Immigration: le Sénat commence à durcir un projet de loi volcanique

Débats éruptifs à la chambre haute: le Sénat a débuté lundi son durcissement programmé du projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations, un piège politique pour...

Le Sénat se penche à partir de lundi après-midi sur le bouillant projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations © Thomas SAMSON
Le Sénat se penche à partir de lundi après-midi sur le bouillant projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations © Thomas SAMSON

Débats éruptifs à la chambre haute: le Sénat a débuté lundi son durcissement programmé du projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations, un piège politique pour l'exécutif qui l'a maintes fois reporté.

Depuis un an et la présentation du texte, le gouvernement résume ainsi l'esprit de sa réforme: "Être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils".

Mais le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en ouvrant les débats, a laissé sa formule fétiche de côté, préférant deux mots d'ordre: "fermeté et simplification", pour aboutir à "un texte ferme, juste et surtout efficace". 

Devant une chambre haute qui penche à droite, il doit en effet convaincre sur le volet répressif, en facilitant par exemple les expulsions d'étrangers délinquants.

Les premières mesures adoptées dans la soirée par la Haute Assemblée sont d'ailleurs allées dans le sens d'un resserrement de l'immigration. 

Les sénateurs se sont positionnés pour l'instauration de quotas migratoires déterminés annuellement par le Parlement, une vieille antienne de la droite. M. Darmanin ne s'est pas opposé à cet article ajouté par le Sénat, défendant "le droit en France, comme tous les pays du monde, de choisir les personnes qu'on veut sur notre sol". 

Les sénateurs ont également durci les conditions nécessaire au bénéfice du regroupement familial, en exigeant notamment du demandeur une assurance maladie pour soi et pour les membres de sa famille qu'il souhaite faire venir en France.

Rien n'assure que la gauche de la macronie, attachée elle au volet intégration du texte, accueillera ce genre de mesures à bras ouverts à l'Assemblée nationale, en décembre.

La voie de passage est étroite pour le gouvernement s'il veut s'éviter une nouvelle utilisation de l'article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption du texte sans vote, mais expose à une motion de censure.

Une menace brandie par Les Républicains mais qui a peu de probabilité d'aboutir sans le soutien de la gauche.

"Nous chercherons des majorités", a répété lundi la Première ministre Elisabeth Borne sur France Inter. M. Darmanin, lui, a promis que le gouvernement émettrait "un avis favorable à la quasi-majorité des mesures de la majorité sénatoriale".

En attendant, le Sénat compte bien remanier le texte, même si les alliés LR et centristes, qui forment la majorité, peinent encore à s'accorder sur l'article 3.

Cette mesure-phare, qui prévoit une régularisation pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main d'œuvre, est une ligne rouge pour LR... Mais la droite, seule, n'a pas de majorité dans l'hémicycle pour supprimer cet article car les centristes y tiennent. 

L'examen de l'article 3 pourrait être repoussé à la fin de la semaine en attendant un éventuel compromis, même si plusieurs sources sénatoriales ont évoqué lundi soir un accord en vue sur ce point crispant. 

"La fumée blanche va bientôt sortir", a assuré un sénateur macroniste. "On ne peut pas travailler pendant des semaines et voter totalement contre à la fin. On en est tous conscients. Il en va de la légitimité de la majorité sénatoriale", a reconnu un sénateur LR.

Bon sens

Le président du groupe LR Bruno Retailleau devra user de malice pour justifier un vote du projet de loi par son groupe, lui qui a encore rappelé lundi soir que "si l'article 3 doit demeurer, ce sera impossible pour nous de voter le texte".

Il n'entraînera pas "un appel d'air" pour l'immigration illégale, a assuré lundi Mme Borne, évoquant plutôt "une mesure de bon sens, largement partagée", notamment par les employeurs... et l'aile gauche de sa majorité.

En 2022, 34.029 sans-papiers ont été régularisés, en hausse de 7,8% par rapport à 2021. 

Le texte, probablement durci au Sénat, est dénoncé par les associations: un rassemblement s'est tenu lundi devant le Sénat, tandis que 35 associations et collectifs ont épinglé lors d'une conférence de presse un projet de loi contraire aux "principes humanistes",  comme la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) pour les sans papiers, que le Sénat veut réduire en aide médicale d'urgence. Cette mesure sera débattue mardi.

Pour sa réforme, l'exécutif mise sur le soutien de l'opinion: selon une étude Opinionway pour le journal Le Parisien, 87% des sondés estiment qu'il faut changer les règles relatives à l'immigration.

Mais ils sont aussi 68% à ne pas faire confiance à M. Darmanin pour prendre les bonnes décisions en la matière, dans un contexte tendu par l'assassinat du professeur Dominique Bernard par un jeune Russe radicalisé, en octobre à Arras. 

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