Heureux qui, comme Denis Gheerardyn, est devenu paysan
Dix hectares s’étendent dans les plaines d’Offekerque, fief de Denis Gheerardyn, maraîcher bio. Hormis une serre qui livre encore ses belles salades pommées au cœur de l’hiver, sa mâche et autres feuilles bigarrées, les terres à nu sont recouvertes de paille et se préparent en silence aux premiers semis du printemps. L’homme au béret balaie d’un revers de main les aides de la PAC qui, selon lui, dénaturent la fonction d’agriculteur.
«Quand on entend la FNSEA dire qu’il faut agrandir les exploitations, c’est pas sérieux, s’élève le maraîcher. Il y a plein de petites fermes qui vivent sereinement sans se moderniser tout le temps. Ça fait vivre son personnage», lâche-t-il. Ce fonctionnaire qui a tout quitté à la cinquantaine pour se lancer dans le maraîchage bio est devenu une figure incontournable dans le domaine. En six ans, il a récupéré 10 hectares de terres qui appartenaient à ses beaux-parents, réalise un chiffre d’affaires de 40 000 euros, entretient ses clients sur les marchés d’Ardres et de Calais-Crèvecœur et chez lui, dans le cadre de la vente à la ferme les mercredis et vendredis. Il organise son jardin en «planches» de 30 mètres de long sur 0,75 de large : «Ça permet d’optimiser l’espace et la production selon une méthode issue de l’expérience d’un Canadien, Jean-Martin Fortier.» «Sur le plan personnel, ajoute-t’il, c’est une grande satisfaction de vivre dans la nature tous les jours, de semer, de récolter de beaux légumes. Etre indépendant, avoir une liberté d’action, de choix, d’intervenir quand j’en ai envie…»
Le paysan du courtil. Denis Gheerardyn est un paysan. Même s’il n’existe pas de métier de «paysan», on pourrait cependant largement décliner ce «métier» devant des jeunes en quête d’idéal. Un paysan façonne son environnement. Il est à la fois cultivateur, aménageur, planteur, commerçant, artisan, éleveur… Chez Denis Gheerardyn, on va au courtillage, on publie L’Effeuillée du Courtil qui en est à son 325e numéro. L’homme redonne à la terre ses lettres de noblesse. Ce nouveau métier qui commence à faire sens est pourtant le plus vieux métier du monde. «Il faut réhabiliter ce mot», insiste l’agriculteur. «Etre paysan aujourd’hui, c‘est la volonté de faire vivre une ferme à taille humaine qui soit un véritable acteur économique du territoire dans le respect de l’environnement.» Ce terrien ne se cantonne pas à son exploitation mais s’attache à partager sa passion. De plus en plus de jeunes – et de femmes − viennent à lui en quête de conseils et de soutien avant de se lancer à leur propre compte dans une démarche bio. C’est le cas de Lucie, ou encore Justine qui a trouvé une parcelle à exploiter dans une ferme de la région. Un autre jeune maraîcher, Antoine Maguire, a travaillé pendant un an chez Denis Gheerardyn avant de s’installer à Saint-Inglevert. Le jeune agriculteur reprend des terres qu’il devra exploiter en conversion pendant trois ans avant d’obtenir le label bio. Le paysan du courtil entend passer la main prochainement et prendre une retraite à proximité de ses terres. Une jeune femme serait déjà sur les rangs…
Lucy DULUC