code du travail suivant lequel «nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché». Récemment, la chambre sociale a également eu l’occasion de rappeler sa position dans une affaire de «lettres festives». Si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin, et à ce titre déloyal (Cass soc. 4 juillet 2012. pourvoi n° 11-30266) En l’espèce, une factrice avait été licenciée pour faute grave, en avril 2009, pour avoir ouvert une lettre. Pour confondre la salariée, la Poste avait introduit dans sa tournée des lettres dites «festives» qui diffusaient une encre bleue lorsqu’elles étaient ouvertes. La factrice avait été déboutée de ses demandes d’indemnités de rupture conventionnelles et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour les juges du fond, la Poste, chargée d’une mission de service public, est tenue de garantir aux usagers le secret et l’intégrité des correspondances qui lui sont confiées, et l’afflux de réclamations relatives à des lettres ouvertes dans le centre de tri dont dépendait la salariée justifiait l’introduction par l’employeur de ces lettres «festives» dans la tournée, pour mettre fin à des agissements frauduleux. Ce n’est pas l’avis de la Haute cour : le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le contrôle des mails
S’agissant de la consultation des courriels des salariés, on sait que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. L’employeur est donc en droit de les ouvrir en dehors de sa présence, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels (Cass soc. 26 juin 2012. pourvoi n° 11-14022). Mais la seule dénomination «Mes documents» donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel (Cass soc. 10 mai 2012. pourvoi n° 11- 13884). Le postulat étant posé, la jurisprudence procède à l’analyse de certains cas. Ainsi, la dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient. La dénomination «D:/données personnelles» du disque dur de l’ordinateur du salarié ne peut lui permettre d’utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l’accès à l’employeur. Les juges de la Cour d’appel en ont légitimement déduit que les fichiers litigieux, qui n’étaient pas identifiés comme étant «privés» selon les préconisations de la charte informatique de l’entreprise, pouvaient être régulièrement ouverts par l’employeur (Cass soc. 4 juillet 2012. pourvoi n° 11-12502). Le règlement intérieur de l’entreprise peut toutefois contenir des dispositions restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur, en le soumettant à d’autres conditions : en l’espèce, le document prévoyait que les messageries électroniques des salariés ne pouvaient être consultées par la direction qu’en présence du salarié (Cass soc. 26 juin 2012. pourvoi n° 11-15310).