Immigration: Bayrou réunit ses ministres en pleine crise avec Alger

Vers une remise en cause de l' accord de 1968 avec l'Algérie ? Pour définir les "orientations" du gouvernement en matière d'immigration, François Bayrou réunit mercredi une partie de son gouvernement sur fond de tensions croissantes...

Le Premier ministre François Bayrou le 22 février 2025 à l'Hôtel Matignon à Paris © GEOFFROY VAN DER HASSELT
Le Premier ministre François Bayrou le 22 février 2025 à l'Hôtel Matignon à Paris © GEOFFROY VAN DER HASSELT

Vers une remise en cause de l' accord de 1968 avec l'Algérie ? Pour définir les "orientations" du gouvernement en matière d'immigration, François Bayrou réunit mercredi une partie de son gouvernement sur fond de tensions croissantes avec Alger encore ravivées depuis l'attentat de Mulhouse.

Le Premier ministre a ouvert peu après 14H00 un Conseil interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) avec une dizaine de ministres, pour discuter de "la maîtrise des flux migratoires" et des moyens "nationaux, européens et diplomatiques pour renforcer les contrôles".

François Bayrou prendra la parole à l'issue de l'échange qui doit durer une bonne heure.

Les ministres Elisabeth Borne (Education), Gérald Darmanin (Justice), Bruno Retailleau (Intérieur), Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères),  Astrid Panosyan-Bouvet (Travail), Yannick Neuder (Santé), et Patricia Mirallès (Anciens combattants), entre autres, aborderont également la transposition du Pacte européen asile et migration, adopté en mai et censé entrer en vigueur mi-2026. Il prévoit un durcissement du "filtrage" aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les 27.

Rapport de force" ou diplomatie

Créé en 2005, le CICI a été réactivé par décret présidentiel et présenté par M. Retailleau "pour répondre aux attentes des Français en faveur d'une plus grande maîtrise des flux migratoires".

Annoncé fin janvier puis reporté, ce rendez-vous se tient après l'attaque survenue samedi à Mulhouse (Haut-Rhin), dans laquelle un Algérien de 37 ans, en situation irrégulière et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), est accusé d'avoir tué à l'arme blanche une personne et d'en avoir blessé sept autres.

"Il avait été présenté quatorze fois aux autorités algériennes. Et quatorze fois les autorités algériennes ont dit non", a dénoncé M. Bayrou mercredi depuis le Salon de l'agriculture, jugeant à nouveau "inacceptable" le refus d'Alger de reprendre son ressortissant.

Cette nouvelle affaire vient aggraver un peu plus les tensions entre Paris et Alger, qui a refusé à de multiples reprises ces dernières semaines de reprendre plusieurs de ses ressortissants expulsés de France. 

La question algérienne sera au coeur des discussions du CICI, alors que Paris tente de trouver des réponses face à Alger. 

Plusieurs pistes ont été évoquées ces dernières semaines mais divisent le gouvernement entre les partisans du "rapport de force", à l'instar de Bruno Retailleau, et ceux qui plaident pour la voie diplomatique comme Jean-Noël Barrot.

Escalades verbales

M. Barrot a révélé mardi que des "mesures de restriction de circulation et d'accès au territoire national pour certains dignitaires algériens" avaient déjà été prises, précisant mercredi qu'elles dataient d'"il y a quelques semaines", donc avant l'attentat. 

Ces mesures ont suscité "l'étonnement" d'Alger qui a dénoncé une nouvelle "provocation". 

Lors du comité interministériel, le ministre des Affaires étrangères proposera que les délivrances de visas soient réduites "par tous les pays européens en même temps" pour les Etats qui ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés, a-t-il dit mercredi sur France 2.

A l'inverse, il a suggéré que l'UE baisse les droits de douanes pour les pays avec qui la coopération pour la reprise de leurs ressortissants s'améliore. "C'est un levier qui est particulièrement puissant", selon lui.

Son collègue à l'Intérieur souhaite aller plus loin et "remettre en cause de façon plus générale" l'accord avec l'Algérie de 1968, comme les anciens Premiers ministres Edouard Philippe et Gabriel Attal. 

Ce traité, qui accorde un statut particulier unique pour les Algériens, a déjà été révisé à trois reprises depuis 1968. Paris et Alger avait convenu en 2022 de le modifier une nouvelle fois, mais sans concrétisation à ce jour.

En attendant les arbitrages de l'exécutif, chacun y va de ses propositions. Le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a suggéré sur TF1 d'imposer "des pénalités sur Air Algérie", voire de "restreindre les vols entre Alger et Paris".

"Il faut qu'on fasse attention", a tempéré sur Public Sénat le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, rejetant "les escalades verbales" car "l'efficacité doit compter plus que tout" afin de "réinstaurer un travail dans la durée avec l'Algérie".

"Tous nos intérêts sont à l'inverse de cette confrontation", a estimé le député Insoumis Eric Coquerel, pointant la "faute historique" du gouvernement qu'il a accusé "d'agir comme une puissance néo-coloniale".

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