Hugues Persyn, du Cadre noir au “Carte noire”

Il vient de céder la gérance de la distillerie familiale à Jean-Noël, son cadet de 13 ans mais il reste consultant. Il est aussi le président de l’ADGFA 1 (Association de défense du genièvre Flandres-Artois). Homme courtois et chaleureux, Hugues Persyn a d’autres passions que le genièvre : les chevaux, son mandat majoral, sa famille… Rencontre d’un gentleman.

Jean Noël (à gauche) et Hugues Persyn.
Jean Noël (à gauche) et Hugues Persyn.

 

La façade de la Distillerie.

La façade de la Distillerie.

Quand sport et alcool font bon ménage… Très tôt, Hugues Persyn, né en 1947, découvre le cheval. Il effectue son service militaire au CISVA (Centre instructeur du service vétérinaire de l’armée). Sous les ordres et les conseils d’un cavalier émérite, le commandant Landon, il obtient son monitorat d’équitation. Puis, à titre civil, il passe l’examen pour Saumur. Sous-maître de manège, puis instructeur, il obtiendra le très rare diplôme d’écuyer professeur. Hugues et Laurent Persyn, les deux aînés d’une fratrie de six garçons, écument les concours hippiques et figurent parmi les 30 meilleurs cavaliers de France dans les années 1970/1980. En 1969, ce sportif reconnu rejoint la distillerie paternelle. Après le Cadre noir de Saumur, voici le “Carte noire”, le fleuron de Houlle ! Quinze ans plus tard, en 1983, il est conseiller municipal de Moringhem (au nord de Saint- Omer). En 1995, sans l’avoir sollicité, il devient maire. En 2008, il démarre son 3e mandat qui sera, affirme-t-il le dernier. A 65 ans, avec Béatrice son épouse, ce philosophe actif veut consacrer à ses enfants Lionel (pharmacien à Mazingarbe) et Hélène (professeur de sports à Tours) et ses petits-enfants “le reste de son âge”.

1812-2012, la belle histoire du genièvre de Houlle. Le genièvre2, eau-de-vie de céréales (orge, blé, seigle et avoine) obtenue par distillation en présence de baies du genévrier, est né vers 1540 à Leyde, où l’apothicaire De la Boe l’utilisait comme médicament.
Longtemps proscrit en France où le lobby viticole n’autorisait que l’alcool issu du raisin (avec une exception pour la pomme normande et bretonne), le genièvre apparaît à Dunkerque en 1775 (la ville portuaire ne sera rattachée au département du Nord qu’en 1790). Le Blocus continental favorise la floraison des officines artisanales où le genièvre sourd de l’alambic des fermes céréalières.
La distillerie de Houlle commence en 1812 dans celle d’une riche veuve, Charline Decocq, et de ses neuf enfants. Après l’incendie de 1885, un personnage charismatique et boulimique, Paul Lafoscade, reprend la distillerie Decocq. Conseiller général et membre de la chambre de commerce locale, il crée et préside le Crédit agricole de Saint-Omer. Pour le genièvre, il mise sur la qualité et privilégie la méthode hollandaise, longue et coûteuse, à la méthode flamande où la quantité et le moindre coût génèrent un alcool médiocre. Il invente une communication efficace : les dégustations conviviales, la forme des bouteilles, les étiquettes originales où deux coqs pré-sentent les médailles d’or obtenues… Un de ses fils, Paul (comme le père), reprend le flambeau après la Première Guerre mondiale. En 1928, l’usine déménage sur son site actuel.

Jean Noël (à gauche) et Hugues Persyn.

Jean Noël (à gauche) et Hugues Persyn.

Plusieurs événements économiques provoquent la disparition d’une multitude de distilleries. Paul junior tire son épingle du jeu mais quitte la région après l’invasion allemande. Il vend en 1942 l’entreprise à un lointain cousin, Michel Persyn, rejoint en 1944 par Jean- Marie son frère aîné. Celui-ci va perpétrer la tradition de qualité avec deux innovations décisives : les cuves en Inox remplacent celles en bois et le gaz permet une température constante en facilitant la tâche des ouvriers. Jean-Marie accueille deux de ses fils à ses côtés, Hugues en 1969 et Jean-Noël en 1985. Le premier est en charge de la production, le second, diplômé en droit, se consacre aux tâches commerciales, fiscales et informatiques (site, douanes…). Depuis 70 ans, la saga Persyn continue contre vents et marais. Depuis 200 ans, le genièvre de Houlle ravit le palais des connaisseurs. “Les temps sont plus difficiles, reconnaît Jean-Noël Persyn, mais l’entreprise résiste en raison de la qualité de ses produits. Notre façon de faire est la plus ancienne et la plus authentique, qui repose sur la triple rectification.” Si le genièvre diminue dans les verres, il est de plus en plus utilisé dans la gastronomie régionale (chocolats, macarons, gaufres, truffes…) et dans des recettes traditionnelles. Les frères Persyn visent la clientèle française hors région Nord (visites organisées, site internet) et internationale (salons) avec quelques contacts prometteurs vers la Pologne, Singapour… A suivre.

1. Hugues et Jean-Noël Persyn se battent pour protéger la dénomination “Genièvre Flandres-Artois”. L’ADGFA a déposé auprès de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) une demande de reconnaissance en “Indication géographique spiritueux” (IGS). Le cahier des charges a été établi avec l’aide du GQNPC (Groupement qualité Nord-Pas-de-Calais), association chargée par le Conseil régional de ces démarches de valorisation. Tél. : 03 21 93 01 71 – fax : 03 21 39 25 36 – www.genièvredehoulle.com Houlle, l’eau, la vie, le genièvre d’Emmanuel Persyn, journaliste et écrivain, cousin de Hugues et Jean Noël Persyn, disponible à la distillerie, 19 route de Watten 62910 Houlle. Par ailleurs, une cuvée spéciale “bicentenaire” est en préparation. 2. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.