Inclusion professionnelle des réfugiés : un défi partagé

Des entreprises toujours plus nombreuses se sont engagées dans l'intégration professionnelle des réfugiés, depuis 2015 et l'afflux de ceux qui fuyaient alors la Syrie. Avec quelles motivations ? Et quels sont les freins ? Une étude de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires fait le point.

(c) Adobe Stock
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« Lever les obstacles qui freinent l’intégration socio-économique des réfugiés et (…) redoubler les efforts pour créer des conditions favorables à leur inclusion professionnelle ». Tel est l'appel lancé par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI France), le 16 octobre dernier, lors de la Semaine de l’intégration. A cette occasion, ces instances ont publié une étude portant sur les démarches des entreprises vis-à-vis des réfugiés, leurs motivations et les freins. Avec un premier rappel, en France, des entreprises toujours plus nombreuses sont mobilisées. Pour l'essentiel, cela a commencé en 2015 avec l’arrivée de réfugiés syriens en Europe, suivie, en 2022, par celle des réfugiés d'Ukraine après l'invasion de leur pays par la Russie. Les entreprises qui se mobilisent le font principalement par l’accès à l’emploi des personnes réfugiées (83 %), l'accueil en immersion professionnelle (53 %) et la sensibilisation des collaborateurs (32 %). Toutes s'appuient sur un réseau composé du tissu associatif local, de France Travail, des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et des clubs départementaux de la communauté « Les entreprises s'engagent ».

L'écosystème leur permet d'identifier des candidats, de partager des bonnes pratiques et de s’informer sur les dispositifs d’accompagnement et de formation existants. Toutefois, il existe encore un vivier d'entreprises qui pourraient s'engager. En effet, plus de 60 % des entreprises qui ne recrutent pas encore de réfugiés considèrent que le niveau d’adhésion à cette cause au sein de leur organisation se situe entre 3 et 5 (sur 5). Par ailleurs, plus des deux tiers des sociétés déclarent être prêtes à se mobiliser ou à s’engager davantage, si certains freins étaient levés.

Autre constat de l'étude, les entreprises qui accueillent les réfugiés ont diverses motivations. Dans plus de la moitié des cas, il s'agit du recrutement. Et cette motivation n'est pas cantonnée à des secteurs en tension comme le BTP ou l’hôtellerie-restauration. Dans d'autres secteurs comme l'industrie, les nouvelles technologies ou encore les services (assurance, banque, conseil etc.), les difficultés d’embauche amènent les entreprises à penser le recrutement différemment. Par ailleurs, la solidarité vis à vis des réfugiées, à l’initiative des salariés ou de la direction, constitue un motif de mobilisation pour plus de 40% des entreprises. Elles perçoivent des attentes de la part de leurs salariés, mais aussi, dans certains cas, de leurs clients.

Le casse-tête des démarches administratives

A rebours de ces motivations, les freins – perçus par les entreprises et par les réfugiés- sont également puissants. En tête, figure le manque de maîtrise de la langue française, et ce, même pour des postes peu qualifiés ou les métiers manuels dans le bâtiment, pour lesquels il est indispensable de comprendre les consignes de sécurité et d'exécution des taches. Deuxième frein majeur : l'accès à l’information sur le recrutement et l’emploi des réfugiés. Il constitue un véritable défi pour les entreprises comme pour les réfugiés. Statut de réfugié, protection subsidiaire, statut d'apatride, droit du travail des étrangers....Si elles ne disposent pas d'une information claire et intelligible, les entreprises sont réticentes à recruter des réfugiés, craignant de tomber dans l'illégalité. Dans le même sens, entreprises et réfugiés citent les freins administratifs comme autre obstacle de taille. Les deux se sentent perdus face à des démarches complexes et longues.

A ces obstacles majeurs s'ajoute une autre typologie de freins qualifiés de « périphériques » mais qui n'en pèsent pas moins lourd. Ils concernent le logement, la mobilité, les questions de santé - en particulier, de santé mentale chez ces personnes qui ont subi des traumatismes forts – ainsi que l’apprentissage des codes du monde de l'entreprise.

Autres problèmes encore : la difficulté à identifier les réfugiés potentiellement employables, et les préjugés, qui peuvent décourager les entreprises d’embaucher et pousser les réfugiés à s'autocensurer pour ne pas faire face à des discriminations...

Pour lever l'ensemble de ces freins, l'étude préconise de garantir l'accès à la « bonne » information pour les entreprises et les personnes réfugiées, de renforcer la coordination des acteurs et des dispositifs en faveur de l’inclusion socio-économique et d'accompagner le changement de regard et la lutte contre les préjugés et les discriminations.