«Je suis la première à vouloir qu'on soit promues à la loyale»
Kathie Werquin-Wattebled a pris ses fonctions de directrice générale de la Banque de France le 1er février, après un longue carrière effectuée au sein de l'établissement. Agent de la Banque de France depuis des années, elle s'est forgée une expérience solide au gré des différentes fonctions occupées.
Kathie Werquin-Wattebled nous accueille dans un large bureau au sein du bâtiment historique de la Banque de France de Lille. Promue depuis peu au poste de directrice régionale des Hauts-de-France, elle a récemment animé, conjointement avec la CCI, les Rencontres régionales de l’économie à Lille. Exit les tailleurs conventionnels, Kathie Werquin-Wattebled adopte un style plutôt décontracté. «Je supervise entre 12 et 13 sites, en plus de bureaux d’accueil et d’information de proximité. Sur l’ensemble de la région, nous sommes près de 350 personnes», explique-t-elle.
Un parcours
diversifié
C’est par hasard que Kathie Werquin-Wattebled est entrée à la Banque de France, en 1994. Originaire du Pas-de-Calais, elle étudie à Science-Po Strasbourg et démarre un cours préparatoire pour l’ENA, avant de se faire remarquer par un professeur d’économie pour son appétence pour la politique monétaire. Après avoir travaillé aux quatre coins de la France, notamment dans le contrôle bancaire ou le service aux entreprises, la jeune femme obtient un premier poste de directrice départementale pour la Savoie, à Chambéry, avant de réitérer l’expérience à Brest. «J’étais très sollicitée pour parler de la conjoncture économique à l’extérieur, vulgariser les données», indique-t-elle. Disposant déjà d’une belle expérience au sein de l’établissement bancaire, elle décide pourtant de s’en éloigner pour partir six mois en Afrique du Sud avec sa famille : «Je souhaitais vraiment déconnecter de la Banque de France.» Là-bas, elle travaille d’abord chez des amis, dans une structure centrée sur la dégustation de vins. Par la suite, elle s’engage dans une association visant à l’autonomisation financière des femmes, avant d’en devenir vice-présidente. Baptisée Mafubo, cette association est implantée dans une quarantaine de pays. «Je pilote également un projet d’atelier de perlage pour des bracelets.» Depuis, Kathie Werquin-Wattebled y retourne régulièrement, tous les cinq ou six mois. «L’année passée, j’ai reçu le prix RSE de la Banque de France, qui récompense ses agents pour des projets, d’un montant de 2 000 €», relate-t-elle. De retour en France, elle passe par le siège de Paris, à la direction des particuliers, avant d’être retenue sur le poste de directrice. Passionnée de management, la dirigeante ne redoute qu’une chose : la solitude du chef. «C’est le risque : que les gens n’osent plus vous dire les choses. Je préfère qu’ils s’expriment s’ils ne sont pas d’accord.»
Vers plus de
parité
La nouvelle directrice régionale fait partie de plusieurs réseaux, dont un réservé aux femmes dirigeantes. «Mais le côté club de filles fermé me gêne un peu.» Elle est notamment adhérente chez Talentu’elles, un groupe mixte émanant de la Banque de France, dont la principale mission est de promouvoir la parité. Si elle estime ne jamais avoir ressenti de frein en tant que femme durant sa carrière, la dirigeante avoue que le sujet de la parité l’a frappée lorsqu’elle a pris plus de responsabilités. «Nous sommes actuellement deux femmes directrices régionales sur treize régions.» Le chemin est encore long, mais Kathie Werquin-Wattebled croit en une féminisation progressive, plus basée sur les compétences que les quotas. «Je suis la première à vouloir qu’on soit promues à la loyale.» Un point d’accroche subsiste : la frilosité des femmes à aller vers des postes à responsabilité. «Elles ont tendance à être hyper compétentes. Une femme va attendre d’avoir au moins 90% des compétences avant de postuler.» Les hommes seraient beaucoup plus enclins à demander des positions plus élevées sans pour autant avoir un profil 100% compatible. Enfin, la féminisation de certaines branches passe, selon la dirigeante, par l’éducation et la représentation des métiers. «Il faut travailler sur l’image pour que les enfants arrivent à se projeter à égalité sur tous les postes, peu importe le secteur.»
Lieu marquant. «Cape Town. C’est une ville que j’aime car on y retrouve beaucoup de critères de villes européennes. En même temps, c’est un lieu de contraste : d’un côté, on a le salon de l’automobile et, de l’autre, des gens qui vivent avec un dollar dans des townships.»
Date marquante. «Je retiens la date où j’ai été nommée directrice régionale. J’étais en congés, sur la plage de Biarritz, le 22 octobre 2018. Je le savais déjà plus ou moins parce que j’avais eu mon entretien d’embauche avec le gouverneur. Quand on voit arriver le mail, ça fait un petit effet.»
Une femme qui m’a influencée. «Christine Lagarde. J’aime beaucoup ses prises de position sur la finance et l’éthique, ce que je prône souvent à mes collaborateurs : une discipline, une empathie, une qualité dans les contributions. Sans que ce ne soit que la simple résultante de la peur du contrôle ou de l’audit.»