Inondations meurtrières sur la Côte d'Azur: ouverture du procès d'Orpea et d'une ex-maire

Le procès de l'ancienne maire de Biot (Alpes-Maritimes) et d'Orpea pour la noyade de trois pensionnaires d'une maison de retraite du groupe privé dans des inondations en 2015 s'est ouvert ce mardi, en présence des...

Un logo d'Orpea, lors de l'assemblée générale du groupe à Paris, le 28 juillet 2022 © JULIEN DE ROSA
Un logo d'Orpea, lors de l'assemblée générale du groupe à Paris, le 28 juillet 2022 © JULIEN DE ROSA

Le procès de l'ancienne maire de Biot (Alpes-Maritimes) et d'Orpea pour la noyade de trois pensionnaires d'une maison de retraite du groupe privé dans des inondations en 2015 s'est ouvert ce mardi, en présence des prévenus, devant le tribunal correctionnel de Grasse.

"Cela fait huit ans qu'on attendait ça. Ma grand-mère allait très bien, elle a souffert une mort atroce, dans des conditions terribles. On ne peut pas laisser faire ça sans rien dire. Ils se renvoient tous la balle mais il y a eu une inaction totale et il faut qu'ils le reconnaissent", a témoigné auprès de l'AFP Sandrine Delaup, partie civile, dont la grand-mère de 91 ans, qui l'avait élevée après la mort de ses parents, s'est noyée lors de ces inondations.

L'ex-maire, Guilaine Debras, ainsi que le responsable des risques naturels de la ville, Yann Pastierik, l'ancienne directrice de l'Ehpad, Anaïs Gledel, et le groupe Orpea doivent répondre d'homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, délit passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende, sans compter les dommages à verser au civil.

Mme Gledel et Orpea sont aussi poursuivis pour mise en danger de la vie d'autrui -- passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende -- pour le calvaire des pensionnaires ayant survécu aux flots.

Le soir du 3 octobre 2015, de violents orages accompagnés de précipitations exceptionnelles avaient transformé plusieurs rivières des alentours de Cannes et Antibes, sur la Côte d'Azur, en torrents d'eau et de boue qui ont causé la mort de 20 personnes et des dégâts considérables.

A Biot, une vague de submersion a envahi le rez-de-chaussée de la maison de retraite du Clos Saint-Grégoire, au pied de cette ville médiévale de 9.800 habitants. Marguerite Giunipero, 94 ans, Jacqueline Colombier, 91 ans et Josiane Chaix, 82 ans, ont péri noyées dans 1,25 mètre d'eau.

Il aurait suffit de monter tous les résidents au premier étage par précaution pour que les vies soient épargnées.

Ce jour-là, Météo France avait placé le département en vigilance "orange" en raison d'un risque d'orage --pour la troisième fois de l'année--, mais Biot n'a pas suivi le protocole de son Plan communal de sauvegarde (PCS), qui prévoyait en particulier de prévenir les habitants menacés.

Conscience du danger estompée

Aucun système d'astreinte n'était en place et le responsable risques naturels de la ville est parti assister à un match de football à Nice dans la soirée. Même si l'alerte avait été donnée, le matériel était défaillant: deux des quatre sirènes de la municipalité ne fonctionnaient pas.

Située près d'un canal d'évacuation des eaux de pluie, la maison de retraite était pourtant connue comme particulièrement vulnérable. L'établissement, désormais fermé, avait déjà subi deux inondations et la dernière en 2005 avait obligé le personnel à monter en urgence tous les pensionnaires au premier étage.

Mais depuis, la maison de retraite s'était dotée de portes anti-inondations, la commune avait creusé des bassins de rétention en amont et la conscience du danger s'était estompée, en particulier après le rachat de l'établissement par Orpea en 2011. Les portes fonctionnaient mal et l'entretien des bassins posait question.

Au soir du 3 octobre 2015, la directrice, âgée de 29 ans, était en poste depuis un mois. Il n'y avait qu'une aide-soignante et une auxiliaire de vie sur place, qui n'ont été ni formées au risque d'inondation ni prévenues du danger.

Quand elles ont vu l'eau s'infiltrer, les communications étaient coupées. Elles ont essayé d'évacuer les pensionnaires du rez-de-chaussée mais ont été elles-mêmes balayées par la vague dans la première chambre.

Le procès doit durer quatre jours, avec le réquisitoire prévu jeudi et les plaidoiries de la défense vendredi. Le jugement devrait être mis en délibéré.

Orpea, qui compte des maisons de retraite et des cliniques spécialisées, est présent dans une vingtaine de pays, emploie plus de 76.000 personnes et accueille chaque année plus de 267.000 patients et résidents.

Il est très secoué depuis deux ans par le scandale né des pratiques de son ancienne direction, soupçonnée de maltraitances, révélées par le livre-enquête de Victor Castanet, "Les Fossoyeurs".

34F32RQ