Tourisme industriel
Saint Frères, symbole du riche passé industriel de la vallée de la Nièvre
À Flixecourt et dans les environs, le souvenir des usines Saint Frères est vivace. À leur apogée, elles ne comptaient pas moins d’une dizaine d’entreprises et environ 9 000 salariés. Jean-Paul Grumetz pérennise les souvenirs de ce passé industriel.
Impossible de parler de la vallée de la Nièvre sans évoquer les usines Saint Frères. Depuis la création de la première entreprise à Beauval en 1814 par Pierre-François l’aîné, Jean-Baptiste et Pierre-François, tous trois tisserands, leur arrivée sur Flixecourt en 1847 puis la cession de leur empire près de130 ans ans plus tard, leur présence est gravée dans la mémoire des habitants, et dans la terre.
Jean-Paul Grumetz, fervent ambassadeur du site
Devant les anciens ateliers de tissage de Flixecourt, Jean-Paul Grumetz ne peut que confier son inquiétude : « J’avais parlé de ce site au Conseil régional, raconte-t-il. Lorsque Claude Gewerc, à l'époque en campagne puis président de la Région Picardie, cherchait des endroits pour y implanter des centres culturels. C’est comme cela que la Région a racheté le site en 2007. Depuis, le projet de centre d’interprétation du patrimoine est en stand by. »
En attendant, Jean-Paul Grumetz continue de prendre son bâton de pèlerin pour transmettre lors de visites guidées de groupes l’histoire de l’une des plus grandes familles industrielles de notre pays dont l’activité principale reposait sur la filature, le tissage de toile de jute, la confection de sacs en toile de jute (dès 1845, car le jute était réputé bon marché et solide), bâches, cordes, ficelles…
La valeur de l'entreprise Saint Frères dans les années 1890 est estimée à 60 millions de francs-or. En 1896, elle devient propriétaire de l'immeuble du 34, rue du Louvre à Paris et y installe le siège social de l'entreprise et une maison de vente. Son nom est toujours gravé dans la pierre…
Vers le déclin d’un empire…
L’entre deux guerres a marqué le déclin de l’empire Saint, qui comptait dans la Somme en 1911, 13 usines (entre autres à Doullens, Abbbeville et Gamaches), 2 900 métiers à tisser et 9 000 salariés. C’était alors le premier employeur du département.
Les licenciements sont massifs. Les ouvriers perdent leurs emplois et leurs logements. En 1969, Christian Saint vend les sites et activités aux frères Willot qui s’associent en 1978 à Boussac et forme le groupe Boussac-Saint Frères. Le groupe Agache Willot dépose le bilan trois ans plus tard, le 26 juin 1981. Bernard Arnault reprend Boussac-Saint Frères et fonde en 1987 LVMH. En 1988, il revend Boussac-Saint Frères à Prouvost SA. Laquelle est mise en liquidation en 2000.
« On naissait Saint Frères, on vivait Saint Frères et on mourrait Saint Frères, précise Jean-Paul Grumetz. Outre les usines, il y a avait aussi les écoles, les coopératives pour faire ses courses, les équipements sportifs… La fermeture des usines a été vécu comme un cataclysme, un traumatisme. Rien qu’à l’usine de Saint-Ouen, il y avait 1 700 ouvriers ! Le pire c’est que d’autres entreprises venues ensuite ont aussi fermé comme Rosenlew à Beauval en 2004 ou la Manufacture de sièges du groupe Parisot en 2010 à Berteaucourt-les-Dames. »
Des usines mais aussi des châteaux…
En face du site historique de Flixecourt, s’élève l’un des quatre châteaux érigés par la famille à l’occasion de successions à la tête de la société : le château rouge, qui servait de logement patronal de générations en générations, et qui abrite de nos jours des logements, le château blanc plus bas, qui accueille des personnes en situation de handicap, et le plus beau, le grand château, en plein cœur de la commune, qui appartient toujours à des descendants de la famille Saint.
Un quatrième château a aussi été érigé à Ville-le-Marclet. Datant de 1922, il a notamment été occupé par un IME. Il a dernièrement été racheté par des particuliers pour y organiser des cérémonies.
Il y a aussi ses 2 000 maisons destinées aux ouvriers, érigées en rang d’oignon avec au coin les anciennes maisons des contremaîtres. Elles témoignent du paternalisme de Saint Frères. Elles ont commencé à être vendues par le groupe Agache-Willot, devenu propriétaire des usines Saint Frères en 1969.
De nos jours, des anciens ateliers ou bureaux comme à Saint-Ouen ou à Beauval menacent de tomber en ruines. Municipalités et communautés de communes s’emparent de la question : à Beauval, 37 logements seront construits ou aménagés dont onze à la place des anciens bureaux, un dans la maison du directeur et un dans le logement du concierge.
Le plus gros des bâtiments a été rasé. Un projet aidé financièrement par le Fonds friches. À Berteaucourt-les-Dames, le site, propriété de la communauté de communes Nièvre et Somme, a été vandalisé. Il faudra encore quelques années pour le sauver.
Certains comme Les Moulins Bleus à L’Étoile qui abritent l’association solidaire Le Relais 80 se dressent encore fièrement sur 20 000 m² et occupent 105 salariés. À Saint-Ouen, Trioworld, ex Trioplanex, est spécialisée dans la fabrication de produits d’hygiène jetables (70 personnes).
Certains ont décidé de faire de la renommée de la famille Saint un étendard. Citons notamment RKW Saint Frères emballage à Ville-le-Marclet (85 personnes en 2019), Saint Frères confection à Flixecourt, membre du groupe Sioen industries (18 personnes), confection de bâches et Saint Frères SAS à Flixecourt, 84 personnes, membre également du groupe Sioen industries, spécialisée dans l'enduction directe, c'est-à-dire l'application directement sur une toile d'une pâte d'enduction constituée de PVC, de pigments et de plastifiants…
Pour les visites sur demande : https://www.facebook.com/jeanp...